Oliver Tony n’avait plus donné signe de vie après que la vidéo de son lynchage, insoutenable de violence, a circulé sur différents réseaux sociaux. On y entendait ses agresseurs lui intimer l’ordre de se jeter dans le canal de l’Ourcq aux bords duquel cette scène sordide s’est déroulée.

Ne disposant que de cet élément dans un premier temps pour retrouver le jeune homme, les enquêteurs ont dragué le canal à plusieurs reprises. Sans succès, et pour cause : le cadavre d’Oliver avait été abandonné dans un bois à plusieurs kilomètres de là.

C’est seulement jeudi soir avec l’annonce du parquet de Bobigny que le calvaire de l’attente a pris fin pour la famille, laissant place au désespoir de savoir leur enfant bel et bien mort. Bien que la marche blanche ait été programmée avant la découverte macabre, la famille a choisi de maintenir cette mobilisation, notamment pour renouveler l’appel au calme. Appel destiné en particulier aux jeunes de Sevran qui pourraient nourrir des velléités de représailles comme il est courant dans les affaires de rixes entre quartiers. Depuis la disparition du jeune homme, la famille a multiplié les déclarations à ce sujet, afin d’éviter de nouvelles victimes.

Une marche sobre et digne

Rendez-vous était donné au 22 rue Pierre Brossolette à Sevran près de la maison de quartier Rougemont, où plusieurs centaines de personnes sont réunis avant de se diriger solennellement vers le canal pour procéder à une marche blanche. Sur des tee-shirts blancs, on peut apercevoir le visage d’Oliver souriant timidement. Ce sont des jeunes Sevranais qui ont pris l’initiative de confectionner ces tee-shirts, grâce notamment à l’équipement de la Microfolie, situé dans le quartier des Beaudottes.

A droite, une banderole remercie la PJ de Bobigny, dont l’enquête a permis d’interpeller les principaux suspects en une semaine

Beaucoup de roses blanches, tenues fermement dans des mains impuissantes, à retenir ce garçon dans la vie. « On est tous responsables », peut-on entendre jeter furtivement dans la foule au milieu des bruits de pas et des nez qui reniflent à cause du froid et du chagrin.

Assa Traoré a tenu à faire le déplacement. Elle dont le frère est mort prématurément aussi est venue témoigner de « l’asphyxie des quartiers populaires ». Exprimant que, entre les victimes de violences policières et les jeunes tombés dans les rixes de quartiers, vivre en banlieue est devenu particulièrement risqué pour les jeunes garçons issus de l’immigration.

Dans la foule, beaucoup d’ami.e.s et de proches, mais aussi des personnes qui souhaitaient manifester leur solidarité à la famille en toute humilité. « Il n’y a pas que des gens de Sevran, beaucoup de monde s’est déplacé pour soutenir la famille », déclare une jeune fille proche du défunt. Elle prend la parole au terme de la marche derrière le décathlon de Bondy où la sinistre vidéo du lynchage a été tournée,  pour présenter ses condoléances. Elle tient à préciser : « La cruauté dans laquelle Oliver nous a quittés ne correspondait pas à la personne qu’il était ».

La douleur sur tous les visages

Sous un mur bleu ciel, alors que le ciel au dessus des têtes est inlassablement gris, on peut lire la célèbre devise de la marque de sport, et voir un surfeur blond debout sur une planche jaune, témoin sans âme des derniers instants du jeune Sevranais.

La mère d’Oliver prend la parole pour remercier ses voisins, ses proches et les amis de son fils, venus la soutenir. Elle s’excuse de ne pas connaître tous les prénoms. Sa voix nous parvient douloureusement, l’émotion lui coupe la parole à plusieurs reprises. Elle tient tout de même à préciser qu’Oliver « n’était pas un trafiquant de drogues, il n’était pas un voyou, il n’était pas un garçon violent ». Faisant référence ici aux rumeurs qui ont suivi sa disparition.

Une collègue de la mère d’Oliver prend ensuite le micro pour déplorer la situation des quartiers à propos des rixes entre bandes rivales : « Nous ne mettons pas des enfants au monde pour qu’ils soient maltraités par d’autres. Quand vous vient la colère, maitrisez-vous ! » Spontanément, une cinquantaine de jeunes encapuchonnés rejoignent un à un le cortège de la famille. Têtes baissées, quelques-uns d’entre eux prennent la parole. Ce sont des amis d’Oliver.

La marche s’est arrêtée dans l’émotion devant le magasin Decathlon de Noisy, où le drame a eu lieu

« Je t’ai cherché partout… jusqu’au dernier moment je pensais pouvoir te retrouver vivant », pleure l’un. « Priez pour lui, faites des douas (des invocations en arabe, ndlr) pour Oliver s’il vous plaît », ajoute un autre. Ces garçons à qui on ne demande jamais d’exprimer leur émotions, à qui on refuse toute sensibilité, et qui finissent par croire eux-mêmes qu’ils sont sans pitié, peinent à dire ce qu’ils ressentent. Et des larmes coulent sur les visages silencieux.

Une gerbe de fleurs et un sermon

Contre un arbre chétif, les roses blanches sont déposées et des bougies allumées. Un cadre qui abrite la photo du défunt est posé là. Les jeunes se rassemblent autour de cet autel improvisé. Le père d’Oliver prend alors ceux-là à parti. « Ne croyez jamais que quand vous attaquez quelqu’un, vous l’attaquez seulement lui. Il y a toujours une famille qui pleure derrière. C’était mon seul fils et ils me l’ont enlevé…» Il ajoute : « Vous vous battez entre vous, mais vous êtes des semblables ! »

Attitude contrite des jeunes qui écoutent la douleur d’un père qui pourraient être le leur. Puis Mickaël, le frère d’Oliver, appelle les marcheurs à retourner à la maison de quartier Rougemont où un repas préparé par des voisines attend la famille ainsi que les personnes qui veulent se joindre à celle-ci.

Un peu plus tôt, Mickaël s’exprimait devant les caméras de BFM TV : « Comme prévu cette marche s’est déroulé dans le calme et la bienveillance. On n’est pas des sauvages contrairement à ce qu’on peut dire de nous, on sait se tenir. » Puisqu’il faut encore le rappeler.

Sarah BELHADI

Crédit photo : SB / Bondy Blog

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