Honnêtement, combien de personnes savaient situer sur une carte le richissime émirat avant le fameux 2 décembre 2010, date à laquelle il a été désigné pour accueillir la Coupe du monde de football 2022 ? Combien de personnes avant cela avaient déjà entendu parlé des Qataris ? Ou combien même étaient les gens qui s’intéressaient simplement à eux ? Très peu …

Mais désormais, les temps ont changé et en 2011, force est de constater qu’il ne se passe plus un jour sans que l’on puisse parler du Qatar. Et si vous n’avez toujours pas idée ou même jamais entendu parler de ce pays du Golfe, c’est que vous avez, hélas, raté bien des épisodes cette année et ainsi que les dernières autres. Car en effet, l’importance de l’ouverture de l’émirat au monde extérieur ou même sa croissance ultra-rapide, ne date pas d’hier. Alors, enquête et voyage dans un pays solide et florissant parti à la conquête du monde.

Pour sortir enfin de sa coquille, l’ancien protectorat britannique a énormément misé sur l’huître perlière. C’est tout d’abord la perle qui lança l’économie de ce minuscule pays à peine plus grand que la Corse, avec 150 km de long sur 75 km de large. Bien que la Grande-Bretagne n’ait accordé l’indépendance du Qatar qu’en 1971 seulement, c’est la famille royale Al-Thani qui est à la tête du pouvoir depuis le départ des Ottomans en 1913. Actuellement, c’est le cheikh Hamad bin Khalifa Al-Thani qui est l’émir du pays depuis 1995. C’est à lui que l’on doit la rapide ascension du Qatar. En effet, lorsque celui-ci arriva au pouvoir, il voulut en finir avec ces décennies de gaspillage et investir plus raisonnablement.

Ces investissements auront permis au Qatar de devenir le pays le plus riche du monde en 2011 grâce à une croissance économique de 20% dans la même année et de détenir le plus fort PIB par tête de toute la planète (alors qu’il n’était placé que troisième dans un classement il y a tout juste un an). L’éducation, la santé, le bien-être de la population ont très vite été les premières priorités de l’émir. Il en va de même pour l’éducation physique et le sport. Le pays affiche d’abord ses ambitions à travers l’organisation d’événements sportifs d’envergure internationale.

Après avoir créé un choc pour certains et une immense joie pour d’autres en obtenant l’organisation de la coupe du monde de football pour 2022, le Qatar a été choisi pour recevoir le mondial de handball pour 2015. Il se porte désormais candidat pour les mondiaux d’athlétisme de 2017, et accueille en ce moment même la coupe d’Asie de football. Il y a quatre ans encore, il était l’hôte des jeux asiatiques. De plus, il envisage de délocaliser le départ du Tour de France dès 2016. Le Qatar est également l’hôte du premier tournoi de tennis professionnel de l’année et organise un tour cycliste. Eh bien sûr, le premier sponsor de l’histoire du maillot du FC Barcelone n’est autre que la Qatar Fondation. Le pays possède une longue tradition d’organisation d’épreuves d’équitation à l’échelle nationale, régionale ou mondiale. Il a même organisé l’une des épreuves de qualification olympique en vue des Jeux de Pékin 2008.

Le PSG a été vendu à Qatar Sports Investissements qui devient actionnaire majoritaire à hauteur de 70%. Le propriétaire Qatari a déboursé 89 millions d’euros dans le recrutement,dont 42 millions d’euros pour l’Argentin Javier Pastore, le transfert le plus coûteux de toute l’histoire de la Ligue 1. Le PSG devient donc le deuxième club européen le plus onéreux sur le marché des transferts, derrière Manchester City, propriété d’Abu Dhabi. En plus de l’arrivée d’Ancelotti, le club vise trois autre recrues : Kaka, Beckham et Pato. Mais il laisse transparaître quelques autres noms de recru, eux aussi tant désirés, tels que les attaquants Hulk (Porto), S. Kalou (Chelsea), Damiao (Porto Alegre)  ainsi que Malouda (Chelsea).  Vous vous demandez sans doute pourquoi les Qataris nous ont pris le PSG ? Nasser Al-Khelaifi, patron d’Al-Jazeera Sport, répond tout simplement que le Qatar voulait acquérir le PSG parce que c’était le seul club de la capitale française. Mais le Qatar, ne semble pas vouloir s’arrêter là. Le bruit court qu’il voudrait également investir pour l’Olympique de Marseille et le Racing Club de Lens. Le club de foot de Malaga a quant à lui déjà été racheté par un proche de la famille royale. Après avoir acquis une partie des droits pour la diffusion de la Ligue 1, la branche sport de la chaîne Al-Jazeera s’offre une partie des droits portant sur la retransmission en France de la Ligue des champions pour les saisons de 2012-2013 à 2014-2015, mettant Canal Plus et TF1 au tapis. Ça fait déjà beaucoup pour un si petit pays doté de moins de 300 000 citoyens et plus d’un million de travailleurs étrangers. Mais les Qataris ont un gros appétit et ne comptent pas s’arrêter au sport.

