« Un enseignant devant chaque classe. » L’ambitieuse promesse d’Emmanuel Macron pour la rentrée 2023 est restée lettre morte. Selon une enquête du SNPDEN, syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale, plus d’un enseignant manquait à l’appel dans 58 % des collèges et lycées en France, en septembre.

En Seine-Saint-Denis, le constat est d’autant plus alarmant. Le département est celui qui compte les établissements avec un indice de position sociale parmi les plus faibles de l’hexagone. Dans le denier rapport du député PCF, Stéphane Peu, un point d’alerte particulier est souligné dans le domaine éducatif. « Les ressources humaines du ministère de l’Éducation nationale sont à la peine : il y a trop de contractuels, trop d’enseignants jeunes et de trop turnover », souligne encore le rapporteur.

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Au lycée Mozart dans la ville du Blanc-Mesnil, les élèves se sont retrouvés privés de cours d’anglais, d’allemand et d’histoire à la rentrée de septembre. En ce mois de janvier, les cours d’anglais devraient démarrer et pour les cours d’allemand, une confirmation se fait attendre.

Louise est la mère de Liam, un élève de première du même lycée. Elle évoque l’attitude incohérente du rectorat concernant la pénurie d’enseignants. « Le prof d’anglais pose des arrêts maladie sur un mois, mais le rectorat ne lance le recrutement d’un remplaçant qu’au bout de deux semaines d’arrêt. Donc, il n’arrive jamais à trouver quelqu’un », explique-t-elle.

Mathieu, élève en première générale, vit très mal la situation. « On avait une solution temporaire qui consistait à demander à un prof de français de faire des cours d’allemand. Mais ce n’est plus possible », déplore le lycéen. Et de préciser que, « ce n’est pas la première fois que cela arrive. L’année dernière, il n’y avait pas de profs de français ».

Une éducation nationale défaillante en Seine-Saint-Denis

Au lycée Mozart, Mathieu s’inquiète et cite l’exemple de ces camarades de terminale. « Les classes de première de l’année dernière qui n’avaient pas de professeur d’espagnol pour le contrôle continu au bac, risquent d’avoir un zéro puisqu’ils n’ont eu aucune note », expose-t-il. Il craint que le déroulement de l’année scolaire soit chaotique. « Ça va être pareil cette année parce qu’il manque encore plus de profs. »

La mère de Liam estime que l’Éducation nationale ne joue pas vraiment le jeu dans le département. « Les élèves ont perdu des heures d’anglais qu’ils ne rattraperont jamais. Et en plus, ils risquent d’avoir une note pénalisante pour Parcoursup. Ils ont une grosse pression. Je trouve que c’est très difficile pour eux. »

« On ne leur donne pas les moyens de se battre à égalité avec les autres pour avoir des dossiers corrects », regrette-t-elle.

Le 93 est un laboratoire de la dégradation du service public. Nous sommes dans une situation de crash !

À l’instar de nombreux collèges et lycées en France, la pénurie de professeurs s’explique par une baisse d’attractivité du métier. Ainsi, les conditions de travail ne cessent de se détériorer : classes surchargées, manque de surveillants, de conseillers d’éducation, salaires insuffisants… En Seine-Saint-Denis, la situation s’en trouve d’autant plus aggravée, car ce territoire connaît déjà ces dysfonctionnements depuis des années.

Les syndicats se mobilisent

Une situation qui mobilise la communauté éducative du département. Lors d’un grand meeting en décembre dernier, l’intersyndicale a appelé à un plan d’urgence éducatif en Seine-Saint-Denis.

Grégory Thuizat, co-secrétaire départemental du SNES-FSU 93, considère que le département paie un désengagement organisé de l’État. « Le 93 est un laboratoire de la dégradation du service public. Nous sommes dans une situation de crash ! »

Pour pallier les défaillances du gouvernement, le syndicaliste insiste sur l’importance de remettre de l’humain dans le service public. « La Seine-Saint-Denis a des besoins immenses en termes d’accompagnement. Nous demandons un plan d’urgence. »  En outre, les syndicats réclament une revalorisation salariale sans condition et des moyens plus conséquents pour accompagner les élèves.

Contacté, le rectorat n’a pas donné suite à notre demande d’interview.

Hervé Hinopay

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