J’ai toujours eu des difficultés à jouer de l’argent dans des jeux de loterie ou dans une partie de cartes. Déjà qu’il est très difficile d’en gagner, il serait stupide de risquer de le perdre aussi vite. Je me suis bien laissé tenter une fois ou deux par l’Euromillion. Pourquoi pas moi ? me suis-je dit, mais cela n’a jamais dépassé deux euros de mise. Pour d’autres, les jeux d’argent sont une habitude. Il y a deux semaines, c’était un dimanche après-midi, j’arrive dans le quartier et on m’annonce qu’un gars a perdu 700 euro « aux petits tas ».

Ces jeux sont très populaires dans le quartier. Les plus prisés sont le poker, le 21, le petit tas et « la pièce contre le mur ». Et moi qui croyais que les difficultés rencontrées par les casinos Partouche étaient dues au développement des jeux en lignes ! Je m’interroge sur cet engouement et décide de demander à ces jeunes qui ont entre 13 et 18 ans pourquoi ils misent des sous. Ils me répondent que « c’est plus excitant ». Détail important : pas besoin d’être majeur pour participer à ces « casinos » de quartiers, il suffit d’avoir de l’argent, of course.

« On ne mise pas beaucoup, la plus part du temps c’est des pièces jaunes et des 1 ou 2 euros, ce sont les grands qui joue des 10 ou 20 euro », m’informent les « petits ». Mais c’est quand même de l’argent, leur fais-je remarquer. Et eux de répondre : « De toute façon, l’argent, c’est fait pour être dépensé, si c’est pas dans ces jeux ce sera aux Cote et Match ou dans la sape. »

Ces parties de pognon en plein air ne sont pas organisées. Il n’y a pas de rendez-vous fixé longtemps à l’avance, cela se fait au feeling. Dès qu’il y a trois ou quatre joueurs, le casino ouvre ses portes. C’est devenu un passe-temps au même titre qu’une bonne partie de foot ou de pétanque, sauf que de l’argent est en jeu, ce que les parents de ces enfants ignorent ou font mine d’ignorer. Quand papa ou maman pointe le bout de son nez, les mômes planquent vite le fric. Je n’ai jamais assisté ou entendu parler d’embrouilles nées de ces jeux de rues. « Les règles sont simples : ou tu perds ou tu gagnes. Je vois pas comment tu peux tricher, en plus, on est entre amis, on va pas se carotter entre nous. »

Si les conflits sont absents de ces joutes, leur niveau sonore, en revanche, est élevé. Rien à voir avec les ambiances des parties de poker que l’on peut voir à la télé. Les joueurs se chamaillent, cela reste bon enfant et souvent ils laissent éclater leurs joies quand ils remportent la mise. Quelles sont les règles ? « Le 21, explique un joueur, c’est simple, on distribue deux cartes à chaque joueur ; celui qui arrive à 21 en additionnant les chiffres qui figurent sur les deux cartes ou qui en est le plus proche remporte la mise de tout le monde. Chaque joueur peut demander une carte en plus enfin d’arriver à 21 mais si tu dépasse 21 tu as perdu ; c’est simple et rapide. »

Les jeunes continuent mon initiation : « Pour le petit tas, il y a un gars qui fait la banque et met devant les joueurs plusieurs petits tas de cartes. Chaque joueur mise la somme qu’il veut sur un ou plusieurs tas, il y a toujours un tas qui reste sans mise et qui appartient à la banque. Le banquier retourne tous les tas. Pour doubler sa mise il faut que la carte du dessus du tas où on a misé soit supérieure au tas de la banque. La carte la plus forte étant l’as, puis le roi, la dame, etc. »

Le jeu de la pièce contre le mur, j’en connais moi-même les règles : chaque joueur jette une pièce contre le mur et celle qui est plus proche du mur a gagné, c’est souvent les plus jeunes qui y jouent. Ils me disent que le poker est un jeu plus apprécié par les plus grands et que les mises peuvent monter très haut. Patrick Bruel a du souci à se faire, les gars du quartier arrivent bientôt dans le poker tour.

Ibrahim Diallo

Ibrahim Diallo

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