Demain est un jour important pour les musulmans de Bondy et du reste du monde: c’est la fête de l’Aïd el-Kebir qui marque la fin du pèlerinage à la Mecque, le jour où l’on égorge le mouton, et les préparatifs vont bon train dans les familles.

Akim m’explique méticuleusement les étapes du rite telles qu’elles sont codifiées dans la Sunna (actes et paroles du Prophète que rapporte la tradition musulmane). La prière de l’Aïd à 9 heures. Le prêche de l’imam. Le mouton qu’on couche sur le flanc gauche, en direction de la Mecque. Le geste précis du sacrificateur qui tranche la gorge: « D’un seul mouvement, aller et retour, pour ne pas faire souffrir la bête. »

Akim se rappelle le temps où l’on quittait Bondy pour aller choisir le mouton dans les fermes de Meaux ou de Melun. On payait une avance, on recevait un ticket. Puis, le jour de la fête venu, on y retournait pour procéder au sacrifice, suspendre l’animal par les pattes arrières, décoller la peau, ouvrir le ventre, retirer la vésicule biliaire, découper la viande… Akim raconte tout ça au passé car la loi française interdit désormais l’abattage individuel.

Pour lui, cela n’avait rien de commun avec le fait d’aller acheter un mouton entier sur un parking d’hypermarché, comme les magasins Carrefour le proposent désormais. La fin de cette tradition lui noue la gorge: « J’en ai le regret grave. C’est énorme comme ça me tue! Le sacrifice à la ferme était un moment chaleureux, convivial. On a grandi avec ça mais nos enfants ne le connaîtront pas. »

Akim est convaincu qu’il s’agit de mesures vexatoires contre les musulmans. Je lui rétorque que j’en doute, que cela traduirait plutôt une évolution générale des sensibilités à l’égard du monde animal, que cela menace tout autant les amateurs de foie gras ou de cuisses de grenouilles (dont je suis). Mais je vois bien qu’il n’est pas convaincu par mes arguments.

 

Par Michel Audétat

Michel Audétat

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