Contrairement aux idées reçues, le Qatar n’est pas un pays « bling-bling », gaspilleur de pétrodollars. Guy Delbès, qui conseille le Qatar sur son implantation en France doute que ce pays soit attiré par le prestige, « ce qui les intéresse, c’est la rentabilité. Ils n’achètent aucun bien qui ne rapporte pas au-dessus de 5% » déclarait-il à Europe 1. La Qatar Investment Authority (QIA), Qatar Holdings, Qatari Diar – investissent à coups de milliards de dollars dans un grand nombre de pays tels qu’au Royaume-Uni (Harrods, London Stock Exchange, Barclays, Sainsbury, Canary Wharf), en Allemagne (Volkswagen, Porsche, EADS) en Grèce (European Goldfiels), en Amérique du Sud (la banque Santander Brasil), en Afrique de l’est (partenariat avec la compagnie Precison Air). Le Qatar rachète également la banque privée luxembourgeoise KBL et participe au sauvetage de Dexia. L’émirat investit également en France : dans la banlieue (50 millions d’euros), mais aussi dans d’autres multinationales. C’est à en couper le souffle !

Le Qatar rachète au prix fort des symboles qui témoignent de sa puissance économique et de son rayonnement international. Bien que le pays soit un gros producteur de pétrole et le premier exportateur de gaz naturel liquéfié, ainsi que le troisième producteur mondial de gaz naturel, il se prépare déjà pour l’après-pétrole en diversifiant ses sources de revenus.

Le printemps arabe a également donné au Qatar un poids diplomatique inédit sur la scène internationale et a renforcé sa position de puissance régionale. En effet, le pays a pris la tête d’une coalition d’États arabes afin d’isoler la Syrie. Il a contribué financièrement et militairement à renverser le colonel Kadhafi, offert sa médiation dans le conflit yéménite et appuyé le parti Ennahda en Tunisie. Le sommet de l’Alliance des civilisations, le quatrième depuis 2005, s’est déroulé à Doha en présence de Ban Ki-moon et de la femme de l’émir, Sheikha Mozah bint Nasser, un des points forts de l’émirat. Le Qatar a donc pour but de montrer au monde entier qu’il est un membre à part entière de la communauté internationale, capable de devenir un pivot considérable.

Al-Jazeera est elle-même en train de vivre une révolution. La chaîne qatarie qui donna une dimension nouvelle à l’information télévisée dans le monde arabe, est la première chaîne de la région à avoir réussi à ouvrir la porte à la démocratie et à la liberté d’expression dans le Moyen-Orient. Elle a su jouer un rôle déterminant pendant le printemps arabe et accompagner la puissance des soulèvements dans toute la région. Le politologue et spécialiste américain du monde arabe Marc Lynch écrit sur son blog : « Al-Jazeera s’est fondue dans le nouvel environnement médiatique, en recourant de façon très rapide et très créative aux contenus générés par le public. D’autres télévisions satellites l’ont imitée. (…) Ces plateformes médiatiques et ces contributeurs individuels œuvrent à saper la capacité des États à contrôler le flux d’informations. C’est la dernière étape en date dans l’émergence d’un nouvel espace médiatique arabe. »

Souvent resté dans l’ombre, le Qatar est en phase de réussir son pari : celui d’accorder identité et modernité. D’un coup de baguette magique, le pays de vent et de sable s’est métamorphosé. Tel un rêve éveillé, l’émirat est sorti tout droit du désert. Presque sans transition, de la tente au gratte-ciel, il est entré dans une époque nouvelle. Il faut se frotter les yeux à deux reprises pour croire à ce que l’on voit aujourd’hui.

Yamina Jarboua

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