Décrocher en toute urgence le téléphone, composer le 00213 et demander aux gens au bout du fil s’ils sont vivants. Un rituel pour la diaspora algérienne depuis le 26 août 1992, date du premier attentat qui pulvérisa une partie de l’aéroport d’Alger et neuf de ses occupants. Au marché de Barbès, marchands de légumes, chalands et vendeurs à la sauvette se sont anxieusement retrouvés dans les bouchons téléphoniques de la veille. « Les clients, ils ont fait comme moi : ils ont attendu que j’aie des nouvelles de la famille pour leurs consommations ! », me dit Abdel, patron de café. Deux de ses neveux travaillent à Alger : « ils n’ont pas la grande vie, donc une chance sur mille qu’ils soient à Hydra [lieu des attentats et quartier chic de la capitale] au moment des explosions, mais le coup de fil était obligatoire. »

Un arrière-goût acide des années noires, c’est ce que ressentent certains Algériens au lendemain des attentats : « Même peur pour la famille, même gâchis », confie une ménagère. Ceux qui sont restés au pays accusent néanmoins le coup du nouveau label Al Qaida : « Les attentats à l’irakienne [kamikazes]… il nous manquait plus que ça ! », déplore un Algérois que j’ai joint au téléphone. « La « concorde civile » est un échec. Tu as vu ces terroristes amnistiés qu’on retrouve maintenant à la une des journaux en train de cambrioler une banque ! », fulmine monsieur Messaoud en prenant son journal du matin.

En France ou en Algérie, la peur pour les siens ou pour soi n’y change rien, la vie continue. Kamel, « vétéran » des années noires, en témoigne : « J’étais en Algérie jusqu’en 2002. Attentats ou pas, t’es obligé de vivre et de faire avec. Le pire, c’est qu’on y pense même plus. Jusqu’au prochain… »

Idir Hocini

Idir Hocini

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