Vu de loin, il y a quelque chose de très esthétique dans ces barres de la Courneuve. Comme de gigantesques paquebots remplis de passagers qui terrassent l’horizon de leur masse. Mais de près c’est autre chose. La Courneuve, c’est vraiment un des quartiers les plus difficiles du 93. Même Bahdja avait « les chocottes » la première fois qu’elle est venue. Mais cette après-midi, tout est calme. Des jeunes jouent au football contre un mur lépreux et personne ne tourne la tête. Ma collègue Sabine avait eu moins de chance lors de son dernier passage…

Je m’engouffre dans un local souterrain où une cinquantaine de convives mangent un couscous. C’est la réunion du « Comité Maghreb-Afrique pour survivre au sida ». Le sida est un très gros problème dans la communauté immigrée. « Le taux d’infection est au minimum deux fois supérieur à celui du reste de la société » explique Reda, le président du Comité. L’ennui pour les séropositifs c’est que la maladie est encore beaucoup plus tabou chez les Maghrébins que dans le reste de la société française. Durant l’après-midi, j’entends des histoires horribles sur des familles qui marient leur fils séropositif à une jeune vierge au pays, qui s’infecte, et qui ensuite l’accuse d’avoir transmis le virus à leur rejeton. Tout cela pour sauver l’honneur de la famille. Honteux.

Pour tous ceux qui souffrent dans le silence et la honte, le Comité offre un espace où partager ses soucis et ses joies dans un espace familial. Cet après-midi, il y a des « séropos », comme des séronégatifs, des Africains, des Maghrébins et des Français de souche. C’est l’ambiance typique d’une petite assoce, chaleureuse, spontanée et pleine de bonne volonté.

Pourquoi y a-t-il beaucoup plus de d’infection dans les communautés? Reda met surtout la responsabilité sur l’incurie du gouvernement qui aurait « consciemment » négligé d’y faire une prévention efficace. Sans doute. Mais la culture du silence dans les pays d’origine est sans doute co-responsable. Beaucoup des personnes qui viennent du Maghreb en France ne savent même pas que la maladie existe.

Par Pierre Nebel

Pierre Nebel

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