A l’occasion de ce 10 mai, institué « journée nationale » depuis seulement 2006, le président élu a tenu à « parler à toute la France et à tous les jeunes qui ignorent qu’il y a eu, dans un passé qui n’est pas très lointain, une traite, un esclavage » qui ont été des « phénomènes mondiaux ».

Ce jeudi 10 mai 2012, la France métropolitaine commémorait, comme chaque année depuis 2006, l’abolition de l’esclavage. Un grand nombre de collectivités territoriales, établissements à vocation culturelle, associations de défense des droits de l’Homme et médias français organisaient, pour l’occasion, diverses manifestations, telles que concerts, pièces de théâtre, débats, expositions ou projections de film, pour célébrer la fin de l’esclavage et d’une traite négrière qui asservit en un peu plus de trois siècles, entre treize et vingt millions d’esclaves.

Débutée en Europe, au XVè siècle, la traite des Noirs, c’est, en effet, des millions d’Africains  capturés par des membres de tribus rivales, vendus aux Européens contre des produits manufacturés (armes, alcools, tissus, objets métalliques) puis envoyés sur des navires négriers vers l’Amérique, les Caraïbes ou les colonies de l’Océan indien pour y travailler dans les exploitations agricoles, comme domestiques au sein des foyers ou encore dans les mines.

La Traite négrière, c’est, en somme, un vaste trafic humain n’épargnant pas même les enfants. C’est la négation de l’humanité des Noirs au nom de quelques denrées tropicales (sucre, café, coton, tabac, etc) destinées à alimenter les étals des commerçants d’Europe.

Réduits au statut de marchandises animées ou de bêtes corvéables à merci, les esclaves sont « arrachés à leurs dieux, à leur terre, à leurs habitudes », à la vie elle-même, pour devenir la pièce maîtresse d’un commerce triangulaire entre l’Europe, l’Afrique et les Amériques.

C’est cela qui a été rappelé, jeudi matin, aux jardins du Luxembourg, lors du 164ème anniversaire de l’abolition définitive de l’esclavage. Je dis biens « définitive » car la servitude avait déjà été prohibée, une première fois, en 1794, avant d’être rétablie par Napoléon Bonaparte. C’est seulement le 27 avril 1848 qu’un nouveau décret interdisant l’esclavage est publié. Quelques mois après, la nouvelle fut inscrite dans la Constitution française.

En présence d’une pléthore d’hommes et de femmes politiques tels que l’actuel ministre de la culture, Frédéric Mitterrand, le sénateur de la Martinique, Serge Larcher, la députée de Guyane, Christiane Taubira ou encore le maire de Paris, Bertrand Delanoë, Jean-Pierre Bel, actuel président du sénat, a évoqué, dans une longue allocution, le passé esclavagiste de notre pays, cette sombre époque où il ‘inculquait savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir et le larbinisme’ à ceux qu’ils considéraient comme des êtres inférieurs. Le parlementaire a aussi encouragé à poursuivre le travail de mémoire.

Et parce que l’esclavage ne fut pas seulement l’apanage de la France, de nombreuses délégations européennes, venues du Royaume-Uni, d’Espagne, du Portugal ou encore des Pays-Bas, étaient aussi rassemblées, ce jeudi matin, au Luco, pour entendre les voix posthumes des chantres de la négritude et de l’égalité des peuples que sont Aimé Césaire, Frantz Fanon ou Édouard Glissant.

Et maintenant que cette journée de commémoration s’est achevée ?

Un siècle et demi après l’abolition de l’esclavage, les Noirs demeurent une minorité à peine visible au sein des grandes écoles, aux postes de direction, dans les médias ou le milieu politique. À vrai dire, l’homme noir est entré dans l’Histoire, mais individuellement, beaucoup peinent encore à écrire la leur, en France. C’est cette réalité qui a aussi été évoqué au Jardin du Luxembourg. Plus que jamais, il importe donc de s’engager à lutter contre toutes les formes de discrimination dont sont quotidiennement victimes les Noirs de France.

À noter – et à saluer -, lors de cette commémoration, la présence inattendue du nouveau président élu. Parce qu’il n’a pas encore pris officiellement ses fonctions et pour des raisons de protocole, Monsieur Hollande n’a pas tenu de discours lors de cette commémoration mais a, tout de même, expliqué aux journalistes le motif de sa venue :

–  « Je devais marquer par ma présence tout le sens que j’accorde à cette journée ».

Depuis 2001, la France est le seul État de l’Union européenne à reconnaître la traite et l’esclavage  comme crime contre l’humanité. C’est aux historiens et aux enseignants, à présent, de transmettre cette mémoire de l’esclavage aux nouvelles générations car il est bien vrai qu’une civilisation qui ne ferme pas les yeux sur son histoire est une civilisation qui grandit.

Gaëlle Matoiri

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