SAMEDI. Le foot c’est nul. A part pour mater les joueurs souvent physiquement intéressants (David Trézeguet, si tu me lis…), ce n’est pas transcendant. Mais là, deux matchs de la plus haute importance se jouent aujourd’hui. En bon mouton et pour renforcer mon identité nationale, j’ai décidé de les regarder. 180 minutes de foot au bas mot, j’en ai toujours rêvé, ça risque d’être aussi passionnant et intellectuellement riche qu’un discours de Ségolène Royal.

Dans mon quartier, le bar repaire-de-blédards s’est mis aux couleurs de l’Algérie. Un drapeau blanc-vert-rouge se dresse fièrement sur la devanture. A voir l’assemblée les mains sur la tête, hypnotisée par l’écran de télévision, je me doute que les Fennecs (en référence à l’odeur dans les vestiaires après le match ?) sont en mauvaise posture face aux Pharaons. Acte manqué ou pas, j’arrive chez moi alors que la rencontre a déjà commencé. Je dois être maudite, mais la parabole rechigne à fonctionner. Pas de Canal Algérie pour moi. D’après mes sources, les commentaires du journaliste algérien valaient pourtant leur pesant d’olives.

Un ami, objectif et pas du tout chauvin, m’a rapporté qu’en gros, il disait « un Algérien peut tout faire, avec ou sans jambes il peut marquer un but » ou « un Algérien est si fier qu’il ne quittera pas la pelouse avant d’avoir gagné grâce à l’une de ses six jambes supersoniques ». Là est l’erreur, au foot pas besoin de jambes pour gagner. On sait que tant qu’il lui reste une main à un joueur, tout est possible. Mais j’anticipe…

Par souci d’équité, j’ai décidé de ne pas regarder le match de l’équipe de France, disputé le même soir, à Dublin, en Irlande. J’entre dans la résistance au ballon rond, je prends le maquis et délaisse la pelouse. Je décide de lire un livre. Et ce n’est même pas les mémoires de Lilian Thuram.

DIMANCHE. C’est bientôt Noël. Les pubs d’enfants émerveillés, ouvrant des cadeaux somptueux, se mettent à squatter nos écrans de télé. Les grands magasins ont mis en place les célébrissimes vitrines de Noël. Alors que je passe devant les Galeries Lafayette, j’ai un choc. C’est fini, le temps où, à Noël, on créait des vitrines chastes avec des sapins, un feu de cheminée qui crépite au loin, des guirlandes, des boules un peu kitsch, des nounours et des maisons en pain d’épices.

Cette année aux Galeries Lafayette, le thème tient plutôt du Crazy Horse. Des vitrines destinées à Papa, détenteur des cordons de la bourse. Ils n’ont pas lésiné sur le bling-bling avec des cheminées disco roses à paillettes. Des mannequins aux poses lascives et aux tenues minimalistes s’exposent. Le summum reste la pyramide de coupes de champagnes géantes dans lesquelles des lapins innocents, tout de cuirs vêtus, s’ébrouent gaiement. On croirait que c’est Dita Von Teese, la célèbre effeuilleuse, qui a fait la mise en scène. Allez, l’année prochaine, avec un peu de chance c’est Frédéric Beigbeder qui s’en occupera et on verra les nounours sniffer de la cocaïne au pied du sapin.

LUNDI. Je sais cuisiner. J’en conviens, ça ne sert à rien sur un cv de journaliste, ça peut servir sur Meetic à la rigueur. Ne me demandez pas pourquoi, mais j’ai été prise d’une soudaine envie de macarons à la violette. Qui dit macaron dit pouvoir d’achat amputé. Six macarons chez Ladurée, ça équivaut grosso modo au PIB du Botswana. Fauchée comme les blés, je me suis mise aux fourneaux. Non sans avoir glané une recette facile sur Internet. Celle qui l’a mise en ligne crâne un peu et appâte la cuisinière néophyte en montrant des photos alléchantes comme jamais.

Je salivais d’avance de l’orgie de macarons que j’allais me faire. Je mélange tous les ingrédients bien comme il faut. Je sollicite même mes notions d’arts plastiques ; j’ai retenu du collège que rouge + bleu égale violet. Je crée un violet sublime pour colorer la pâte. Eh bien la maman qui tient ce blog culinaire, elle m’a arnaquée comac. C’était bien la peine d’écrire qu’ils étaient si bons les macarons que « Maëva avait mis les derniers de côté pour être sûre qu’ils soient pour elle. » Les miens, à la sortie du four étaient tout plats et surtout durs comme les pierres. A tel point que les Egyptiens auraient pu s’en servir pour caillasser le bus des joueurs algériens.

Prise d’une pulsion suicidaire, j’en ai goûté un. Parfois même moches, les gâteaux sont quand même bons. Toute règle a son exception. Je suis sûre qu’en fait, la maman, elle a exploité ses gamins et qu’ils les ont fabriqués en pâte à modeler, les macarons. Ou qu’elle les a achetés chez Ladurée. En tout cas, ça m’apprendra à m’être embeurgeoisé et à avoir des goûts de luxe.

