« Ça frappe lourd, elle m’a sonnée à plusieurs reprises. Heureusement que je prends les coups, sinon je serais allée au tapis ». Tels étaient les mots d’Anne-Sophie Mathis, après la défense de son titre ce vendredi soir lors du gala de boxe de Sarcelles, retransmis en direct sur l’équipe 21. Ce combat avait des allures d’adieu aux armes.
A 37 ans, la pugiliste la plus titrée de France, hommes et femmes confondus, seule boxeuse hexagonale à avoir obtenu une ceinture mondiale dans trois catégories différentes effectuait son douzième championnat du monde. Dès lundi, elle démarre un contrat de six mois comme agent de surveillance de la voie publique à Nancy et prépare le concours de la police municipale. Face à elle, Oxandia Castillo, une jeune dominicaine de 20 ans au punch ravageur avec 17 combats à son actif pour 13 victoires dont 10 avant la limite.
Mais la boxeuse de 37 ans ne craint pas l’adversité, elle a toujours affronté les meilleures. Son style est aussi offensif que brutal. Sur ses 27 victoires, 23 ont été remportées par arrêt du combat. On se souvient de son duel épique en décembre 2006 contre Myriam Lamare qui vola la vedette à Brahim Asloum en personne. Les deux super-welter se sont livrées un combat d’anthologie.
Dès que le gong retentit, la fraîcheur de la guerrière de Saint-Domingue ébranle la championne. Plus petite de dix centimètres du haut de son mètre soixante-dix, elle parvint à casser la distance et à toucher durement Anne-Sophie avec des crochets courts d’une rare puissance. « Mathis est un diesel » déclare Jean-Marc Mormeck aux commentaires. Il connait ce type d’entame lui qui a toujours eu du mal en début d’affrontement. La Française résiste.
Au troisième round, elle revient dans le combat. Malgré tout, elle peine à rester à distance, et Castillo termine les échanges. Les quatrièmes et cinquièmes reprises sont aussi violentes qu’équilibrées, les deux combattantes se rendant coups pour coups. Anne-Sophie Mathis doit garder sa distance, mais « elle boxe avec son cœur » affirme Mormeck, parfois au détriment d’une stratégie gagnante. Elle va au charbon devant une boxeuse qui ne cède pas un centimètre sur le ring pour le plus grand plaisir du public. Entre les sixièmes et huitièmes rounds, la Dominicaine paye sa débauche d’énergie, et la boxeuse française parvient à reprendre confiance. Elle change régulièrement de garde et semble plus à l’aise.
Au huitième round, tout est encore possible, l’intensité ne baisse pas et les deux femmes continuent de se faire face dans des échanges toujours aussi durs. Le nez de la championne se met à saigner, elle qui est bien revenue dans l’affrontement semble de nouveau perdre l’avantage. Les deux derniers rounds sont une véritable démonstration de force des deux cotés avec un léger avantage pour Oxianda Castillo, sa garde hermétique et ses crochets ravageurs.
La soirée aurait été parfaite si elle n’avait pas été entachée, comme souvent par une décision discutable. Les juges optent pour le match nul, permettant à La Française de conserver son titre. Elle n’est pas dupe, en témoignent la sobriété de sa réaction ainsi que ses paroles au micro de l’équipe 21 « Je ne suis plus l’Anne-Sophie Mathis qui a boxé contre Myriam Lamare ». On objectera que si, elle l’est toujours, tant elle a eu du cœur contre sa féroce cadette qui a clairement tout fait pour la mettre K-O.
Au-delà du spectacle, on tirera deux éléments de cette magnifique soirée placée sous le signe du noble art. Tout d’abord, la boxe anglaise hexagonale n’est pas morte. Elle a toujours un public, et la chaîne sport gratuite du journal sportif le plus vendu en France suit désormais ses champion(ne)s, et Jean Marc Mormeck n’y est certainement pas pour rien. Ensuite, la boxe féminine était à l’honneur hier soir, avec un « main event » de très haut niveau, mais aussi en combat d’ouverture avec le retour réussi de la championne du monde WBF des poids plumes, Gaëlle Amand. La Française de 31 ans a maîtrisé son sujet en six rounds contre une courageuse Polonaise limitée techniquement. Renouveau et parité pourraient-t-ils devenir les maîtres mots du pugilisme ? Les amateurs ne peuvent ce soir que le souhaiter.
Mathieu Blard