SAMEDI. C’est jour de noces à la maison. Une quarantaine d’invités sont attendus pour célébrer le mariage de ma sœur. D’âpres négociations entre les futures belles-mères ont été menées en amont. En comparaison, les négociateurs de l’ONU sont des amateurs. Après une journée glissée dans la peau de Cendrillon à faire briller la maison du sol au plafond, je pensais me détendre sitôt ma robe revêtue. Grossière erreur. Premier impair de la soirée, je n’ai pas compris que les convives se plieraient à la mode de Kaboul, impliquant que tout centimètre carré de peau soit dissimulé aux regards concupiscents. Et ce même s’il n’y a que des femmes dans la pièce.

Je suis donc passée pour une fille aux mœurs légères. J’ai particulièrement apprécié les regards réprobateurs. Après ce crime de lèse-décolleté, l’ambiance s’est glacée d’un coup. Second impair, mon frère de 18 ans et un de ses amis ont faussé compagnie à l’imam et aux autres hommes, dont la moyenne d’âge avoisinait les cinquante ans et qui s’exprimaient majoritairement en arabe, pour rejoindre la pièce dévolue aux femmes. Blasphème.

Les invitées froissées par cette intrusion de testostérone arborent alors la mine qui sied à un enterrement. La belle-mère, dépitée car la soirée ne se déroulait pas comme elle l’aurait voulu, s’est distinguée par quelques agressions verbales à l’égard de ma famille. L’estocade finale a été portée lors de la cérémonie du henné.

Les belles-mères ont failli en venir aux mains pour un détail de procédure. Faisant fi de la séparation des sexes, les hommes se sont joints à nous, essayant même de désamorcer le conflit. Avec des arguments de poids du type « Si on a pu pardonner aux Français ce qu’ils nous ont fait, vous pouvez vous réconcilier ». Peine perdue.

Le henné des mains de ma sœur n’était même pas sec que la mère du marié prenait la poudre d’escampette jurant ses grands dieux qu’elle ne remettrait jamais plus les pieds chez nous. Brice Hortefeux nous avait pourtant prévenus : quand y’en a un ça va, c’est quand y’en a plusieurs qu’y’a des problèmes. Nous autres Auvergnats, on devait être trop nombreux dans mon salon.

DIMANCHE. Passage à l’heure d’hiver. Comme si l’hiver n’était déjà pas un concept déprimant en soi, maintenant nos journées et nos nuits ont le goût de l’hiver. Le matin lorsqu’on sort de la maison, il fait nuit. Rebelote au retour. J’ai la désagréable impression d’être dans la peau d’Etienne Lantier, le mineur de Germinal et d’avoir des journées de travail de 18 heures.

LUNDI. Je contais dans ces colonnes mes mésaventures avec SFR. Je dois battre ma coulpe et avouer qu’ils ont gagné le bras de fer que j’avais engagé avec eux. N’ayant jamais réussi à joindre le service client et régler mes factures en souffrance, ce gentil opérateur téléphonique a décidé de me priver de téléphone sans crier gare. Me voilà donc astreinte au silence téléphonique. Quiconque me connaît sait que c’est une gageure de me faire taire. Accro au téléphone, le sevrage est violent.

Niant l’évidence, j’essaie malgré tout de passer un coup de fil. Echec cuisant. Toujours en proie à une crise de manque, je me revois taper un sms frénétiquement comme l’a fait jadis Nicolas Sarkozy en audience chez le pape. Pour moi, pas de rendez-vous avec le pape, mais une interview d’une chanteuse iranienne pour le Bondy blog. Et là, mes pires craintes se confirment, point d’attachée de presse sur place alors que tout était réglé au millimètre près par mail.

S’ensuit un énorme quiproquo. Une interview menée au pas de charge, l’impossibilité, sitôt celle-ci achevée, de mettre la main sur ladite attachée de presse. Le soir même, je reçois un mail un poil énervé de celle-ci, qui dit ne pas m’avoir vue sur place alors qu’elle était venue spécialement pour cela. Elle jure avoir essayé de me joindre à multiples reprises sur mon téléphone… Mais comment on faisait sans ?

