La petite commune de Fontgombault s’est faite récemment connaître pour le refus de sa mairie de célébrer les mariages homosexuels. Une décision qui divise les habitants de la bourgade.

« Considérant qu’il existe une loi naturelle, supérieure aux lois humaines, d’après laquelle, depuis les origines du monde aucune union n’a été célébrée officiellement entre deux personnes du même sexe […] » Voici un extrait de la délibération du conseil municipal du village de Fontgombault, votée à sept voix pour, une voix contre et une abstention, qui a fait connaître ce village de moins de 300 habitants. Le Maire et ses adjoints y argumentent leur décision de ne pas marier les personnes homosexuelles.

IMG_0277IMG_0277Une prise de position extrême qui a divisé le village. Situé en plein cœur du Berry, Fontgombault n’est pas habitué à un tel remue-ménage. Composé essentiellement d’une mairie, d’un restaurant, d’un bureau de tabac et d’un garagiste, cette bourgade est rarement sujette à un tel trouble et est plus connue pour la tranquillité de son terrain de golf. Mais la prise de position du Maire Jacques Tissier, en poste à la tête de la mairie depuis 1977, n’a rien pour étonner.

Celui qui  ne voulait pas « marier les pédés », selon ses propres mots n’en est pas à son coup d’essai. De souvenir de riverains,  pour les vœux de la mairie de 2010, Jacques Tissier a fait faire la prière aux personnes présentes. Membre du collectif des « Maires pour le Droit Familial », il a toujours affirmé haut et fort sa foi catholique et son engagement contre le mariage gay. Enfin presque, car il refuse de parler à la presse. Nous nous sommes rendu à la mairie mais il n’a pas été possible de parler à Monsieur Tissier, ni à ses adjoints.

IMG_0214« Ça a réveillé les gens de la commune »

Cette prise de position considérée comme homophobe pour beaucoup a ému une partie de la commune à tel point qu’un « collectif des indignés » a été créé. Ironie du sort, le centre névralgique de cette opposition se trouve chez le garagiste situé en face de la mairie.  Frédérique Prudhomme est l’initiatrice officielle de ce mouvement. Choquée par la prise de position de son Maire, elle a décidé d’envoyer un courrier à La Nouvelle République, titre régional, pour dénoncer cet état de fait. « La nouvelle a tout de suite fait boule de neige. Elle a été diffusée sur les réseaux sociaux et quand les gens ont appris que c’était moi ils sont venus me voir au garage », raconte l’artisane.

Ce groupe toujours informel regroupe 70 personnes environ et est bien décidé à faire retirer ce texte. Ils ont tout d’abord écrit une lettre à leur Maire, qui est restée jusqu’à maintenant sans réponse. « Et je pense qu’on en n’aura pas ! », commente André Antigny, un membre du collectif. Les prochains courriers sont destinés aux sous-Préfet et Préfet. « Ça nous a paru tellement hallucinant, s’emballe la garagiste. Bientôt on va demander des certificats de fertilité pour marier les couples aussi ? » Une situation qui a alerté un certains nombre d’associations nationales. SOS Homophobie a d’ailleurs mis l’un de ses avocats sur l’affaire.

« Le collectif se voit toutes les semaines pour discuter et voir ce que l’on peut faire », raconte Frédérique Prudhomme. « Ce qui est bien, c’est que cet événement a réveillé les gens de la commune, ajoute en rigolant André Antigny. Ça a créé une émulation et permis de mieux nous connaître. »

IMG_0225S’assurer le vote de la « grande maison » ?

Fontgombault est un bastion plutôt catholique et conservateur. Lors de la présidentielle de 2012, Nicolas Sarkozy avait recueilli 40% des suffrages et Marine Le Pen 17,17%. En 2002, Christine Boutin avait obtenu 29,9% des voix, se positionnant ainsi en tête du premier tour. Dans ce village et plus largement dans ce secteur où le public homosexuel est (quasi) inexistant, cela en a étonné plus d’un que Jacques Tissier ait cru nécessaire de faire voter le conseil municipal sur le sujet. Pour ses détracteurs ce n’est pas étonnant. Il s’assurerait ainsi le vote de la « grande maison ».

Car ce qui caractérise peut-être le plus cette bourgade de l’Indre, c’est la présence d’une abbaye bénédictine fondée en 1091 et habitée par près de 70 moines. Pour les indignés de Fontgombault cette prise de position serait une tactique électorale afin de gagner les voix de la communauté aux municipales de 2014.

Pour rejoindre le portail de l’abbaye, il faut descendre un chemin bordé de bouleaux. Caché en contrebas, seuls les panneaux de signalisation permettent de deviner la présence de cet énorme édifice. Le père Tremolet accepte de nous recevoir au sein du cloître pour répondre à nos questions et nous expliquer la position de l’abbaye. Il est conseiller municipal tout comme le père Blouère. Pour lui, le Maire « n’avait pas du tout besoin de ça pour avoir les votes de l’abbaye. »

IMG_0231Le bien des enfants

Pour le père Tremolet, la question se pose en termes de conscience. «  Il faut qu’en France, ceux qui ne sont pas d’accord avec cette loi le déclarent. Le Conseil constitutionnel dans sa décision du 18 octobre a refusé de reconnaître l’objection de conscience. » Le moine nous explique aussi qu’il n’est pas question de refuser le mariage homosexuel mais bien de démissionner si le cas se présentait. «C’est la seule liberté qui nous est laissée », regrette-t-il. Car pour lui, « on ne peut pas faire n’importe quoi, sinon un jour on va nous demander de marier le frère et la sœur, de marier des trouples… »

En ce qui concerne les termes de la délibération le moine ne comprend pas l’émoi à ce sujet. « On nous a beaucoup reproché d’avoir parlé de loi naturelle, je ne vois vraiment pas ce que ça a d’extraordinaire », s’étonne-t-il. Il assure que les mêmes termes sont utilisés dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 ainsi que dans la Déclaration Universelle de 1948. Ce qui n’est pas tout à fait exact en réalité. Ces textes parlent de « droits naturels » et de « droits fondamentaux », non de lois supérieures.

Le père Tremolet insiste. « On ne peut pas appliquer le mot mariage à n’importe quoi. C’est une union de deux personnes de sexe différent et qui sont capables de procréer un être sans l’intervention d’une tierce personne, définit-il. Le but du mariage c’est la procréation et puis l’éducation des enfants. » Et de rappeler que la communauté n’a rien contre les homosexuels mais que leur seul objectif est le bien des enfants qui ont besoin selon lui « de l’altérité et de la complémentarité des parents, pour que l’enfant ait des repères clairs. »

Ce texte n’a donc pas fini de faire débat dans la petite commune qui fait figure de bastion résistant contre la loi. Deux conseillers municipaux ont démissionné suite à cela. Le « collectif des indignés » pense présenter une liste d’opposition pour le scrutin de 2014. Ils ont aussi mis en ligne une pétition qui a dépassé les 2000 signatures.

Charlotte Cosset

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