Deux communistes sont venus l’autre soir au local. Jacques Jakubowicz, adjoint au maire, et Sylvie Pierronnet, professeur de collège et conseillère municipale. L’ambiance était électrique, car sans que je ne m’en rende compte, le fait de recevoir des politiciens dans le local a été perçu comme une intrusion par certains jeunes du quartier. A un moment, deux ou trois sont venus jeter des cailloux contre les fenêtres en hurlant des insultes. C’était plus théâtral qu’autre chose et les responsables du club sont intervenus tout de suite. Mais cela illustre la territorialité très forte des cités, où ne sont tolérés que ceux qui ont été admis à y entrer. Et cela montre aussi qu’on peut très vite passer d’une situation calme à un état de tension.

Sylvie Pierronnet et Jacques Jakubowicz sont venus parler de la situation extraordinairement difficile du logement à Bondy. Dans cette ville de 45’000 habitants (chiffre officiel, en réalité même le maire l’estime plus proche de 60’000), il y a actuellement 4000 demandes de logement en attente. Oui, 4000. Cela signifie qu’on attend souvent cinq ou six ans avant d’obtenir un appartement subventionné.

« Le problème, explique Jacques Jakubowicz, c’est que ces demandes en attente ont pour la plupart un caractère urgent, ce sont des couples qui se séparent et dont l’un des conjoints, parfois avec les enfants, est à la rue; ce sont des familles qui doivent être logées chez des amis eux-mêmes à l’étroit; ou des jeunes couples mariés qui sont contraints de rester chez un des parents. » S’ils trouvent à se loger au bout de deux ou trois ans, c’est qu’ils ont eu beaucoup de chance. En moyenne, c’est au moins le double.

Le résultat, c’est que ceux qui obtiennent un appartement en HLM sont le plus souvent non seulement des personnes à faible revenu, mais aussi placées dans une situation sociale très précaire. D’où cette fragilisation dramatique de la population des cités. « C’est au point que les assistantes sociales se sentent débordées et impuissantes, relève Sylvie Pierronnet. Une partie d’entre elles viennent d’ailleurs de se constituer en association dans la Seine-Saint-Denis. Elles ont l’impression de ne plus être comprises, même de leurs collègues des autres régions. »

La solution? Depuis quelques années, la loi française prévoit que chaque commune doit construire au moins 20% de logements sociaux. Bondy en est à 48%. A Raincy, une riche commune voisine dont le maire se pose volontiers en censeur des dérives des cités, il y en a entre 3% et 4%. A Neuilly, ville dont Nicolas Sarkozy est le maire, c’est 2% à 3%… « Actuellement, s’énerve Jacques Jakubowicz, la loi est ainsi faite qu’on peut facilement l’ignorer. La pénalité est si faible que les maires de ces communes riches préfèrent la payer afin de préserver chez eux une population homogène. »

Tiens, tiens. Il n’y a donc pas seulement les ghettos de pauvres. Il y a aussi les ghettos de riches. Ceux-ci se défendant par tous les moyens contre ceux-là… Ce problème ne me semble pas uniquement français, en Suisse aussi on trouve la même tendance, simplement moins dramatiquement caricaturale.

Par Alain Rebetez

Alain Rebetez

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