Le projet n’est « pas une critique des Jeux Olympiques », jure-t-on. « Mais le piège serait de se dire en septembre 2024 : “C’est bon, il n’y a plus de problème” », résume Martin Citarella, conseiller technique au Comité départemental olympique et sportif de Seine-Saint-Denis et membre du collectif CoPER.

Réunissant élus du 93, professeurs d’EPS et acteurs associatifs, le Collectif PERmament pour la défense et la promotion de l’EPS et du sport associatif de Seine-Saint-Denis (CoPER 93) mobilise, partout dans le département, sur la question du manque d’infrastructures sportives. « La Seine-Saint-Denis est le dernier département de France en matière d’installations sportives », rappelle le collectif, chiffres à l’appui. « On compte 16 équipements par tranche de 10 000 habitants. C’est trois fois moins que la moyenne nationale ».

Des établissements de 40 ans d’âge en moyenne

Faute de places, certains clubs sont contraints de refuser de nouveaux membres. « On ne peut pas accueillir plus de 100 enfants par semaine », évoque Malik Rachidi, président de l’USMA Athlétisme, le plus vieux club de la ville de Saint-Ouen qui comprend plus de 200 adhérents.

Sur le complexe de l’Île de Vannes à l’île-Saint-Denis, où s’entraîne l’UMSA, la vétusté des lieux rend la pratique du sport difficile, voire dangereuse. « Il est déjà arrivé que l’on soit interrompu par une course poursuite entre policiers et dealer en plein milieu de la piste », raconte Malik Rachidi entre deux anecdotes sur les éclairages en panne.

Le complexe sportif, qui accueillera les entraînements d’athlétisme et de gymnastique, doit faire peau neuve pour les Jeux Olympiques. « Tout s’est détérioré à une vitesse phénoménale », constate le président du club d’athlétisme local. « On espère qu’il y aura des investissements sur le long terme cette fois-ci », appuie-t-il.

« 40 % des collégiens qui rentrent en 6ᵉ ne savent pas nager »

La vétusté et la carence des infrastructures sportives ont des impacts sociaux graves. « 40 % des collégiens qui rentrent en 6ᵉ ne savent pas nager », rappelait ainsi Olivier Sarrabeyrouse, maire de Noisy-le-Sec, devant le Conseil d’Est Ensemble, qui regroupe des communes situées au Nord-Est de Paris.

Le 16 septembre dernier, les neuf communes d’Est Ensemble (Bagnolet, Bobigny, Bondy, Le Pré-Saint-Gervais, Les Lilas, Montreuil, Noisy-le-Sec, Pantin, Romainville) ont soutenu à l’unanimité la résolution du collectif CoPER pour demander au gouvernement un plan de financement massif. Car si les investissements pour les Jeux Olympiques existent, ils ne bénéficieront pas à toutes les communes de Seine-Saint-Denis.

Un budget pour le sport en baisse

Quatre infrastructures sortiront de terre grâce aux JO. Le site d’escalade du Bourget et trois centres aquatiques à Saint-Denis, Aubervilliers et Aubervilliers. Une demi-douzaine de sites doivent également être rénovés ou agrandis. Bien loin d’être suffisant pour combler le manque préexistant, alors que « sans le volet héritage en Seine-Saint-Denis, ils n’y auraient pas eu les Jeux Olympiques », note Hugo Pontais, porte-parole du collectif CoPER.

« En même temps », le budget du ministère des Sports prévoit une baisse de près de 8 %, hors dépense pour les Jeux Olympiques. Un double discours qui n’étonne pas Azzédine Taïbi, le maire de Stains. « L’État se désengage », analyse l’élu. Ce dernier compte tout de même sur la transformation de la piscine de Marville (La Courneuve) pour obtenir des créneaux pour les écoliers après son utilisation pour les entraînements de water-polo lors des Jeux.

« Le sport est un service public rendu à la population », fait remarquer Azzédine Taïbi. « Derrière la question de la pratique se posent les enjeux de santé publique, d’intégration sociale des séniors et des porteurs de handicap », développe-t-il.

« On ne peut pas imaginer des politiques pour le sport à coup de JO »

« C’est en baissant les dépenses liées aux sports que l’État récompense le travail des associations », fulmine le maire de Stains, qui préfère s’appuyer sur des soutiens locaux. La commune prévoit ainsi la construction d’un sixième gymnase, financé par le département. Le gymnase Fatima Bedar, en hommage à une habitante de Stains tuée lors du massacre du 17 octobre 1961 devra accueillir les clubs de basket et d’arts martiaux de la ville.

« Au niveau des municipalités, j’ai l’impression qu’il y a une prise de conscience », se réjouit de son côté Malik Rachidi. « À Stains, les choses ont beaucoup changé », confirme Azzédine Taïbi. « Il y a quinze ans, on allait jouer sur des terrains vagues », se remémore l’ancien animateur au CEMÉA (Centres d’Entraînement aux Méthodes d’Education Active).

Pour les acteurs de la Seine-Saint-Denis, la peur que les Jeux Olympiques ne soient qu’un grand coup de communication reste tenace. « Les investissements doivent s’inscrire dans la durée », observe Martin Citarella. « On ne peut pas imaginer des politiques pour le sport à coup de JO ».

Méline Escrihuela

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