Faïza Zerouala, journaliste, Bondy blogueuse, publie son premier livre, Des voix derrière le voile, aux éditions Premier Parallèle. Redonner la parole à ces femmes qui ne l’ont pas, alors que le débat s’empare d’elles, tel est l’objectif de l’ouvrage.
La langue française est assez complexe, c’est bien connu. Des mots, il y en a des milliers et leur sens est souvent multiple. À la lettre V du dictionnaire, on trouve le nom commun « voile ». En soi, les définitions données sont plutôt simples. Pourtant le sens qui lui est attribué dans l’espace médiatique est bien plus complexe. Ces cinq lettres ont tendance à faire polémiques. Depuis les années 90, plusieurs questions autour de ce sujet ne cessent de revenir à nos oreilles : « le voile a-t-il sa place dans la société française ? », « doit-on accepter le voile à l’université ? », « le voile est-il un frein à l’intégration ? ».
Souvent ce sont les personnalités politiques qui s’emparent de ce sujet, parfois des éditorialistes ou les président(e) s d’associations défendant la cause des femmes. Mais les concernées ne sont jamais, ou bien très rarement, interrogées sur la question. Qui sont ces femmes voilées ? Pourquoi portent-elles le voile ? Comment pratiquent-elles leur religion au quotidien ? Faïza Zerouala — journaliste indépendante et Bondy blogueuse — a décidé de redonner la parole, souvent confisquée, à ces femmes dans son premier livre Des voix derrière le voile.
« Redonner la parole à ceux qui ne l’ont pas forcément »
Elle est ainsi partie à la rencontre de dix femmes. Dans le livre, elles s’appellent Nadia, Sophie, Assia, Nawel, Fatiha, Aya… Elles habitent Antibes, Lilles, Drancy, Marignane, Villeurbanne, Paris. Elles ont entre 18 et 58 ans. Elles portent le voile pour des raisons différentes et de manières différentes : jilbeb, hijab, sitar. Elles sont étudiante, mère au foyer, femme de chambre, chef de projet, bloggueuse beauté, enseignante, auto-entrepreneuse.
Faïza Zerouala explique avoir usé de son réseau pour établir un lien avec ces femmes qu’elle ne connaissait pas au départ : « pour la plupart c’était des amies d’amis, j’en ai contacté certaines sur les réseaux sociaux. J’ai fait le choix de ne pas passer par des militantes pour ne pas avoir le discours formaté qu’on entend partout, je voulais une parole brute ». Mais parler de soi, de sa religion relève de l’intime. En parler à une journaliste c’est encore autre chose : « il y a un réel désamour entre ces femmes et les médias, parce qu’elles ont le sentiment que les questions liées à leur religion, l’islam, sont souvent mal traitées ». Il a donc fallu gagner leur confiance pour qu’elles se livrent : « elles ont compris que je leur donnais la parole et que je voulais parler de toutes les questions liées au voile, pas seulement celles qui font polémique ».
Il s’agit donc d’un livre de témoignage, « un livre de parole ». L’auteure confie : « les causes perdues m’ont toujours passionnées, c’est cliché je sais, mais j’ai choisi d’être journaliste justement pour parler des « vrais gens », redonner la parole à ceux qui ne l’ont pas forcément ».
Conscientes que leurs voix ne sont pas toujours entendues, ces femmes semblent avoir profité de l’occasion pour dire tout ce qu’elles avaient sur le cœur, et sans langue de bois. Elles expliquent quand et pourquoi elles ont choisi de porter le voile, comment cela a été interprété par leurs familles, leurs amis, leurs collègues. Plusieurs des femmes évoquent l’image qu’elles renvoient avec leur voile. Nadia se rappelle qu’au début elle souriait sans cesse, « pour montrer que je n’étais pas méchante », avec du recul elle trouve ça ridicule.
« La religion ce n’est pas une activité extrascolaire que je fais le mercredi après-midi »
Il est courant d’entendre le cliché de la femme forcée à se voiler par son père, son mari ou son frère. Avec les témoignages de ces dix femmes, le choix est le fruit d’une volonté personnelle. Au contraire, certaines ont même dû se confronter au refus de leurs parents, Sabrina constate que si elle était restée mariée, il aurait été compliqué de faire accepter son voile à son ex-mari. Faïza Zerouala espère « démonter certains préjugés, humblement évidemment, et montrer que l’islam a plusieurs visages en France. J’aimerai que les gens comprennent que le voile c’est plus compliqué que ça ».
Et justement, étant donné qu’il s’agit d’un sujet complexe, l’auteure a pris le soin d’expliquer certaines notions au début et à la fin de l’ouvrage : quelques illustrations expliquent les formes de voiles, un glossaire permet de comprendre certains termes employés, certaines références juridiques ou historiques. L’auteure elle-même, qui s’était pourtant déjà bien renseignée sur le sujet, raconte avoir appris beaucoup de choses en écoutant ces femmes.
Plutôt que d’employer des formules fortes pour parler d’elles, de mettre en place des mesures les concernant, il ne suffirait finalement que d’écouter ces femmes pour comprendre qu’elles ne font qu’user des trois grandes valeurs de la République : liberté, égalité, fraternité.
Sarah Ichou
Faïza Zerouala, Des voix derrière le voile, Premier Parallèle, mars 2015, 258 pages disponible en Ebook sur toutes les plateformes et en version papier sur lalibrairie.com (15 euros) et à la Belle Hortense (31 rue Vieille du Temple, 75004 Paris)
« Ce voile, c’est moi. Je ne vais pas venir à l’école sans un bras »
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