Fabrice, 28 ans, est un homme neuf. Il n’y va pas de main morte avec le Nutella. Il passe ses journées entouré de ses guitares, de son mac et se concocte de bons petits plats. Habitant Sevran (93), secrétaire au Pôle emploi, il est actuellement en convalescence suite à la greffe d’un rein. Même si les médicaments antirejet qu’il avale ont des effets secondaires embêtants (mains qui tremblent et difficulté à dormir), il est heureux. Le syndrome d’Alport, forme héréditaire de maladie rénale qui lui a été diagnostiqué en 2002, n’aura pas sa peau.

Le combat de Fabrice débute à l’âge de 13 ans quand les médecins lui découvrent des triglycérides et du cholestérol, lui imposant une alimentation stricte et l’absorption de médicaments. « Toute mon adolescence, ça a été régime, analyses de sang, renouvellements d’ordonnances. C’était très contraignant. » Sa mère, porteuse de la maladie de Berger, maladie du rein, veille au grain et protège son fils de l’univers hospitalier jusqu’à sa majorité. « Elle ne voulait pas que je vive le même calvaire qu’elle a vécu entre 1 et 8 ans avec des analyses à la chaîne. »

A 19 ans, il en a ras-le-bol, ne prend plus son traitement. Son état se dégrade alors. « J’étais de plus en plus fatigué, j’avais de plus en plus de mal à aller travailler. Fin 2001, j’étais dans un état lamentable. Je pensais que ça faisait partie de la maladie. J’avais juste envie de profiter de mes dernières années. Je buvais et fumais des joints en quantité. J’en avais plus rien à foutre de mourir bientôt. C’est mon amie de l’époque qui m’a solennellement demandé de m’occuper de moi. »

Fabrice se décide donc à faire une prise de sang. Ses résultats sont alarmants. Il a rendez-vous en urgence avec un néphrologue, en février 2002. « Rien qu’à ma tête, il a su que j’étais en insuffisance rénale et qu’elle ne datait pas d’hier. » Fabrice est dialysé en urgence. « Avec une grosse seringue, il m’a percé la gorge pour installer un cathéter. Au bout de deux heures, j’ai commencé à suffoquer, j’avais les idées confuses. L’infirmière qui est arrivée en urgence m’a dit que c’était normal. Ça reste un des pires incidents que j’ai eu en dialyse. »

Le jeune homme ne pose pas de questions, pense qu’une dialyse n’est qu’une opération, une fois, et au revoir. Or, une dialyse est un procédé médical, temporaire ou définitif qui permet d’éliminer les toxines lorsque les reins n’assurent plus leurs fonctions régulatrices. En temps normal, les médecins auraient préparé psychologiquement Fabrice à ce pénible dispositif pendant un à deux ans. Mais vu la gravité de son état, il est hospitalisé. Le 12 mars 2002, une fistule, liaison entre une veine et une artère dans son bras, est créée, afin que la dialyse puisse se faire en quatre heures.

Angoissé, il interroge les infirmières sur ce qu’il lui arrive. Elles lui expliquent qu’il devra venir à l’hôpital trois fois par semaine, et que seule une greffe mettra un terme à son calvaire. Acculé, il est bouleversé. « Ça a été une rupture dans ma vie. Je me suis fermé sur moi-même, j’ai pleuré dans ma chambre. J’ai gardé tout ça pour moi et je me suis fait une raison. » Jusqu’en 2004, Fabrice vit chez son père, fait des missions d’intérim et touche l’AAH (Allocation adulte handicapé).

Pour adoucir cette sombre réalité, Fabrice qui joue de la guitare depuis l’âge de 12 ans, aménage un studio d’enregistrement chez lui grâce à l’argent qu’il gagne et soûle de musique. « Je jouais le jour et la nuit. Pendant deux ans, je me suis couché à 3 heures du mat’. Toutes les nuits, c’était une bouteille d’eau, un cendrier et un casque. » Son oncle, tourneur de la chanteuse Emma Daumas, lui donne l’occasion de faire partie de l’équipe. Recruté, il tourne dans le clip « Tu seras » et doit partir en tournée la semaine d’après. « J’étais super heureux. A 23 ans, j’allais vivre de ma passion. Je me disais que j’allais gagner quelques milliers d’euros et être tranquille quelques mois, voire quelques années. »

Mais on l’appelle le 5 février 2004 pour une greffe. Il découvre qu’il faut qu’il se douche à la bétadine et qu’il se rase le pubis. « Je pleurais et je rigolais en même temps. J’étais super tendu. C’était une folie passagère. » A son grand désespoir, son hospitalisation met un terme à son aventure musicale avec cette chanteuse : il n’a jamais réintégré le groupe comme il était convenu. « J’ai eu la consolation de voir le clip au moins deux fois par jour dans ma chambre d’hôpital. »

Le sort s’acharne : en septembre 2005, il fait un rejet. Fabrice renoue alors avec le protocole médical qu’il abhorre, mais sa vie est plus légère. « A l’époque, j’étais amoureux et la dialyse, c’était secondaire. » Le 25 octobre, il est appelé à son travail pour une seconde greffe. « Ça tombait vraiment mal. Je devais partir en tournée pour le mondial du snowboard. Encore une fois, j’étais obligé d’annuler une série de concerts. » Fabrice le vit mal d’autant que cette deuxième greffe est encore un échec. « J’étais super stressé. Au bout de 48 heures, j’apprends que le rein fonctionne mal. Les médecins se sont acharnés sur mon corps pour faire partir le rein. On me l’a enlevé le 18 décembre. »

S’ensuivent des moments de désespoir, jusqu’à sa troisième greffe. C’était le 20 août dernier. Un succès. « Je ne m’attendais plus à ce qu’il y ait une compatibilité possible à cause de ma maladie. » Symbole des épreuves parcourues, sa fistule reste marquée sur sa peau telle une fierté, « car elle représente les huit dernières années que j’ai vécues ». Fabrice attendra pour rejoindre le panthéon de ses guitaristes préférés, Jimmy Hendrix, Kurt Cobain et Jim Morrison, tous morts à 27 ans.

Stéphanie Varet

 

Sources médicales:
http://www.dondorganes.fr/Vos-questions-les-plus-frequentes.html
http://www.sfdial.org/f2n/pro/Glomerulopathies%20hereditaires%20et%20congenitales/alport.htm

Stéphanie Varet

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