C’est reparti, nous voilà à quelques heures d’un match de titans (bon, ok, de petits titans). Le coup d’envoi du troisième round Algérie vs Egypte est pour bientôt et les supporters des pharaons et des fennecs sont en ébullition. L’attente est quasi insoutenable, seul hic, aucune des télés nationales ne possède les droits de diffusion. Cette demi-finale de la coupe d’Afrique des nations s’annonce aussi facile à voir qu’une vidéo d’un procès de mineurs à huis-clos. Et pourtant, on ne peut pas dire que les supporters manquent de motivation pour suivre les matchs de leurs équipes.

Flashback sur le match du siècle où les fennecs – qui s’étaient fait auparavant laminer par un Malawi inconnu au bataillon – ont écrasé le favori de cette coupe : les éléphants de Côte-d’Ivoire. Nous sommes le 24 janvier, il est 20 heures. Mon père vient de quasiment me raccrocher au nez lorsque je lui annonce qu’aucune de nos chaines ne diffusait le match. Il ne me reste plus qu’une trentaine de minutes pour trouver un système D ou me faire virer de chez moi.

Un ami qui me veut du bien me fait écho d’un super site qui diffuse toutes les chaines en direct : Justin TV ou le messie des footeux pauvres. Sauf qu’évidemment, toute la planète est en train de regarder la même vidéo au même moment. Forcément, ce n’est plus un match en direct, c’est pire qu’un diaporama, une séance diapos. A l’ère d’avatar c’est sûr que ça fait très gavroche bledard.

Heureusement que notre chère radio était là pour nous sauver la mise, même si il faut le dire, Africa numéro 1 n’était pas très fana des fennecs. Paraît que c’était un match de folie, j’aurais pu le voir en peinture, ça m’aurait fait le même effet, le journaliste radio annonce à contre-cœur un but de l’Algérie, dix minutes plus tard mon ordi affiche une image figée de la passe qui aurait éventuellement pu être celle du but, enfin, je crois.

Mais ce lundi, tous les moyens étaient bons pour ne pas rater ce match. Les plus chanceux ont pu admirer les prouesses de leurs équipes sur Eurosport Allemagne, avec la radio en fond sonore pour les non germanophones à savoir, quasiment tous les spectateurs de ce type d’affiche. Les plus polyglottes, les globe-trotters, les gens ouverts d’esprit se sont eux affairés sur la chaine angolaise. Ils ont pu voir en direct les images du pays organisateur et suivre le match en… português.

Les plus intellos, les littéraires et les « beurgeois », en somme ceux qui se la pètent parce qu’ils savent lire, ont pu savourer les retranscriptions du match à la minute sur l’équipe.fr. Ainsi ils ont pu ne pas déroger à leur règle du bouquinage nocturne et lier leurs deux passions, le football et la lecture. Puis il y a les plus geek, les générations facebook twitter qui partagent les scores et les actions à la seconde. Je crois même que certains d’entre eux ont le cerveau tellement développé qu’ils anticipent les mouvements de chaque joueur. Avant même que le ballon ne soit entre les filets, ceux qui écrivent plus vite que leur ombre ont déjà inscrit le score sur leur statut facebook. Et ces jeunes là, tu peux leur faire confiance, ils ne se trompent jamais.

Pas comme les commentateurs de canal Algérie qui te provoquent trois crises cardiaque à la minute en criant « buuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuut » alors que la balle est encore en milieu de terrain. Tiens, en parlant de canal Algérie, alors eux, pour te mettre les clips de l’équipe nationale, ils sont numéro 1, toute la journée ça chante, ça fait la fête, par contre pour diffuser le match, il n’y a plus personne.            

La privation développe la créativité d’un Algérien. Ainsi, un fervent supporter des fennecs, exilé à Montréal, a-t-il passé la rencontre pendu à son téléphone portable avec ses parents pour ne louper aucune action. L’Algérie a gagné. Et lui a récolté une facture dont le montant équivaut à un Montréal-Alger.

Puis parmi les supporters, il y a les plus courageux, les téméraires, ceux qui n’ont pas froid aux yeux et qui n’ont pas peur des manifestations de joie de bledos bourré. Les vrais, les guerriers ont préféré partager ces instants dans les cafés devant Orange TV. Cette chaine que personne ne possède mais que tous les footeux détestent, cette chaine à cause de laquelle nous sommes obligés de faire des pieds et des mains pour regarder un puzzle de match de foot. Cette chaine à qui l’on a envie d’associer un mot pas très joli (un anagramme de foot version juron à l’arabe) à chaque fois qu’un match de l’Algérie est prévu et qu’elle en a l’exclusivité.

Alors en résumé, petite recette pour regarder un match de la CAN. Tout d’abord s’il s’agit d’un match avec l’Algérie, s’armer d’un défibrillateur et de boules ZEN ki Gong pour éviter les crises cardiaques. Ensuite, réviser ses cours d’allemand, et avoir quelques notions de portugais, d’umbundu ou d’arabe. N’écoutez Africa Numéro 1 que si et seulement si il n’y a pas d’Algérien dans la salle, auquel cas, restez sur le qui-vive, un lancer de chaussure/ télécommande/fourchette est vite arrivé. Enfin, en cas de guerre ou de panne de courant soudaine, révisez le morse car avec des algériens sur le terrain tout peut arriver… Et que le meilleur gagne.

Breaking news : on apprend qu’Orange Sport pourrait diffuser ce soir en clair le match Algérie-Egypte.

Widad Kefti

Widad Kefti

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