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En octobre 2022, une vidéo d’Andrew Tate fait une nouvelle fois le buzz. Connu pour ses positions radicales sur les femmes, le Britannique apparaît alors dans une mosquée de Dubaï en train de prier. Sur la chaîne YouTube “One Islam Production”, il confirme par la suite qu’il s’est bel et bien converti à l’islam. « La dernière vraie religion » à ses yeux.

La nouvelle a suscité de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux. Certains félicitent sa conversion, mais d’autres interrogent ses motivations, en particulier les femmes musulmanes. Ces dernières se sont insurgées sur des plateformes comme Instagram ou X, percevant la conversion d’Andrew Tate comme un moyen d’étendre son influence à travers une catégorie bien ciblée de jeunes hommes musulmans.

Certains ont en effet salué sa conversion, omettant l’entièreté de ce qu’il a pu commettre, s’appuyant sur l’argument de la renaissance spirituelle. En islam, il est dit que les péchés d’une personne converti sont pardonnés et oubliés. Mais Andrew Tate ne semble pas faire acte de repentance ni s’excuser pour ses propos misogynes chocs.

Il détient une véritable influence chez une frange de jeunes hommes musulmans qui considère ses messages comme porteurs de vérité et en phase avec leur religion, notamment sur la place des femmes. Ses discours sexistes et misogynes paraissent être un attrait pour des jeunes hommes gangrenés par la vague masculiniste et “redpill”, un courant de pensée conservateur et anti-progressiste. Ajoutée à cela, une mauvaise interprétation de l’islam qui vient légitimer des discours violents et radicaux. Un cocktail explosif qui représente un véritable danger pour les femmes.

“Redpill” sous le qamis

Né à Chicago d’un père américain et d’une mère anglaise, Andrew Tate grandit à Luton, près de Londres. Il commence sa carrière professionnelle en tant que kick-boxeur et décroche même un titre mondial. En 2016, il fait ses premiers pas à la télévision en participant à l’émission de télé-réalité britannique “Big Brother” avant d’en être exclu suite à des propos homophobes et racistes ayant refait surface.

Sur ses réseaux sociaux, il encourage toute une génération de jeunes hommes à se prendre en main et à faire face à « une réalité ». Celle d’un Occident qui, selon lui, est décadent et totalement en contradiction avec les valeurs traditionnelles. Un véritable culte s’est formé autour du personnage qui ne cesse d’exposer son lifestyle à travers les réseaux sociaux. Une vitrine bien léchée dans le but d’attirer des jeunes hommes en quête de soi. En 2017, en plein mouvement #MeToo, il est banni de Twitter après avoir affirmé que les femmes étaient « responsables » des viols qu’elles ont subis.

En août 2022, il est cette fois exclu d’Instagram, Facebook, TikTok et YouTube pour « contenu dangereux », « incitation à la violence » et « discours haineux ». Néanmoins, il est réhabilité sur la plateforme d’Elon Musk, X, où il reste ultra-actif. Vente de formation pour devenir riche, expression d’un lifestyle luxueux exacerbé, mantras pour devenir un « homme alpha »… Andrew Tate possède tout l’attirail d’un masculiniste prêt à exploiter la naïveté des jeunes hommes en pleine construction.

L’ami des islamophobes

Il faut dire que la conversion d’Andrew Tate intervient quelque temps avant son arrestation au côté son frère Tristan en Roumanie, pour proxénétisme, traite d’êtres humains et trafic sexuel dont ils clament tous deux leur innocence.

Élevé dans la foi chrétienne puis devenu athée avant de se tourner vers l’Église orthodoxe, sa conversion survient après des années d’errance religieuse. Dans une interview accordée au podcasteur britannique, Zuby, il affirme que le christianisme serait devenu trop « indulgent » et qu’il tendrait vers un progressisme qu’il honnit. « Il n’y a rien que les chrétiens ont pu préserver à l’époque dans laquelle nous vivons », dit-il.

“Red pill” revendiqué, Andrew Tate assure se battre contre les idéologies dites progressistes telles que le féminisme ou encore « la propagande LGBT ». Ces dernières sont l’ennemi commun qu’il pense avoir avec l’islam qui, d’après lui, serait la seule religion ayant un avis tranché concernant ces questions-là.

Le « roi de la masculinité » est pourtant adepte du copinage avec des personnalités d’extrême droite et islamophobes. Il est proche de Tommy Robinson, militant politique britannique d’extrême-droite, co-fondateur de l’English Defence League, mouvement identitaire islamophobe. Dans une vidéo postée sur la plateforme Rumble, ce dernier a défendu Andrew Tate concernant les accusations de viol qui le visent.

Aujourd’hui, Andrew Tate converge à la fois avec des hommes adhérant à l’extrême-droite et des hommes musulmans, deux camps qui sont pourtant historiquement opposés.

Inquiétudes des musulmanes

De nombreuses femmes musulmanes ont exprimé leur inquiétude quant à l’explosion de l’influence d’Andrew Tate suite à sa conversion. Des médias anglo-saxons tels que The Independent, CNN ou encore Al Jazeera ont accordé une tribune à leurs journalistes musulmanes. Elles mettent en garde face aux idées masculinistes qui se propagent chez les jeunes hommes de confession musulmane.

En janvier 2023, la journaliste américaine Hafsa Lodi a publié une tribune intitulée : « Voilà ce qu’Andrew Tate représente pour les femmes musulmanes comme moi » pour le média The Independent, un quotidien généraliste britannique. Dans cet article, elle exprime son désarroi face à l’attractivité qu’il possède auprès des hommes musulmans et rappelle que la haine des femmes est complétement à l’opposé de ce que l’islam promeut.

La journaliste et écrivaine britannico-égyptienne, Yousra Samir Imran, a également écrit un édito pour Al Jazeera publié en novembre 2022. Elle fait part de son inquiétude quant à l’utilisation de la religion par Andrew Tate et sa popularité grandissante le permettant de se réhabiliter dans l’espace public, notamment suite aux accusations de viols qui le visent. Elle invite par ailleurs les hommes musulmans à combattre la misogynie qui est un fléau pour tout le monde.

La misogynie exacerbée qu’Andrew Tate essaie de légitimer par l’islam est un danger pour les femmes. Mais cela participe aussi à renforcer un stéréotype sur l’islam, qui serait une religion permettant tout type de violence envers les femmes. Il est pourtant démontré que cela est fermement condamné. Andrew Tate et sa fanbase sont une gangrène à l’heure où la haine des femmes est de plus en plus tolérée et banalisée.

Fatoumata Koulibaly

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