Quelle est la situation actuelle en Méditerranée ?
Jean Francois Dubost : La situation s’aggrave. On constate une augmentation du nombre de traversées par rapport à 2014. De plus en plus de vies humaines sont en danger. D’autre part, nous ne sommes pas encore dans un contexte où la Méditerranée est totalement navigable. Traditionnellement, en période hivernale, on note une baisse par rapport à la période estivale car la traversée est plus dangereuse. De plus, si le nombre de morts se confirme, il sera la preuve de la gravité de la situation.
D’où viennent les migrants pour la plupart ?
JFD : La majorité arrive de Syrie et d’Erythrée. C’est significatif, car ce sont des régions marquées par l’extrême souffrance civile. La Syrie est un pays en conflit et l’Erythrée subit un régime autoritaire très dur. Ce ne sont donc pas des populations qui émigrent par choix. Il y a aussi d’autres nationalités, d’Afrique de l’ouest ou Subsahariennes qui fuient des pays en crise ou en guerre.
Quelle est, selon vous, l’utilité du programme Européen porté par Frontex qui remplace l’ancien programme « Mare Nostrum » porté par l’Italie ?
JFD : Les objectifs sont fondamentalement différents. « Mare Nostrum » était un programme de secours, qui a permis de sauver 17000 vies. L’opération sous l’égide de Frontex a une toute autre finalité, de surveillance uniquement. Cela témoigne de la volonté Européenne de contrôle de l’immigration.
Quelle est la solution pour remédier à cette situation ?
JFD : Il y a deux solutions. La première, à court terme réside dans une opération de sauvetage. Il y a des vies en jeu, des hommes, des femmes et beaucoup d’enfants. Cela demande une coordination au niveau Européen. Les Italiens y sont parvenus seuls avec « Mare Nostrum », alors les 28 pays de l’Union Européenne ensemble peuvent et doivent faire encore mieux.
La seconde, c’est d’ouvrir des voies légales d’immigration pour ces gens. Il faut également, à plus long terme, travailler à la cause de ces départs forcés, mais cela demande d’aligner la politique extérieure de l’UE en matière de droits humains.
Cette situation n’est elle pas plus généralement une conséquence de la fermeture des frontières de l’UE ?
JFD : Si tout à fait. Ces gens ne peuvent pas faire demi-tour. Cette barrière les pousse directement dans les mains des trafiquants. Cette fermeture irraisonnée les renvoie vers des personnes extrêmement dangereuses. En cela, l’Union Européenne a une responsabilité indirecte dans cette situation.
Propos recueillis par Mathieu Blard

Disparition des migrants : « De plus en plus de vies humaines sont en danger »
Articles liés
-
Ramadan : vers une « noëlisation » qui divise
Depuis quelques années, de jeunes entrepreneurs offrent de célébrer le mois de Ramadan avec des décorations et des rituels inédits. Directement inspirées des réjouissances de Noël, ces innovations dessinent de nouveaux contours à un événement majeur de la religion musulmane.
-
« C’est compliqué cette année » : le ramadan avec les grévistes de Chronopost
Depuis plus de 15 mois, les grévistes de l'agence Chronopost d'Alfortville (Val-de-Marne) dorment aux portes du site afin de faire plier leur employeur. En période de ramadan, ils reçoivent plus de soutien qu'à l'accoutumé, même si les effets de l'inflation se font sentir. Reportage.
-
Dans le 93, des maires refusent d’inscrire des enfants en grande précarité dans leurs écoles
En Seine-Saint-Denis, des municipalités refusent de scolariser les enfants des familles qui vivent dans des habitats précaires. Vendredi 24 mars, un collectif de mamans s'est réuni pour soutenir une des leurs, qui a saisi le Conseil d’État afin de trouver une place pour sa fille à l'école. Reportage.