« Chers spectateurs, la ville de Metz est… euh… Je sais pas, moi ! » Fou rire général dans la salle de théâtre du centre social Bellecroix. Derrières ses lunettes noires et son chignon bien ficelé, Kahina tente de retrouver sa concentration face à ses camarades, assis en cercle autour d’elle. Sa mission : défendre les couleurs messines face à son adversaire du soir, Fatima, qui doit, elle, mettre en valeur les avantages de Nancy. « Metz, c’est connu. Déjà, il y a une sublime cathédrale », se reprend Kahina, en cherchant ses mots. « Et il y a aussi la plus belle gare de France », s’exclame-t-elle, fièrement.

Un ténor pour mentor

« Excellent ! Vous vous rattrapez bien. Merci à toutes les deux, vous pouvez les applaudir ». Celui qui vient de conclure la joute oratoire, appelée ici battle , n’est autre que leur coach. Et quel coach ! Bertrand Moupfouma, impressionnant avocat au barreau de Paris et de Luxembourg, vouvoie chaque jeune et ne cesse de les encourager.

Bertrand Moupfouma, impressionnant avocat au barreau de Paris et de Luxembourg, vouvoie chaque jeune et ne cesse de les encourager

« Vous êtes des personnes talentueuses, je ne veux plus entendre des ‘Je ne sais pas’. Vous avez une réflexion d’HEC. Désolé, j’ai un discours démagogique mais j’assume », souligne l’homme originaire d’Évry, en région parisienne, et membre d’une ligue d’improvisation où il cultive son amour pour l’art de l’éloquence. Un art qu’il transmet bénévolement à ce groupe de seize jeunes réunis chaque vendredi soir à une heure où d’autres préfèrent rester scotchés à leur écran télé.

La plus grande des réussites, qu’ils s’autorisent à prendre la parole

Ils ont entre 14 et 22 ans, il y a autant de filles que de garçons, certains sont lycéens, d’autres en décrochage scolaire. Depuis janvier, le projet d’éloquence Haut et Fort , porté par l’association Apsis-Émergence, les a réunis alors qu’ils ne se connaissaient pas, ne viennent pas des mêmes quartiers de Metz, ni des mêmes milieux sociaux.

Mehdi Gafour, éducateur spécialisé à l’initiative du projet Haut et Fort

Favoriser l’expression orale, la confiance en soi, mais aussi l’ouverture culturelle, la mixité sociale et l’insertion professionnelle, constitue autant d’objectifs fixés par Mehdi Gafour, éducateur spécialisé à l’initiative du projet. « L’éloquence est un prétexte, puisque nous développons d’autres activités en parallèle », souligne l’homme d’une vingtaine d’années. Parmi ces autres activités, des simulations d’entretiens d’embauche avec des chefs d’entreprise et des sorties culturelles. « La plus grande des réussites, c’est qu’ils s’autorisent à prendre la parole, chose qu’ils n’étaient pas forcément en capacité de faire il y a quelques semaines », se félicite de son côté, Mounir Elharradi, directeur de l’association.

Les mots sont une arme

L’ambiance est bon enfant, les échanges bienveillants. On s’écoute mutuellement, on se taquine, on s’applaudit après chaque prise de parole. La nouvelle battle porte sur les inégalités salariales entre les hommes et les femmes. « La femme a toute sa place dans la société, on n’est plus dans l’ancien temps », s’emporte Nassim, 17 ans.

Khadija, élève de Première L au lycée Robert Schuman

Au tour de Khadija de montrer ses talents. « Les mots sont une arme. Pour se faire écouter aujourd’hui dans notre société, il faut savoir s’exprimer et se faire comprendre », assure l’élève de Première L au lycée Robert Schuman, qui profite de ces ateliers pour préparer ses oraux de français. Apprendre à se faire entendre. Le pari est déjà réussi.

Leïla KHOUIEL

Informations pratiques : ce vendredi 27 avril se déroulera le concours d’éloquence à TCRM-Blida, avenue de Blida, à Metz. L’événement est ouvert au public dans la limite des 200 places disponibles

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« Madame, on va pa se mentir, c’est mieux d’être un garçon ! »

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