« Avant, je vivais dans une résidence privée. Aujourd’hui, j’habite dans un ghetto » résume Roberta, 55 ans, propriétaire de son appartement dans un quartier de Clichy-sous-Bois. Si durant les années 1980, période à laquelle cette assistante maternelle portugaise a été naturalisée, l’endroit était calme, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le bruit constant des enfants dans les cages d’escalier et devant le parking, les déchets jetés sur son balcon et les fuites d’eau à répétition ne lui laissent pas de répit. Son quotidien s’est durci. Plus l’immeuble se dégrade, plus les charges augmentent pour cette mère de trois adolescents : 780 euros d’impôts fonciers et près de 500 euros par trimestre pour le chauffage collectif. « Je paye aussi le syndic, mais il ne fait pas assez d’efforts pour améliorer le quartier ». Quant au gardien, « il est là pour vider les poubelles et nettoyer le bas des immeubles de temps en temps. C’est son boulot ».

Les voisins d’antan, dont beaucoup étaient Portugais, sont partis les uns après les autres. « Non pas parce qu’ils sont racistes, précise-t-elle, mais parce qu’ils ne veulent plus payer pour les autres ». Roberta attend la retraite pour quitter cet endroit qu’elle connaît pourtant bien. A l’époque où elle y a posé ses valises, chacun avait sa place de parking réservée. L’entrée de l’immeuble était garnie de gazon et de fleurs : « des marguerites », se souvient-elle… qui ont été ensevelies par les piétinements et les déchets ménagers en tout genre.

Ici, plusieurs familles vivent entassées dans un appartement de trois ou quatre pièces. « Pas étonnant qu’on retrouve les enfants dehors après 10 heures du soir ! », remarque Roberta. Qui ajoute, d’un air désolé : « chaque année, les mères de famille se reproduisent. Moi, si je ne trouve pas de logement plus spacieux, je ne me reproduis pas ! Certains, au contraire, déménagent dans des appartements encore plus petits ». 

Tous les matins, avant d’aller faire le ménage chez des particuliers – 10 € de l’heure – l’assistante maternelle dépose à l’école les enfants qu’elle garde. Les mères qu’elle croise lui parlent de leur situation : pour la plupart, elles ont un mari au chômage. « Il y a des familles où les enfants nourrissent les parents, grâce à la CAF (Caisse d’Allocation Familiale) », estime Roberta. Selon elle, ces femmes considèrent comme un devoir de se rendre chez les assistantes sociales. Une démarche inenvisageable pour la Franco-Portugaise. Roberta raconte avec fierté qu’elle travaille du matin au soir et paye ses impôts : « Je n’ai ni les mêmes habitudes, ni les mêmes idées, ni la même mentalité. Tout cela ne m’empêche pas de respecter tout le monde et toutes les religions. Je n’ai jamais eu d’histoires avec ces gens ».

Jamais mariée, séparée depuis plus de 10 ans du père de ses enfants, elle se considère comme une femme libre : « J’ai mes idées propres, j’ai trois enfants et je vis sans dettes ».

Nadia Boudaoud

Nadia Boudaoud

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