AI-Un camp de Roms à Noisy-le-Grand-Juin 2012

Le rapport est en continuité du travail d’Amnesty International (AI) sur les Roms en Europe et dénonce le manque de garanties du droit français contre les expulsions forcées. Le droit international, auquel la France est soumise, stipule que les autorités ne doivent pas procéder à des expulsions forcées et doivent en protéger toutes les personnes, y compris les migrants en situation irrégulière. Or, durant les trois premiers trimestres 2012, plus de 9 000 Roms ont subi des expulsions forcées. « On reconnaît le sérieux des efforts et la sincérité du nouveau gouvernement mais rien n’a changé sur le terrain », souligne John Dalhuisen, directeur du programme Europe et Asie à AI.

On parle de trouver des solutions mais les pics d’expulsion correspondent bizarrement aux mois de juillet et d’août. Pourtant, la campagne de François Hollande annonçait des solutions alternatives quant à la situation des Roms. La circulaire interministérielle du 26 août 2012 a aussi suscité de l’espoir pour cette communauté car elle invite les préfets à rechercher des solutions en amont des évacuations, notamment en ce qui concerne le relogement des expulsés. Cependant, les évacuations forcées de campements se poursuivent.

Le logement touche aussi d’autres catégories de personnes de la société française, le gouvernement sera-t-il capable de trouver des solutions pour tous ? Cécile Duflot, ministre du Logement, a facilité l’accès à l’emploi des Roms en supprimant la taxe due par leurs employeurs et en élargissant la liste des métiers qu’ils peuvent exercer en France mais la priorité n’est-elle pas de donner un toit à ces nombreuses familles livrées à elles-mêmes ?

Le but d’ AI est de rappeler l’obligation du gouvernement français. Les expulsions sont légales car l’occupation du territoire est sans autorisation mais il y a violation des droits car il faut prévenir les occupants et surtout les reloger. Sur le terrain, il n’y a presque jamais de consultation des personnes visées et il n’y a pas de recherches de solutions alternatives quant au relogement. De plus, les délais de préavis ne sont pas respectés, les personnes ne sont pas informées. Les Roms devraient avoir accès au recours juridique mais en pratique, ils ne bénéficient pas d’avocats et peinent à obtenir une aide juridictionnelle.

Marion Cadier, chercheuse à  AI France, a visité douze campements de Roms à travers l’Ile-de-France, de février à septembre 2012. 15 000 Roms vivent en France, la moitié vit en Ile-de-France. Cette chercheuse pointe les conditions de vie indignes des Roms : l’accès à l’eau est difficile, pas d’accès à l’électricité, pas de collecte d’ordures provoquant  l’invasion des rats, pas d’accès à l’hygiène de base, des cabanes et des tentes font office d’abris. « Les expulsions ne sont pas des solutions puisque les personnes se réinstallent ailleurs dans des zones encore plus isolées et insalubres », insiste-t-elle. Par ailleurs, les expulsions forcées ont des conséquences désastreuses pour les familles et coupent court à tout processus d’insertion.

Le docteur Martin Duteurtre, travaillant au sein d’une équipe médicale mobile de Médecins du Monde, nous explique les conséquences des expulsions sur la santé : « on essaye d’inscrire l’accès à la santé sur le territoire, notamment par des activités de prévention et de médiation qui permettent de rapprocher les personnes des structures sanitaires. Seulement, les expulsions induisent une rupture de suivi, ce qui pose vraiment problème au niveau des pathologies chroniques. »

Quant aux conséquences des expulsions sur la scolarisation, Véronique Decker, directrice d’école à Bobigny, parle d’ « effondrement psychique » des enfants Roms « habitués de l’expulsion », ceci menant parfois à l’ « abandon » de l’école par ces enfants. « Nous créons des enfants qui n’auront pas leur place dans la société », ajoute-t-elle. Comme le précise Geneviève Garrigos, Présidente AI France, « nous demandons l’arrêt immédiat des expulsions forcées car ces dernières sont illégales, la France doit respecter le droit international et ses engagements. »

La présidente d’AI France revient aussi sur la stigmatisation et les préjugés portés sur les Roms. « On continue de véhiculer et d’ancrer dans l’imagerie populaire que les Roms sont une population à rejeter, que c’est une population exclue. Ce ne sont pas que des délinquants. Effectivement, ils sont dans des conditions qui peuvent mener à cela mais ce sont avant tout des victimes. On les condamne dans cette spirale de la pauvreté, de l’exclusion, du rejet, de l’abandon et quel est le prix qu’on va payer demain pour ça ? »

Rajae Belamhwal

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