MARDI. J’ai réalisé à quel point la sortie du métro Saint-Michel ressemble à la Cour des miracles. Mon regard est attiré par un homme d’un certain âge, cheveux blancs, bien en chair qui brandit une pancarte barrée d’un « J’ai faim ». Comme le marché de la mendicité est saturé et concurrentiel, pour se distinguer, si on n’a pas la chance d’avoir une difformité à exhiber pour attirer la compassion, il faut faire appel à son imagination. Surtout quand on ne sait pas chanter sur du rap en roumain.

On peut utiliser un enfant comme appât. C’est efficace pour titiller la fibre maternelle des dames et apitoyer les messieurs au cœur tendre. Mais un enfant pour faire la manche c’est un boulet, ça pleure, ça réclame à manger et ça a froid. L’alternative suprême, c’est l’animal. Attendrissant et ça réclame moins d’égards qu’un enfant. Ici le vieux monsieur a opté pour un énorme lapin. Bugs Bunny, bien installé dans une caisse tapissée de paille, se sustente de morceaux de carottes pendant que les badauds l’observent négligemment. Pas émue pour deux sous par cette scène champêtre, je n’ai pensé qu’une chose. « S’il avait vraiment faim, il le mangerait son lapin ! » Je suis un monstre d’insensibilité.

Toujours près du métro, je n’ai pas été prévenue, mais soit c’est carnaval, soit c’est un entraînement pour Halloween. Je vois passer une jeune femme aux cheveux roses. Dans un manga ça pourrait passer, mais dans la vraie vie, si on n’est pas en crise d’adolescence, on n’a pas de circonstances atténuantes pour cette faute de goût ultime. Comme elle n’en est pas à une près (de faute de goût), elle porte une robe turquoise surmontée d’un gilet à motif zèbre, turquoise également. Dans la nature, c’est-à-dire à la télé, les zèbres turquoise je n’en ai pas vu beaucoup. Plus loin, un disciple d’Elvis arbore l’attirail du King. Banane et cheveux gominés, blouson de motard en cuir, tenue noire, lunettes noires. Il faudrait peut-être les avertir que la Fashion Week, c’est terminé.

MERCREDI. Président de la République, c’est prononcer des discours qu’on n’a pas écrits et qu’on découvre dans l’avion. En président de la rupture, Nicolas Sarkozy a préféré s’affranchir de ces usages du passé. Il aime les travailler, ses discours, les répéter. Mardi, alors qu’il s’adressait à des agriculteurs, il a visiblement omis de brancher l’un de ses « cinq ou six cerveaux remarquablement irrigués », dixit Carla Bruni.

Grand seigneur, il prévient son auditoire : « Je ne suis pas venu vous tenir un discours que vous avez déjà entendu. » C’est pas beau de mentir. « Le Petit Journal » de Canal Plus a démontré, preuves à l’appui, que le président a repris des passages entiers d’un discours de février dernier. Cette phrase : « Un agriculteur, c’est d’abord, et je ne me lasserai jamais de le dire, un entrepreneur, un entrepreneur qui ne compte pas ses heures. » On a bien compris qu’il ne se lasse pas de le dire. En tout cas dans la famille Sarkozy, ils ont l’air d’aimer faire les choses deux voire trois fois. Les mariages, les années de fac, les discours, les mandats. Peut-être est-il temps de briser la tradition sur ce dernier point.

JEUDI. Je ne m’en remets pas. Pasqua Nostra n’est pas un vrai mafieux. Avec son accent corse rocailleux, son grand âge, il a pourtant la tête du Tonton flingueur. Je l’imaginais à la tête d’un vrai clan, avec des hommes de main qui menacent de te faire dormir avec les poissons si tu ne marches pas droit. Charles P. a été condamné à de la prison ferme pour trafic d’influence dans l’Angolagate. Le pire, c’est qu’il ne veut pas tomber seul. Faut qu’il révise ses classiques, c’est le B.A.-BA du mafieux, de ne jamais balancer les copains.

VENDREDI. Bonne nouvelle, Charles Pasqua va avoir un copain en prison. Jacques Chirac est renvoyé en correctionnelle pour l’affaire des vingt et un emplois fictifs de la mairie de Paris. S’il doit payer une amende, il pourra compter sur Bernadette. Elle a des années d’entraînement à la collecte de fonds grâce à l’opération Pièces Jaunes. Elle serait très forte en mendicité, à la sortie du métro Saint-Michel. Pas même besoin de lapin.

Faïza Zerouala

Faïza Zerouala

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