MARDI. A la rédaction on aime bien les débats joyeux. Sur le trajet du retour, avec quelques uns de mes collègues j’entame une discussion sur la mort. Optimiste devant l’Eternel, je disais que j’aimerais organiser ma fausse mort afin de voir les réactions des gens. Un peu extrême certes, mais je suis sûre que ça serait intéressant comme expérience. Voir les langues se délier. Découvrir si les gens m’encensent ou médisent sur mon compte. Je ne suis pas la seule à avoir eu cette idée. L’ami d’un de mes collègues, criblé de dettes et voulant échapper au remboursement de ses multiples crédits revolving, aurait aussi aimé organiser sa fausse mort. Mais n’a jamais trouvé de médecin pour lui faire un faux certificat de décès.

C’est Toni Musulin le convoyeur de fonds aux 2 millions d’euros qui aurait dû opter pour cette solution. A cette heure-ci, il serait aux Bahamas les doigts en éventail, en train de profiter de son butin.

MERCREDI. Dans la série « il y a comme un air de déjà-vu », le foot. Les deux mêmes matchs que samedi. Cette fois-ci, c’est décidé, je les regarde. Je ne connais pas bien la sélection algérienne, on sait jamais, peut-être y’a-t-il un spécimen intéressant.

L’Algérie gagne et l’allégresse prend place dans mon quartier. Comme nous sommes un peuple expansif, on n’a même pas besoin de regarder le match pour savoir qu’on a marqué et/ou gagné. Alors que le refrain entêtant « One, two, three, viva l’Algérie ! » s’est emparé de ma tête, téméraire, je zappe sur la une. Le match est soporifique au possible. Soudain, sursaut d’intérêt. Thierry Henry s’aide de la main pour diriger le ballon vers son coéquipier William Gallas qui marque. La France est qualifiée. Après l’affaire du coup de boule, l’affaire du coup de main. Ce qui m’étonne c’est que ça ne se soit pas fini par un coup de poing à Raymond Domenech de la part du sélectionneur de l’équipe d’Irlande qui faisait la tête.

Allez, une fessée pour Thierry Henry et c’est réglé. Ah ben non, ça va être prohibé, la fessée. Notons que Thierry Henry suit le chemin de Maradona. Bientôt, lui aussi il prendra de la coke. S’il arrête le foot, il pourra toujours s’occuper des vitrines de Noël des Galeries Lafayette.

JEUDI. Je continue mon voyage dans les méandres de l’adolescence, mon expédition anthropologique plutôt. Ce soir, avec une amie nous décidons d’aller voir le second volet de la saga « Twilight ». Nous ne courrons aucun risque de régression, notre cynisme à toute épreuve nous immunise contre les débordements adolescents.

Pourtant, devant la salle, j’ai l’impression d’être à un concert des NKOTB ou autres Take That de la grande époque des boys bands. Les stratégies s’organisent. Comment avoir la meilleure place pour pouvoir baver devant le bel Edward ? Prises dans l’euphorie ambiante, on se dépêche et on dégote des fauteuils idéalement placés. Nous craignons que les gloussements provoqués par les hormones des jeunes filles en fleur, ne gênent la bonne compréhension de l’intrigue.

Je vous vois venir mauvaises langues, je vous promets, il y a une intrigue, certes cousue de fil blanc, mais intrigue quand même. En gros, c’est l’histoire de Bella, lycéenne lambda qui tombe amoureuse d’Edward, qui est comme par hasard le seul vampire à des kilomètres à la ronde. Leur amour est impossible évidemment. Heureusement, Bella peut toujours compter sur son fidèle ami Jacob, qui a abusé de la gonflette. Et le Jacob en question, il ne pouvait pas être normal non plus. On découvre dans cet opus que c’est un loup-garou. Le film est médiocre, risible à certains moments. Si encore c’était une parodie.

Le spectacle est surtout dans la salle. A notre grand étonnement, celle-ci n’est pas colonisée par les seules adolescentes pré-pubères. De nombreux jeunes hommes ont fait le déplacement. Ils ne semblent pas être venus sous la contrainte. En tendant l’oreille, nous avons découvert que ces petits malins étaient prêts à se farcir deux heures d’eau de rose en perfusion pour pouvoir draguer la gente féminine. Pas mal, la technique, pas nouvelle non plus, mais ces jouvenceaux ne tiennent pas la comparaison face à Edward, qui est si beau, si gentil, si prévenant, si romantique… Non, je vous jure, je ne suis pas tombée dans le piège grossier du plan marketing orchestré autour du héros du film.

VENDREDI. Nicolas Sarkozy entre au Panthéon. Pas le vrai, car il est réservé aux grands hommes. Avec son mètre 68 selon la police, et 1m85 selon les organisateurs, il est disqualifié d’avance. Il entre au panthéon des vedettes croquées par les Simpsons. Lui et sa chère Carla ont attrapé la jaunisse de Springfield. J’ai vraiment l’impression qu’il est partout. A ce rythme-là, on verra bientôt sa tête sur les boîtes de céréales.

Sinon, celui qui va peut-être entrer au vrai Panthéon, c’est Albert Camus. Je suis un peu énervée de voir qu’on partage le même amour pour lui, Nicolas et moi. En même temps c’était couru d’avance, vu les titres des livres. « Caligula », c’est sûr cela doit lui parler à Sarkozy. « Noces » aussi. Mais est-il au courant que c’est Albert Camus qui a écrit « L’étranger » ? Quoi qu’il en soit, l’écrivain a raconté qu’il avait appris la morale des hommes grâce au foot. Heureusement que sa mort à lui, elle est vraie. Vu que la morale et le foot en ce moment, ça fait deux, il n’aurait pas tout à fait eu la même carrière.

Faïza Zerouala

Faïza Zerouala

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