Pas de caméras, pas de tribunes, à peine quelques supporters… Ce n’était pas la Ligue 1, ce dimanche, au Raincy, mais le premier tour de la Coupe de Seine-Saint-Denis, qui opposait les locaux à l’équipe d’Efespor. Les premiers font figure de favoris : ils évoluent en 2e division départementale, autrement dit le dixième échelon du football français. En face, Efespor joue habituellement deux échelons plus bas.

Il faut dire que l’objectif du club n’est pas franchement d’aller concurrencer le PSG. En fait, l’EFE est une équipe de potes dont le point commun est d’être issu de la diaspora turque. Créé il y a 10 ans, le club a dû attendre 2017 pour obtenir un créneau et pouvoir disputer des matches officiels. Départ, donc, en 5e division départementale depuis son fief de Marville, à Saint-Denis, dont les Franco-Turcs de l’EFE ont fini champion dès la première année.

Ce dimanche, le match se déroule plutôt bien malgré le handicap d’un but à la mi-temps. En deuxième période, le match s’envenime brièvement suite à un penalty litigieux. Des invectives envers l’arbitre fusent comme le ballon sur le terrain un jour de pluie. Les esprits s’échauffent un peu mais les entraîneurs calment chacun leur effectif survolté de passion pour l’adversaire.

Cuneyt, 30 ans, chauffeur de bus… et meilleur buteur

Ce dimanche ensoleillé, le vent souffle sur le tapis vert en synthétique ce qui rend les conduites de balles plus délicates. Les joueurs s’essoufflent, les vitesses d’exécution diminuent. Le dernier quart d’heure du match est difficile pour tous, entre la déception de ne pas revenir au score pour l’EFE et la volonté de maintenir le résultat pour Le Raincy. La magie du foot en décide autrement, le Raincy creuse une nouvelle fois l’écart mais quelques minutes après, l’EFE bénéficie d’un penalty suite à une sortie agressive du gardien. On en est à 3-1 pour le Raincy.

Les derniers instants du match sont tendus, les quelques supporters mettent la pression à l’arbitre. Un officiel du District, l’instance qui gère la compétition, rémunéré 76 euros pour sa prestation, comme ses deux assistants. Finalement, l’arbitre siffle les trois coups de sifflet finaux et Le Raincy se qualifie pour le tour suivant.

Dans le petit stade municipal du Raincy, pas de zone mixte, alors on se débrouille pour avoir les stars d’Efespor en interview. Parmi eux, Cuneyt, 30 ans, chauffeur de bus dans la vraie vie, meilleur buteur du club à ses heures perdues. 19 buts en 21 matches la saison dernière, excusez du peu. Mais simple comme il est, Cuneyt accepte de parler au BB du sujet qui est sur toutes les lèvres ce dimanche.

Demain, on sera en Turquie au stade de France !

Le match du jour ? Non ! Celui du lendemain, entre l’équipe de France et la Turquie. « La Turquie est première du groupe, rappelle Cuneyt, plutôt fier. On va gagner 2-1. » En survêtement de Galatasaray, un de ses coéquipiers intervient : « On sera là pour encourager l’équipe ! Nous, les Turcs, on ne lâche rien, on va se battre pendant 90 minutes. L’équpe de France a le pied cassé avec tous les absents (Mbappé et Pogba notamment, ndlr). Le seul qui peut nous poser problème, c’est Coman. Il fait des dingueries avec le Bayern ! »

Un certain nombre de ses coéquipiers ne rateraient pour rien au monde ce rendez-vous qui est un peu le leur, eux les Turcs de France, qui plus est chez eux, à Saint-Denis. Beaucoup ont même acheté des places dans les tribunes normalement réservées aux supporters des Bleus. « Demain, on sera en Turquie, s’enflamme l’un d’eux. La ferveur est immense pour ce match, tous les Turcs sont fans de foot ! On est connus pour nos supporters incroyables. Le match va se jouer à Saint-Denis mais le stade sera turc ! »

Reste un enjeu épineux, le contexte particulier de la rencontre, alors que les relations diplomatiques entre la France et la Turquie connaissent un regain de tension ces jours-ci autour de la question kurde. « Macron n’est pas prévu pour le match, Erdogan non plus, s’amuse l’un des joueurs. C’est trop tendu entre eux (rires). »

Ozgur, le secrétaire général du club, veut croire que tout se passera bien en tribunes : « Les consignes ont été données et relayées sur les réseaux sociaux, il ne faut pas siffler les hymnes et donner une bonne image. Ce que l’on craint, c’est les débordements d’avant-match. On regrette qu’il n’y ait pas eu de porte-parole de la communauté turque à ce sujet, on a entendu tout le monde réagir et l’amalgame est facile et inévitable. Je suis fier de vivre en France et d’être français. Je suis patriote de la nation française malgré mes racines turques. Je suis soucieux de donner une bonne image. »

Ils seront des milliers à vivre, comme lui, la rencontre entre leurs deux pays, ce lundi à 20h45 au Stade de France.

Samir BENGUENNOUNA

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