Vendredi 21 décembre 2012. Neuilly-sur-Seine. On sonne à la porte. Charlotte est sous pression. Cela fait trois jours qu’elle est sans nouvelles de son fils. Ces derniers temps, il filait un mauvais coton. Charlotte regarde dans le judas. C’est la police. Son cœur fait un bon. Se serre. Elle a chaud. Ouvre la porte. « C’est pour quoi ? » L’un des poliiers lui tend un mandat de perquisition. Annonce qu’ils recherchent son fils. Charlotte s’accroche à la poignée. « Il n’est pas là ». « Permettez-nous de vérifier Madame ». Charlotte s’écarte. Son cœur bat la chamade. Les policiers ouvrent une à une toutes les portes de son appartement. Jusqu’à celle de la chambre de son fils. Qui dort, épuisé, tout habillé sur son lit. Il était donc là ! Les policiers le réveillent. Surpris, il a un mouvement brusque. Les policiers le menottent, lui énoncent ses droits. Son regard rencontre celui de sa mère puis se tourne vers le sol. Pour Charlotte, c’est la fin du monde. Avec tout l’amour qu’elle a mis à élever cet enfant, elle ne pensait pas un jour en arriver là.

Vendredi 21 décembre 2012. Ouagadougou. Ca y est, Noël approche. Les rues se décorent, les vendeurs de crèche et de sapins en plastique sortent dans la rue. L’Hôtel de Ville scintille, les habitants s’activent, les églises s’apprêtent. Bientôt, ce sera la fête. Maïmouna est ravie. Son oncle vient de lui donner un gros billet pour son essence et pour les fêtes. Pour une fois qu’elle n’a pas à se soucier de l’argent ! Elle circule en moto le cœur léger, grille les feux rouges comme tout le monde parce qu’ici, la nuit, tous les feux sont verts. Prrrr. Un coup de sifflet. Prrr. Un deuxième. Elle n’avait pas vu ce policier sur le bas-côté qui lui fait signe avec sa torche de s’arrêter. Walaï ! Il lui manque un rétroviseur et ses phares ne sont pas réparés. Le policier lui demande ses papiers. Maïmouna les lui tend. Sa carte grise. Maïmouna la cherche désespérément. Le policier contourne le véhicule. Tape sur les feux avant. Le cœur de Maïmouna se serre. Elle fait des yeux de chien battu. Ca ne marche pas. Le policier la toise et lui annonce son tarif « 6 000 Francs ». Les larmes montent aux yeux de Maïmouna. 6 000 Francs ! Plus de la moitié du billet que son oncle lui a donné ! Si elle paie le plein à 3000 Francs il ne lui restera que 1000 Francs pour ses achats ! Walaï ! Elle se met à pleurer. Le policier ne cède pas. Il a besoin de rattraper ses chiffres de l’année. Et pourquoi pas au passage s’accorder une petite prime. Maïmouna ouvre son sac et sort son billet. C’est la fin du monde. Elle n’aurait jamais dû prendre cette allée.

Vendredi 21 décembre 2012. Marseille. Ah la plage en hiver, que c’est beau, que c’est frais ! Le bruit des vagues qui roulent, les mouettes qui crient, c’est sûr qu’ils n’ont pas ça à Paris ! Hamid est content de s’être installé ici. Ce n’est pas si loin que ça de l’Algérie. Ses enfants font de bonnes études, sa femme vient de prendre sa retraite et il y a même un petit-enfant en préparation. Comme tous les matins, Hamid longe la corniche. C’est bon pour la santé. D’ailleurs, dans dix minutes il sera dans le cabinet du médecin pour un contrôle de routine. A son âge, on est bien obligé ! Dans la salle d’attente, il regarde les magazines étalés sur la table et ne comprend pas l’engouement que les gens ont pour les stars : Kate Middleton est enceinte, Johnny Depp a quitté Vanessa Paradis, Madonna sort avec un danseur lyonnais… Qu’est-ce que ça peut bien changer à nos vies tout ça ? Est-ce qu’on dormira mieux d’être ainsi informé ? Le docteur ouvre la porte et lui serre la main. Demande des nouvelles de sa femme et de ses enfants. De la grossesse de sa fille aussi. Hamid est tout sourire, il va devenir grand-père. Le docteur ouvre son dossier, feuillette des papiers. Puis lève la tête vers Hamid, gêné. « Vous avez fait des analyses dernièrement, n’est ce pas ? » « Oui, oui, comme d’habitude, contrôle de routine ». Le docteur s’agite un peu sur sa chaise, apparemment perturbé. « On m’a dit que s’il y avait un problème, on m’appellerait, donc il n’y a pas de problème », ajoute Hamid, en souriant. Le docteur passe la main sur sa barbe et regarde Hamid droit dans les yeux. « Monsieur, il va falloir vous suivre. Nous avons dépisté un cancer. » « Un quoi ? » Hamid est atterré. « Un cancer. De la prostate. » Hamid regarde le docteur, déboussolé.  Cancer = soins = hôpitaux = dépenses = mutuelle de santé. Mutuelle de santé ! Hamid n’en a pas pris cette année pour faire des économies. Et sa fille qui l’embêtait pour en prendre une, si elle savait ! Hamid regarde le sol. Pour lui aussi, la fin du monde est déjà là.

Claire Diao

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