SAMEDI. Les boîtes de nuit, c’est pour les ados et les boulets. A mon âge canonique, c’est plutôt à la maison que ça se passe le samedi soir. Je sais, ça fait un peu pitié. Après un énième dîner mondain, façon « dîner presque parfait » avec ma sœur, nous avons dans la tête les plus grand tubes des années 80. Même si les années 80, je les ai plutôt vécues en couches et biberons. Youtube est à nous, histoire de se rafraichir la mémoire.

Le bilan esthétique est globalement négatif. Disons-le tout de go, les termes « coiffeur », « habilleur » et « mise en scène » sont bannis des clips. Je vous invite à regarder celui de Wham ou des NKOTB pour voir à quoi je fais référence. Mais ce qui nous intéresse plutôt, ce sont les textes. Quand on écoute bien, on se rend compte que les chansons ne veulent rien dire. Alors pour ouvrir le bal, nous avons « Joe le taxi il va pas partout, il marche pas au soda ». Si je ne m’abuse nous avons donc une ado de 13 ans qui fait l’apologie d’un chauffeur de taxi alcoolique. Et la sécurité routière, on s’assoit dessus ?

Les exemples de ce genre sont légion. Le summum du ridicule, ça reste quand même Roch Voisine et son « Hélène » qui s’en va à cent mille lieues. Le chanteur à minettes québécois a cru qu’on vivait dans un conte de Perrault et qu’on comptait encore en lieues ? Tu m’étonnes qu’Hélène prenne la poudre d’escampette, c’est tellement bien d’avoir un amoureux ancré dans son époque… Ma phrase préférée reste néanmoins celle-ci : « Là ou le vent te porte loin de mon cœur qui bat. » Grande nouvelle, son cœur bat. En même temps, si son cœur ne battait pas, ça voudrait dire qu’il serait mort. CQFD.

DIMANCHE. Je vais exploser, j’ai trop mangé lors du dîner d’hier. Les médecins et autres nutritionnistes nous le serinent à longueur de temps, il faut écouter son corps. Mon estomac réclame un répit salutaire. Mais je suis une rebelle, j’ai décidé de faire un contre-Ramadan et d’éprouver ma capacité à manger encore plus. C’est pas de ma faute, c’est la faute de l’émulation fraternelle. Je fais ma Charles Pasqua et j’accuse de manière éhontée ma sœur de m’avoir entraînée dans ce marathon culinaire.

Le concept du week-end, c’est « vis ma vie de Desperate Housewife ». Malgré l’échec cuisant de la confection de macarons, je remonte en selle comme c’est préconisé dans ce cas. Et là, miracle, je bénéficie du vent favorable des dieux de la cuisine. Je m’emballe un peu, toutes les créations culinaires me semblent à ma portée. Le problème, c’est que j’ai vu un chouïa trop large. Les gâteaux à base de crème au beurre, c’est un petit peu écœurant quand on a déjà dévoré l’équivalent de quatre repas.

Bilan de la journée : trois plaquettes de beurre sacrifiées, des cadavres de briques de crème liquide, des coquilles d’œufs gisant dans la poubelle et des tablettes de chocolat entamées. Et le pire, c’est mon incapacité à rentrer dans mon jean, je suis sûre que j’ai pris cinq kilos au bas mot. Si je prenais les transports en commun, on me laisserait une place assise à cause de mon ventre de Bouddha. Mon taux de cholestérol doit être digne de celui d’un sumo dans la fleur de l’âge. Promis, demain je ne mange que de la soupe, des légumes vapeur sans goût et du quinoa comme les écolos-bobos-bios. Ou mieux, je ne mange plus rien.

