70 fut le 68 du magazine Elle. En novembre de cette année-là, se tenaient les « états-généraux de la femme », à Versailles. Des tables rondes et débats « révolutionnaires » pendant trois jours et trois nuits. D’où il ressortit plein de « choses » : des lois telles que l’égalité salariale en 1972, l’autorisation de l’IVG ou la loi Veil en 1975. Ces états-généraux étaient l’aboutissement de 25 ans de doléances, recueillies par Elle, créé à la sortie de la guerre.

« Aujourd’hui les femmes sont plus libres mais moins protégées », constate Simon Veil, qui sera élue cet après-midi à l’Académie française, présidente d’honneur des Etats-généraux de la femme 2010, à nouveau mis sur pied par le magazine féminin quarante ans après le premier rassemblement de cette sorte. Cette fois-ci et depuis janvier, les « états-généraux » ont voyagé, un peu à la manière des « doléances » de l’association AC-le Feu suite aux émeutes de banlieues de 2005 : Lille, Lyon, Marseille. Lundi 15 mars, ils étaient à Paris, à la Maison de la chimie. Quatre grands thèmes au programme : la vie publique, la famille, le corps et l’amour.

Vie publique : les femmes constatent unanimement que les lois en faveur de l’égalité homme-femme ne sont pas toujours appliquées mais « la solidarité doit persister, il ne faut rien lâcher ». Remarquent qu’au travail, la parité, si l’on peut dire, est trop masculine. La gestion du temps est également source de stress et d’énervement : gérer boulot et vie de famille devient difficile car pour travailler il faut souvent négliger un peu ou beaucoup du reste. Et le partage des tâches domestiques avec le conjoint est « inégal ». Les femmes réunies à la Maison de la chimie proposent donc : un congé paternité de trois mois pour aider la femme à se réinsérer dans la vie active après l’accouchement

En politique, il y a trop d’hommes, pensent-elles. Simone Veil, Christine Lagarde ou encore Ségolène Royal sont des modèles pour elles. A propos de l’écologie, elles sont presque toutes d’accord sur un point : « Comment trier toutes ses ordures quand nos cuisines sont minuscules, quand un produit est emballé dans quatre sachets différents ? Même à Copenhague ou Kyoto, ils n’étaient pas capables de s’entendre… » Enfin, pour en revenir au travail, « pourquoi nous demander une photo sur le CV ? Pourquoi demander si l’on a des enfants ou l’intention d’en faire, pourquoi on le demande aux femmes et pas aux hommes ? » se demande Rabia.

Famille, éternelle source de débat. Famille homoparentale, monoparentale, recomposée. Une jeune femme témoigne. Elle est issue d’un couple homoparental masculin et depuis toute petite, elle dit l’assumer parfaitement. Chez familles dites « normales », le stress est toujours présent. Les femmes en veulent aux hommes de ne participer qu’à hauteur de « 30% seulement » au travail domestique. Du côté des familles monoparentales, c’est pire : se lever tôt pour aller travailler, ne pas voir ses enfants partir à l’école, revenir, préparer le dîner, le ménage, la lessive… Ces femmes ont besoin d’une aide psychologique et aussi financière. « Les pères sont-ils de bonnes mères ? »

Le corps : chez la femme, il est ressenti comme un diktat. Silhouette, maigrir, beauté… « Ce n’est pas tant le regard des hommes qui nous y pousse mais c’est plutôt le regard des femmes entre elles qui donne l’envie de mincir », relève une participante. « Pourquoi quand Villepin est dans nos magazines, torse nu, musclé, beau, cela ne choque personne ? Mais quand Rama Yade ou Rachida Dati apparaissent bien maquillées et habillées par de grands couturiers, là on dit qu’elles en font trop ? », s’interrogent des femmes.

La grossesse, elle, est perçue comme un casse-tête. Le problème des kilos pris durant la grossesse est « médicalisé ». Mais si une femme aime ses kilos, pourquoi l’enquiquiner avec ça ? Quand une femme est instable psychologiquement, qu’elle a un coup de blues, une dépression suite à de multiples problèmes, les médicaments sont un recours fréquemment proposés par les médecins, psys ou non. S’agissant de la contraception, « pourquoi ne pas la partager avec les hommes ? Et s’il existait une pilule pour l’homme, et qu’il venait à l’oublier, serait-il plus impliqué dans la grossesse de sa compagne, dans l’éducation de l’enfant, dans le partage des tâches ménagères ? » Applaudissement dans la salle. Et la vieillesse ? Vaste chantier : les femmes constatent que « la médecine esthétique fait moins peur que la chirurgie esthétique ». Et se demandent si la mère est un modèle : « A-t-on envie de vieillir comme sa mère ? » Les avis divergent.

L’amour, le couple, enfin. « C’est sûrement en amour que la liberté des femmes a le plus évoluée », note l’une. L’idée qu’on peut avoir plusieurs amours dans sa vie a été intégrée dans les mœurs avec le temps. Le célibat devient une liberté et non un mal. Et quand la question fatidique se pose : « Pourquoi sommes-nous en couple ? Une femme répond : je ne sais même pas pourquoi je le suis. Je ne sais pas si c’est parce que je l’aime ou si j’ai peur d’être seule ou encore si c’est parce que je fais comme il faut faire… » Les femmes, une fois mères, se rendent compte qu’elles ressentent plus de culpabilité vis-à-vis de leurs enfants, de leur couple.

Point sensible et léger à la fois, la sexualité. La femme a donc gagné en liberté, même si les jeunes filles prennent ça à la légère, ne se rendant pas compte des combats menés et des insultes encaissées pour avoir le droit de disposer de son corps. « Il est facile de parler de la sexualité mais pas de sa sexualité », déclarent des femmes. Le constat sur l’homosexualité est qu’à Paris, elle est bien assumée comparée à d’autres villes. Les participantes aux débats sont plutôt d’avis qu’un couple homosexuel avec un enfant peut avoir un impact négatif sur celui-ci.

Ces témoignages, ces propositions, ces débats que les femmes ont alimenté à Lille, Lyon, Marseille, Paris – et prochainement à Bondy, le samedi 27 mars –, seront rassemblés dans un Livre Blanc dont le contenu sera rendu public le 7 mai, dans le locaux de Sciences-Po Paris. Pour ma part, j’ai engrangé plein d’infos en assistant aux tables rondes de la Maison de la chimie. C’est la première fois que je voyais autant d’avocates, psychologues, auto-entrepreneuses et responsables d’associations féminines dans un même endroit !

Inès El Laboudy

Inès El laboudy

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