À l’approche des élections régionales, plusieurs propositions sont évoquées par les candidats pour réduire les inégalités de tarification des transports, notamment pour celles et ceux qui ne sont pas abonnés mensuellement. Le système de tarification longtemps géré par la RATP et la SNCF est depuis 2000, du ressort d’Île-de-France mobilité, dirigée par la présidente du conseil régional.
Plus éloignée est la destination, plus cher est le ticket
Pour aller du centre de Paris vers le Sud de l’île-de-France, ou vers le Nord de l’agglomération, les prix peuvent varier du simple au double. Rien que ça. Par exemple, il faut compter 2,80 € pour un trajet Châtelet – Robinson (terminus de la branche Sud du RER B) avec un ‘ticket Île-de-France’. Dans la direction opposée, le trajet avec un temps similaire, un nombre d’arrêts équivoque coûte presque 3 € de plus (ndlr: 6,15 €) de Châtelet à Mitry-Claye. Une inégalité de taille, dans une région où l’usage des transports en commun est encouragé.
Depuis sa création, dans les années 1960, le système des tickets « origine-destination » est resté le même, c’est-à-dire basé sur un principe de tarification à la distance. Plus on va loin plus on paie cher, notamment quand on est plus dépendant des trains régionaux (géré par la SNCF) que du métro (géré par la RATP) pour ses trajets. Et « la progression de prix plus importante à la SNCF qu’à la RATP joue dans l’inégalité des prix selon les trajets », explique Marc Pélissier, secrétaire général de l’Association d’Usagers des Transports en Île-de-France (AUT IDF).
Le Grand Paris va-t-il changer quelque chose ?
De son côté, pour justifier les différences de prix, Amélie Lange, responsable des relations publiques d’Île-de-France Mobilités, parle de « distance parcourue sur le réseau ferré et non sur les distances à vol d’oiseau ». « La différence de prix s’explique par la forme du réseau et les situations géographiques des gares ».
Mais est-ce que le projet du Grand Paris Express (dont les candidats parlent finalement très peu) censé réduire les distances, notamment entre les villes de banlieue, permettra une baisse des prix des tickets ? Dans la perspective des élections régionales, Île-de-France Mobilités n’a pas souhaité se prononcer sur l’impact du Grand Paris Express sur les prix de certains trajets.
Pas de navigo, pas d’avantage sur le ticket
Le secrétaire de l’association pointe le fait que les progrès et les efforts sont souvent réalisés uniquement à destination des abonnés avec les cartes navigo. Des abonnements plafonnés, qui restent tout de même coûteux (jusqu’à 75,20 euros par mois). Les usagers occasionnels eux, se retrouvent à devoir payer le prix fort, pour des trajets de banlieue à banlieue notamment. « Ça fait seulement 2/3 ans qu’on peut parler avec Île-de-France Mobilités des tickets « origine-destination ».
Et de l’avis de certains usagers, prendre les transports en Île-de-France reste un coût. « Ce n’est pas pratique et c’est terriblement cher. Surtout pour les étudiants… » avoue une lycéenne qui prend les transports occasionnellement et n’a pas de carte Navigo.
La gratuité des transports en débat chez les candidats
La solution de la gratuité n’est pas une idée nouvelle. En 2018, un rapport évaluant la faisabilité de la gratuité des transports en Île-de-France avait été réalisé par Île-de-France mobilité. Pour Marc Pélissier, cela ne peut être envisageable à une aussi grande échelle, et ne changerait pas forcément les habitudes des automobilistes qui pourrait réduire la pollution. Pour son association, la solution la plus adéquate serait de plafonner le prix des trajets et de proposer des tarifs préférentiels pour des catégories sociales spécifiques.
Mais que proposent les candidats ? Des transports gratuits ? Pour tout le monde ou une partie des Franciliens ? La question divise les candidats déclarés de la gauche à la droite. Du côté de Julien Bayou, candidat écologiste, favorable à une tarification sociale, la gratuité peut être une solution envisagée pour les moins de 18 ans, comme c’est le cas à l’intérieur de la capitale. Une gratuité pour la jeunesse francilienne élargie aux moins de 25 ans du côté de Clémentine Autain, dans son programme pour la région.
Le marcheur Laurent Saint-Martin, n’envisage pas la gratuité des transports, ni même la modification des prix : « Les Franciliens ne demandent pas des transports gratuits, mais des transports à l’heure et sécurisés. La gratuité, ça n’existe pas, il y a toujours quelqu’un qui paie à la fin. »
La gratuité des transports est un projet finançable et faisable.
Pour Dieynaba Diop, porte-parole d’Audrey Pulvar, candidate aux élections régionales, la gratuité des transports pour tous et partout est une mesure répondant à des besoins de justice sociale et d’écologie. L’objectif de cette mesure est de redonner un pouvoir d’achat aux ménages et de réduire les inégalités territoriales. Quant à la faisabilité financière, la porte-parole indique « que les ménages franciliens ne verront aucun impôt supplémentaire ».
Dans la proposition de la candidate du PS, c’est une taxation du e-commerce et des entreprises polluantes qui comblera la part des usagers, qui paient 28 % de ce que coûtent les transports en Île-de-France. Si la mesure phare de la candidate du PS peut poser question notamment sur le financement, sa porte-parole assure qu’il s’agit d’un projet « réfléchi et ficelé ».
On est un des réseaux de transport les moins chers.
Pour Stéphane Beaudet, vice-président de la région chargé des transports “la gratuité n’existe pas”. La présidente de région et candidate à sa réélection aux prochaines élections, Valérie Pécresse, veut plafonner tous les trajets à 4 € pour un budget de 150 millions d’euros. Un tarif unique de 2 euros pour les personnes en situation de handicap est aussi proposé, pour les trajets de moins de 15 kilomètres.
Aucun tarif spécifique n’est envisagé pour certaines catégories sociales. Stéphane Beaudet explique ce choix par le fait que « le plafond à 4 euros, est déjà un tarif très bas pour des tickets » et insiste sur le fait qu’il ne faut pas oublier qu’on « est un des réseaux de transport les moins chers ». La présidente sortante préfère miser sur la généralisation du Passe Navigo Liberté +, facturé à hauteur des transports utilisés. Une initiative proposée à destination des télé-travailleurs.
Il faudra donc attendre le résultat des élections régionales, le 27 juin prochain, et la fin des travaux du Grand Paris Express, en 2026, pour espérer un potentiel changement de tarification des transports en Île-de-France.
Nolwenn Bihan