LUNDI. La polémique, ça s’en va et ça revient comme dirait l’autre. Là, c’est Pierre Bergé qui met un coup de pied dans la fourmilière. Le mécène de la gauche (c’est un métier, ça ?) fustige le Téléthon au motif qu’il engrangerait trop d’argent au mépris des autres causes. Si même dans le monde des Bisounours, pardon, des associations caritatives, ils se tirent dans les pattes, ça veut vraiment dire que la fraternité chère à Ségolène R. est une chimère. En tout cas il n’a pas tort, Pierre Bergé, le Téléthon, moi non plus, j’arrive pas à le regarder. Pas que je sois insensible, c’est juste que voir tout ces enfants malades qui racontent leurs histoires atroces ça fait vraiment trop Cour des Miracles. Et puis voir Sophie Davant galérer pour meubler l’antenne ça fait rire cinq minutes mais après c’est même plus drôle.

Sinon, y a Grégory Lemarchal qui sort un album posthume, même si tous les bénéfices sont reversés à l’association de lutte contre la mucoviscidose qui porte son nom, on ne l’achètera pas. Je n’ai pas tellement envie de mutiler mes tympans et de rejoindre les rangs des estropiés. Une seule question me taraude, va-t-il connaître le destin de Tupac, le rappeur qui sort encore plus de disques depuis qu’il est mort ?

MARDI. Parfois l’esprit humain est définitivement tordu. Sans espoir de rédemption. Alors que j’attends une copine pour le déjeuner, voilà qu’un homme au manteau rouge m’aborde en se présentant comme « vendeuse ». Déjà, là, je me dis ça commence bien : ou j’ai loupé la leçon de biologie sur les différences entre les sexes, ou il a un léger problème de perception de lui-même. Soit. Il me demande si je suis romantique. Ce que je réfute. Depuis que j’ai décrété qu’il fallait faire un procès pour publicité mensongère à Walt Disney à cause de ses idioties de prince charmant, le romantisme et moi, on est fâchés.

Pas désarçonné, il me demande si j’aime les animaux. Il faut dire que je me tiens devant un manège, alors l’opportun imagine que je suis du genre sensible et que j’apprécie les enfants qui y jouent. En fait, la seule réflexion que je me suis faite, c’est que la musique du manège est nulle et que les gamins m’insupportent à hurler tout le temps.

Je réponds donc par la négative à sa question sur mon amour des animaux. Un peu décontenancé, il sort son arme magique. Il me propose d’acheter le Kâma-Sûtra des animaux et me montre ce que c’est. Je vous passe les détails, mais nous avons en pleine page deux chevaux en pleine action avec des textes « humoristiques ». Il m’a bien regardée, franchement ? J’ai une tête à acheter ce genre de « littérature ».

Le monsieur a quand même essayé de me refourguer de la pornographie zoophile. C’est légal, ça ? Parce que faut quand même avoir une conception particulière de ce qui est drôle. Et même si c’est pour une œuvre caritative, je m’en fiche, je ne cautionne pas cette insulte au bon goût.

MERCREDI. Je suis déçue. D’habitude TF1 répond toujours à mes attentes. J’ai honte mais je retire un plaisir coupable en regardant « Confessions intimes », véritable caviar télégénique qui met en scène des gens équilibrés. Sérieusement, où pourrait-on entendre des phrases comme celle-ci ? Je cite : « Pourquoi que j’achèterais un lave-vaisselle alors que j’en ai un très bien qui s’appelle Jacqueline et qui range la vaisselle ? » dit un époux amoureux et attentionné à propos de sa femme. On voit à quel point la première chaîne choie son public et son temps de cerveau disponible.

Hier soir, premier numéro de « Harry dans la cité ». Le concept c’est Harry Roselmack, qui loue un appartement au cœur d’une cité de Villiers-le-Bel et qui interroge les gens sur le quotidien. On pourrait gloser sur le fait que la délocalisation du journaliste donne l’impression qu’il se rend à l’étranger, en zone de guerre.

