Voici l’histoire de l’affaire Zacharias. En 1954, la Hongrie a terminé finaliste de la coupe du monde. Joseph Zacharias est l’un de ses joueurs vedettes. C’est alors qu’il débarque à Lille, déclarant avoir « passé le rideau de fer et choisi le camp de la liberté ». Trop content d’avoir mis la main sur une perle du football mondial, le président du Lille Olympique l’embauche fissa et convoque toute la presse pour qu’elle assiste au premier pas du Messi de l’époque.

Sauf que si Messi arrivait aujourd’hui à Lille, en déclarant être blasé du soleil catalan, tout le monde le reconnaîtrait. Ce n’est pas le cas de Zacharias dont tout le monde connaît le nom, mais pas vraiment le visage. Résultat : après dix minutes de jeu lors d’un match de préparation, les spectateurs voient évoluer sur le terrain un gros bourrin aux pieds carrés. Il s’agit d’un certain Ladislav Fereb, ancien légionnaire, dont la seule volonté était de créer le buzz et d’escroquer quelques dirigeants de club. Cet épisode a calmé quelques temps les ardeurs des recruteurs qui allaient chercher des inconnus dans tous les coins du monde.

C’est ce genre d’histoires savoureuses que l’on peu découvrir en allant faire un tour du côté de l’expo « Allez la France! – Football et immigration, histoires croisées », à la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, porte Dorée, à Paris. Faire entrer la Ligue 1 et l’équipe de France dans un musée, pourquoi pas. L’idée est ici de raconter l’histoire de l’immigration en France par le prisme du football. Les phases d’ouverture des frontières mènent ainsi à l’augmentation du nombre d’étrangers dans le championnat et inversement.

Par exemple, pendant l’entre-deux-guerres, le championnat bénéficiait de l’apport de nombreux joueurs étrangers, rapidement naturalisés, qu’ils viennent d’Europe ou d’Amérique du Sud, notamment d’Uruguay. Car face à la menace allemande, il fallait augmenter la masse de chair à canon susceptible d’être appelée sous les drapeaux. En 1938, l’extrême-droite se demandait comment ces naturalisés pouvait porter le maillot des Bleus du jour au lendemain, comme c’était le cas d’Auguste Jordan, autrichien d’origine. Un discours qu’on retrouve dans la bouche de certains aujourd’hui, qui vise en particulier les Noirs originaires d’Afrique.

L’expo nous offre donc une leçon d’histoire en perpétuel recommencement. Un éternel retour symbolisé au XXe siècle par la proportion constante de joueurs issus de l’immigration dans l’équipe de France. 1958, 1986 et 1998, Raymond Kopaszewski, Michel Platini, Zinedine Zidane. Trois équipes mythiques, trois monstres sacrés, trois vagues de migrations propres à l’histoire du pays. Les Polonais, les Italiens, les Algériens. On pourrait aussi évoquer les Espagnols, les Portugais, les Maliens, les Sénégalais, les Arméniens…

D’ailleurs, l’équipe actuelle, celle qui va gagner le Mondial, offre une belle mosaïque de l’histoire de l’immigration d’après-guerre. En cherchant bien, on trouve presque un membre de chaque communauté (mosaïque complétée à la dernière minute grâce à Valbuena, d’origine espagnole), à l’exception, cette fois, de joueurs originaires du Maghreb.

L’expo met en lumière ce qu’on savait un peu déjà, mais avec la rigueur d’un musée, ça a tout de suite beaucoup plus de gueule. Les passages sur la diffusion du foot en France et les débuts du professionnalisme valent leur pesant de cacahuètes, notamment grâce à la collection d’objets d’époque : photos, coupures de presse et équipements sportifs de toute beauté comme cette paire de bottines à crampons carrés utilisée au début du 20e siècle. C’est aussi la partie où l’on apprend le plus. Par contre, ceux qui se foutent du foot risque de s’ennuyer ferme. Mais si seuls les fans s’y rendent, ça fera déjà beaucoup de monde.

Nicolas François

Pour en savoir plus sur l’exposition qui se tiendra jusqu’au 17 octobre.

Nicolas François

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