LA MARCHE. Il a commencé l’actorat par des spots signés Mehdi Charef (2008) puis la série La vie secrète des jeunes de Riad Sattouf (2010). A cartonné en festivals avec le court-métrage Fais Croquer de Yassine Qnia (2012) puis sur les écrans avec le long-métrage Les Profs de Pierre-François Martin Laval (2012). Nominé parmi les Révélations masculines des Césars 2014, M’Barek Belkouk revient pour nous sur son expérience dans La Marche de Nabil Ben Yadir.

Où étais-tu en 1983 ?

Nulle part (rires) ! Je suis né en 1989 à Vitry-sur-Seine (94) et j’ai grandi à Aubervilliers (93).

Quand as-tu entendu parler de la Marche pour la première fois ?

En 2013, avec le scénario du long-métrage tiré d’une histoire vraie. C’est une Histoire de France un peu cachée dont je n’avais jamais entendu parler, je trouve ça dommage.

Comment se fait-il que tu n’en ai jamais entendu parler ?

Très bonne question. Ça doit être aussi de ma faute, parce que je n’ai pas fait de recherches, je n’ai pas été très curieux à propos de cette histoire cachée.

Qu’est ce qui t’a motivé à jouer dans La Marche ?

C’est une histoire qui me parle, qui me touche, qui parle du racisme donc j’ai directement dit oui. Nous avons tous été au moins une fois victime du racisme.

Pour quoi « La Marche pour l’égalité et contre le racisme » s’est progressivement fait appeler « La Marche des Beurs » ?

Je pense que ce sont les journalistes qui l’ont appelé comme ça en voyant qu’il n’y avait que « des Arabes ». Comme Toumi Djaïdja était maghrébin, les médias l’ont tournée comme ça. Pourtant, ce n’est pas la Marche des Beurs mais la marche tout court, pour les beurs, noirs, blancs, jaunes, verts…

Que savais-tu de Farid Lhaoua avant le film ?

Je n’ai pas eu le temps de le rencontrer. Il a vraiment existé mais n’a pas eu de journal intime et n’était pas un petit « gros ».

Comment as-tu construit ce personnage ?

Nous avons beaucoup travaillé avec Nabil Ben Yadir, par téléphone et en face à face. Ce personnage, c’est un jeune des Minguettes qui aime ne rien faire, rester en bas des tours, et va prouver à son père qu’il est capable de marcher de Marseille à Paris. Tout au long de La Marche, il écrit un journal intime qu’il enverra à son père.

Que signifie pour toi cette relation père/fils ?

C’est un père un peu difficile qui ne veut rien dire devant son fils. De même pour Farid qui apprécie son père mais ne lui a jamais dit qu’il était fier de lui, lui qui allait travailler la matin, tôt, dans le froid, sous la pluie… Il n’y a pas beaucoup de dialogues entre les deux.

De 1983 à 2013, comment a évolué le terme « immigré » ?

Immigré, c’est celui qui émigre, qui est là pour quelques temps et qui repart. Il est là, comme mon père, pour reconstruire la France puis repartir. Mais mes parents sont restés et ils ont bien fait. La France est un très beau pays et je suis fier d’être français.

De 1983 à 2013, quelle évolution observes-tu en matière de racisme en France ?

Il n’y a pas eu beaucoup d’évolution à part la carte de séjour de dix ans. Les CV anonymes, on en a parlé mais ça n’a pas trop fonctionné donc il n’y a pas beaucoup de choses qui ont changé. À l’époque, on tuait les gens mais en ce moment-même il y a encore du racisme. Il y a eu l’histoire d’Argenteuil (95)… [en juin 2013, plusieurs femmes voilées ont été agressées par des inconnus. L’une d’entre elle, enceinte, a perdu son enfant, NDLR] Beaucoup de violences mais moins de morts, heureusement.

De 1983 à 2013, quelle évolution observes-tu en matière de violence policière ?

Ils ont arrêté de tirer sur « nous » comme des lapins même si maintenant on se prend des flashballs (rires). L’évolution, c’est qu’il y a aura toujours des racistes. Si ça ne tire pas sur nous c’est verbal, si ce n’est pas verbal, c’est physique…

Qu’est-ce que ça fait de tourner avec un Belge qui raconte l’Histoire de France ?

C’est malheureux et c’est bien aussi. C’est malheureux parce que ce n’est pas un Français qui a « pris son courage à deux mains » pour faire un film sur la Marche. Mais c’est bien parce que c’est une Histoire de France qui a été « cachée » et un maghrébin Belge est venu réaliser ce film-là. Ça fait trente ans quand même ! On n’en parle pas en cours, on n’en parle nulle part. La plupart des moins de 25 ans, ma génération, ne connaissent pas cette Histoire. Alors j’espère qu’ils iront voir le film.

Propos recueillis par Claire Diao

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