Je m’attendais au minimum à une course-poursuite, la découverte d’un trafic de drogue ou d’armes, à des habitants qui se plaindraient des jeunes (oui, les coupables sont toujours les jeunes, même s’ils ont 45 ans), des dégradations et autres menaces à l’œuvre dans la cité. Rien de tout ça. Harry s’adapte et lance un « Salam Aleikoum » à un vieux monsieur maghrébin dans la cage d’escalier. J’aurais quand même préféré que ce soit Jean-Pierre Pernaut qui s’y colle.

Ça aurait pu donner une image de Jean-Pierre avec des dealers : « L’artisanat français n’a pas de limites, nous voici dans la plus vieille fabrique de résine de cannabis dans le respect des règles ancestrales. Un savoir-faire transmis de grand frère à petit frère et qui obéit à des normes très strictes. On coupe la résine avec divers produits, certifiés naturels… » Moi je dis que l’idée est à creuser.

JEUDI. Pour se détendre après une journée improductive, rien ne vaut un petit débat Martine Aubry- Jean-François Copé sur le plateau de Madame Chabot. Comme on pouvait le pressentir, ça a été aussi stérile que ma journée. Le prétexte de l’invitation, c’était les un an de son élection à l’africaine au poste de premier secrétaire du PS. La seule chose à retenir, c’est que pour elle, la présidentielle de 2012, pour l’instant, est un sujet tabou : « Moi, ça me rase, cette question, et je vous le dirai tous les jours, ça me rase. »

Toute la classe politique file la métaphore du rasage depuis que Nicolas S. a lancé le mouvement. Si ça continue, les politiques vont être recrutés par une marque de rasoir pour en faire la publicité. En plus, ça tombe bien, Gillette va peut-être bientôt recruter. Une fois qu’ils se seront débarrassés de Thierry Henry. Le célèbre volleyeur ou handballeur, c’est selon, a été victime de méthodes soviétiques. Sur une affiche publicitaire, le joueur a subi une intervention de Photoshop, qui a fait disparaître l’une de ses mains qui tenait un ballon.

Comme en Arabie Saoudite, on coupe la main aux voleurs. Pour une marque dont le slogan vante « la perfection au masculin », c’est un peu étrange que la perfection passe dorénavant par une main en moins. Si l’on s’en tient à ce critère, Jamel Debbouze est donc l’homme parfait. Faudrait pas le pousser à bout, Thierry Henry, encore un peu, et il se coupe les mains pour de vrai et on le retrouve au Téléthon.

VENDREDI. Aujourd’hui c’est l’Aïd. Comme nous sommes civilisés, nous n’égorgerons pas de mouton dans la baignoire et ce, juste pour contredire Nicolas Sarkozy. Comme le veut la tradition, un repas se doit d’être organisé pour réunir la famille. Ça marche quand on a une famille équilibrée. La mienne a plutôt loupé le casting de la famille Ingalls. Autant dire qu’une réunion familiale est synonyme de règlement de comptes. Encore heureux qu’on ne boive pas d’alcool. Depuis le mariage de ma sœur, je fais une overdose de famille.

Mauvaise nouvelle quand même, je m’apprête à être reniée par celle-ci. Eh oui, j’ai l’outrecuidance de sécher le dîner familial de ce soir. Et le pire c’est que ce n’est même pas prémédité. Si on croyait à la psychologie, on pourrait dire que c’est un acte manqué. Depuis des semaines, j’ai prévu de faire un reportage pour le Bondy Blog sur une soirée dans un club. J’espère que le sujet sera réussi. Le retour, lui, risque d’être plus délicat. J’ai eu beau expliquer à ma mère que je ne l’avais pas fait exprès, que c’était pour le travail, que c’était important et que de toute façon je n’allais même pas m’amuser, j’ai fait chou blanc.

J’ai même sorti l’artillerie lourde avec le paragraphe empreint de lyrisme de « Tu sais, quand tu es journaliste, c’est une passion, tu l’es tout le temps »… Finalement, je ne culpabilise pas tellement. Je concède que ce reportage est tombé à point nommé, parce qu’à la longue, les réunions familiales, ça me rase vraiment !

Faïza Zerouala

Faïza Zerouala

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