« Ce n’est pas toujours l’Allemagne qui gagne ! » affirme Idir qui revient sur les précédents matches opposant les Bleus et la Manschaft.

La France qui gagne ! Il est impossible de saisir tout le sel qu’il y a dans de cette expression quand on a grandi avec les images de Zinedine Zidane terrassant le Brésil en finale de la coupe du monde. Il fut une époque, que les anciens appelle le temps de la Dèche, où l’équipe de France n’était pas bien brillante balle au pied. La France qui gagne c’était comme les éclipses, un carré d’as où les bonnes nouvelles : plutôt rare.

On pouvait prédire les résultats des matches de notre onze national avant même qu’il n’entre sur le terrain. Le même scénario se déroulait toujours sous nos yeux. La France marquait le premier but. A la deuxième mi-temps, elle s’en prenait au moins deux.  Le match était perdu. La guigne qui semblait nous coller à la peau sur un terrain de foot frappait aussi les autres disciplines sportives. A tel point qu’après les Jeux olympiques de Rome, Charles de Gaulle avait décidé de se mêler de sport en instaurant, entre autres, une épreuve obligatoire au bac. Faut dire qu’en 1960, la France n’avait gagné aucun titre olympique ce qui avait passablement foutu la honte au  général devant les Russes.

La France balle au pied est comme son histoire : capable du meilleur comme du pire. Le pire : la coupe du monde 2002 par exemple. Seul l’Algérie en 2010, avec deux défaites et aucun but marqué, avait fait moins bien. Le meilleur : 1998 et la victoire « black-blanc-beur » dans un stade de France situé au beau milieu du 9-3.

Mais pauvre jeunesse, les Bleus en ont connu d’autres, des grands moments. Platini, Giresse, Tigana, Tresor…Il parait qu’à l’époque, on n’avait pas assez de doigts pour compter tous les talents dont disposait l’équipe de France. Cette génération dorée était promise à atteindre le sommet du monde. Balle au pied, ils étaient comme notre pays, destinés à être au-dessus de toutes les nations. Mais comme dans la vraie vie, un obstacle, le même, toujours : l’Allemagne.

La Manschaft, c’est la huitième plaie d’Égypte quand on est le favori d’une coupe du monde. La Hongrie, qui en 1954 était la meilleure équipe du globe invaincue depuis quatre ans, en a fait les frais face aux Allemands qui remportèrent leur premier trophée. Idem pour les Pays-Bas qui se sont promenés « colchique dans les prés » durant tout le tournoi en 1974, avant de tomber face aux Allemands en finale.

En 1982, c’était la France qu’on surnommait « les Brésiliens de L’Europe ». La R.F.A. ne semblait même pas un danger. Au premier tour, elle avait été battue par l’Algérie. La première fois dans l’histoire qu’une « petite » nation du foot en bat une grande. Une défaite, et un match de la honte arrangé avec l’Autriche, qui ne l’a pas empêchée d’atteindre la demi-finale contre la France.

J’étais déjà né, mais je n’ai aucun souvenir de ce match. Par contre, tous les grands de la cité, les darons, les mecs de plus de 40 ans que j’ai croisé dans ma vie m’en ont parlé. Ça papote encore et toujours sur la rencontre, 32 ans après, surtout maintenant, à la veille d’un autre France-Allemagne. Les images du match tournent en boucle à la télé et dans les conversations depuis une semaine.

Pourquoi les amoureux du foot de l’Hexagone ont-ils été tellement marqués par cette défaite? Parce qu’en 1982 avec cette génération dorée, jamais la France n’avait été aussi proche d’atteindre enfin une finale de coupe du monde. Parce que ce France-Allemagne était une rencontre éprouvante pour les cardiaques. Il y eut plus de rebondissements que dans un match de basket. La RFA marque la première, suivie de près par Platini. On arrive aux prolongations et c’est la France qui prend nettement l’avantage grâce à deux buts marqués dans les premières minutes. A 3-1, devant leur télé, les Français se voient déjà en finale. Mais l’espoir est de courte durée, les Allemands reviennent au score et gagnent aux tirs au but. Un match de folie, une catastrophe nationale.

Qu’à cela ne tienne, à ce moment là, la génération Platini a encore de belles années devant elle. Quatre ans après Seville, elle a la possibilité de venger Battiston qui avait subi l’agression la plus spectaculaire de l’histoire du football en se mangeant dans le poitrail, tout le poids du gigantesque gardien de but allemand lancé à pleine vitesse. Malheureusement, épuisé par un Brésil-France d’anthologie en quart de finale, les Bleus n’ont pu que s’incliner 2-0 devant les Allemands.

Il y a un autre France-Allemagne ce soir. Et tout le monde pense à ceux de 1982 à 1986. Mais il y en a un qu’on oublie souvent. Le France-Allemagne de 1958, pour la troisième place en coupe du Monde. Cette année-là, la France n’est pas allée en finale, parce qu’il y avait Pelé collant trois but au portier français. Il en marquera deux autres contre la Suède, donnant au Brésil, du haut de ses 17 ans, sa première coupe du monde. Pour la troisième place, la France ne fait qu’une bouchée de l’Allemagne (6-3). Avec ses quatre buts inscrits durant ce match, ajoutés aux neuf autres des précédentes rencontres, Juste Fontaine reste encore aujourd’hui le meilleur buteur en coupe du monde, toutes éditions confondues. Moralité : le football se joue à onze contre onze et ce n’est pas toujours l’Allemagne qui gagne.

Idir Hocini

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