Partir loin tout en restant près de chez soi ? C’est possible et sans risque de chikungunya ou de tourista ! Direction les Puces de Saint-Ouen… Elles sont dans le 93 mais depuis quelque temps, certains tiennent mordicus à les appeler « Les Puces de Paris Saint-Ouen ». Il faut dire que le plus grand marché aux antiquités du monde attire son lot de touristes fortunés, et même des stars hollywoodiennes, d’où la parisian touch.

Papillonner dans ces puces-là est une balade des plus chics. Le duc de Westminster, actionnaire principal des marchés Serpette et Paul Bert, en sait quelque chose. Parfois, on s’imaginerait tout juste débarqué de la navette de « Temps x » des frères Bogdanoff, tant le voyage spatio-temporel est total. Dans certains stands, il ne manque plus qu’un quatuor à cordes et clavecin pour se croire dans un salon d’avant 1789.

Mais en surprenant une conversation entre un pucier et une acheteuse potentielle fort alléchée par des appliques anciennes en verre de Murano, le prix entendu (1800 euros) me ramène vite à la réalité. Il me faut quitter cet endroit, si charmant pourtant, si je veux moi aussi pouvoir ramener un petit souvenir de ma visite. Je me rends au marché aux vêtements, celui qui commence non loin de la Porte de Clignancourt et qui donne toute sa dimension populaire aux Puces. Je quitte donc la noblesse et pénètre dans un faubourg de sans-culottes.

Odeurs de merguez-frites dans les airs, cette espèce de Fête de l’Huma de la consommation est l’opposé de l’ambiance feutrée et un brin surannée des stands d’antiquaires. Ça grouille, ça crie, ça vanne, ça négocie sec. Le produit de base : la paire de Converse éternelle affichée à 35 euros pour tenter de la marchander à 30. Une des tendances, les t-shirts et les casquettes personnalisées réalisées en direct par un artiste grapheur. Toujours très en vogue, l’hommage territorial ou identitaire porté sur la poitrine : « Et cherche-moi un 9-1 en taille L pour le monsieur ! », lance un vendeur à son assistant pour ce client qu’on devine arriver de son Essonne natale.

Exemples parmi d’autres, les t-shirts « I love Gwada » (Guadeloupe), « Maghreb United » et les fameux « FN », pastichant la flamme frontiste avec les couleurs du Maghreb, le F et le N signifiant Famille Nombreuse… Pour les jeunes filles, robes longues, combinaison-shorts et tuniques sur leggings sont au top des modèles exposés. Toujours tendance, « la langue » des Rolling Stones, et désormais culte, la frimousse de « Michael Jackson 1958-2009 » accolée à tous types de supports. Les rockers, eux, trouveront dans les boutiques de fringues vintage, des perfectos pour 50 euros.

Déambulant avec mon appareil photo, je me ramasse un avertissement d’un vendeur de produits Reggae : « Hé ! Mademoiselle, attention avec les photos, vous allez avoir des problèmes… » Ah bon ? Je continue quand même avec mes clichés d’ambiance quand j’entends quelques stands plus loin : « Eh ! Regarde, y’a une keuf qui prend des photos. » Je ne me retourne pas, mais bon, il est clair qu’on parle de moi… Je ne ressemble pourtant pas à Julie Lescaut. Selon les critères locaux, j’aurais plutôt le profil d’une fonctionnaire de la BAC que celui d’une touriste américaine.

Etrange, ça, quand même : pourquoi serait-ce si bizarre de photographier les Puces de Saint-Ouen, ce patrimoine architectural classé qui reçoit 6 millions de visiteurs par an ? Hein ? Pourquoi ne pourrais-je pas les mitrailler comme les Champs-Elysées ?

Pour en savoir plus :
http://www.tourisme93.com/document.php?pagendx=74
ou
http://parispuces.com/FR/

Sandrine Dionys

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