A un jet de pierre du local du Bondy Blog, il y a le CKF (Cercle de karaté français). Pendant les réunions de rédaction, nous entendons parfois des cris gutturaux, des bruits d’os qui craquent, et si on sort la tête par la fenêtre, il se peut qu’on aperçoive des corps de gens voler à travers la rue. Je suis une bonne poire bien patiente, mais le bruit à tendance à la gâter. En voulant taper une gueulante chez le voisin pour qu’il baisse le son, les mots ont rebroussé chemin au niveau de la glotte dès les portes du dojo ouvertes : j’ai vu les dieux de l’olympe ressusciter.

Des spartiates en kimono, plutôt. Pour pouvoir faire ma réclamation, j’ai attendu patiemment que les gens finissent leurs séries de pompes, mais après 150 j’ai arrêté de compter,  j’ai perdu patience. L’instinct du journaliste a alors pris le dessus sur le voisin relou : « Excusez-moi, dis-je à un jeune padawan, ce n’est pas trop dur après une journée de boulot tout cet exercice ? » « 160, non, monsieur, 161, tout est dans le mentale, 162, 163… », répondit l’apprenti guerrier Shaolin sans interrompre sa série de pompes à une main (il se peut que j’exagère un peu mais croyez-moi, l’idée est là).

Une heure et demi d’échauffement à tuer un bœuf avant que l’entraînement de Kung-fu à proprement dit ne commence enfin. Marc Monitor enseigne à ses jeunes l’art du coup de pied bien placé dans la douleur et l’effort. Il les fait se plier en quatre, ce n’est pas une façon de parler. Les exercices d’assouplissement sont dignes de mon ancêtre Houdini – quelques lettres se sont perdues avec le temps – qui pouvait se contorsionner dans un dé à coudre. Pour jeter sa jambe haut et loin, la souplesse est essentielle au Kung-fu, un art martial qui tire son origine de la plus haute antiquité chinoise dont les enseignements se basent sur la maîtrise de son esprit et de son corps, pour ne faire qu’un avec… Mille pardons chers profanes, je refais la définition, deux mots sacrés valent mieux qu’un grand discours : Bruce Lee.

Revenons à Marc Monitor, l’entraîneur qui a basé tout son entrainement sur la production à grande échelle de sueur et de courbatures : « Pour les nouveaux, c’est très dur au début. Et encore, ce que vous voyez c’est la séance soft. Mais avec du sérieux, on progresse de mois en mois. Au final, un compétiteur, et mon entraînement vise à en former, s’habitue très bien au rythme. »

« C’est sûr qu’on progresse, me dit un élève, on n’a pas le choix. J’ai vomi à un entrainement ou deux, mais au bout de six mois je sais déjà faire ça. » Ma tête culmine à 1m88,  le mangeur de crottes de nez qui vient de me parler m’arrive aux côtes, reste que sa jambe vola comme la poisse au-dessus de ma  tête en faisant un jolie arc en ciel avec la goutte de sang qu’il m’arracha de l’oreille (idem, j’exagère un peu mais vous voyez l’idée).

Tout le monde peut apprendre le Kung-fu, pas seulement les bêtes du Gévaudan. Un retraité de 60 ans s’entraine avec les petits d’un côté du dojo, tandis qu’un ou deux champions de France font voler leurs camarades de l’autre. J’apostrophe un des ces titans : « Mais jeune homme, vous mettez des vrais coups ! » « Ouais pourquoi ? J’aime quand ça cogne dur. » Aucune objection, au Kung Fu on frappe pour de vrai mais on a une protection en compétition : sa chair et ses os. Un autre élève, qui honnêtement n’a pas l’air d’être la flèche du sagittaire, me répond indigné : « Non, ça se fait pas de taper les meufs », quand je lui demande si sa condition de sportif est utile pour séduire les filles.

Tous me disent qu’ils sont là pour se défouler, par amour du sport et que jamais de la vie ils n’utiliseront leur savoir mortel pour des motifs personnels en dehors du dojo. C’est beau, je trouve, cette abnégation que l’ont voit chez les pratiquants d’arts martiaux et les supers héros. Marc relativise : « Vu le conteste de la rue, je ne pourrai pas en vouloir à un de mes élèves s’il se défend contre plusieurs personnes à la fois, pour se protéger lui ou sa famille par exemple. Seulement s’ils sont à 10 contre un, et c’est souvent le cas dehors, la règle reste la même pour vous et moi : courir. »

Oh, modeste. Un contre 10, c’est encore jouable pour certains élèves de Marc, d’après ce que j’ai vu. Quant à lui, je n’imagine même pas le char d’assaut que ça doit être. Sinon pour le bruit ? Beaucoup de progrès depuis ma visite : toutes les réunions du Bondy Blog se font en chuchotant…

Idir Hocini

Petit aperçu de l’entrainement en  VIDEO

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