Quatrième de l’épreuve individuelle d’épée féminine aux Jeux olympiques de Rio cet été, l’épéiste Lauren Rembi, formée à l’AS Bondy, représente l’espoir de la discipline suivant les pas de Laura Flessel, unique championne olympique française à Atlanta, en 1996. Portrait.

Les Jeux olympiques de Rio étaient une grande première pour Lauren Rembi. L’athlète de 24 ans échoua au pied du podium à l’épreuve d’épée individuelle. La compétition s’est achevée il y a déjà plus d’un mois mais l’épéiste formée à l’AS Bondy n’a pas encore eu le temps d’analyser ses résultats. Ce d’autant plus qu’une fois rentrée, c’est une autre épreuve qui l’attendait : ses examens de droit à l’Université Paris 1 où elle est inscrite en troisième année de Licence en cours à distance. Car pour l’escrimeuse pas de doute, l’un doit prendre le pas sur l’autre et dans son cas, c’est l’escrime qui prime. « Mettre à égalité sport de haut niveau et études, c’est impossible « , juge-t-elle. Malgré ses résultats de Rio, elle dit en garder des souvenirs largement positifs. « En dehors de la compétition, j’ai vraiment adoré. J’ai vu pleins d’autres sports. J’ai fait des rencontres. L’ambiance était vraiment parfaite », raconte-t-elle.

L’image que le grand public a en mémoire est celle de l’insistance du journaliste de France Télévisions à vouloir recueillir sa réaction alors que l’athlète est en larmes après son combat perdu pour la médaille de bronze. Une attitude qui a vivement fait réagir sur les réseaux sociaux. Lauren Rembi continue à recevoir encore aujourd’hui des tweets sur cette mini-polémique mais aimerait « passer à autre chose ». « Ça aurait pu arriver à quelqu’un d’autre, ça m’est arrivé à moi », conclut l’escrimeuse, un brin fataliste.

L’escrime, une histoire de famille

Née en 1992 d’un père d’origine congolaise (RDC, ex-Zaïre) et d’une mère martiniquaise, Lauren Rembi pratique l’escrime depuis l’âge de cinq ans et demi. Inscrite d’abord à l’AS Bondy jusqu’en 2010, elle rejoint alors l’INSEP comme lieu de préparation aux épreuves nationales et internationales au sein de l’équipe de France d’épée féminine. Avant elle dans la famille, c’est sa grande soeur Joséphine Jacques-André-Coquin qui s’initiera à l’escrime, d’abord au fleuret, avant de finalement se tourner vers l’épée. Toutes les deux sont devenues des épéistes confirmées. Joséphine faisait également partie de la délégation française aux Jeux Olympiques de Rio. Auparavant, les deux sportives furent médaillées d’argent par équipe aux Championnats d’Europe d’escrime en juin 2016, mais la cadette compte deux titres de championne de France d’épée (2012,2013), tandis que l’aînée est déjà deux fois médaillée européenne de bronze, l’une par équipes (2011) et l’autre en individuel (2014).

« Dans un milieu normal »

Les idées reçues sur l’escrime, vu souvent comme un sport de riches, qui plus est en banlieue, Lauren Rembi les a souvent entendues. L’athlète s’en défend, indiquant qu’elle et ses proches « ne sont pas riches du tout » et que les clubs, puis la fédération, s’organisent pour prêter les armes auprès des licenciés d’escrime. Elle affirme avoir vécu une enfance et une jeunesse « dans un milieu normal ». Lorsqu’on évoque avec elle ses origines, ses parents, le cadre familial, Lauren Rembi a bien du mal à fendre l’armure. La famille vivait d’abord à Livry-Gargan, avant de déménager vers Drancy puis finalement s’installer, durant l’adolescence de Lauren Rembi, du côté de Marly-la-Ville (Val-d’Oise). Ce qui accroissait la distance avec la salle d’armes de Bondy où la jeune escrimeuse s’entrainait, tout comme Joséphine Jacques-André-Coquin, sa sœur aînée.

L’effet Jeux Olympiques 

À la salle d’armes de Bondy, située sur l’avenue Gabriel Péri derrière la piscine Michel Beaufort, l’heure est à l’optimisme lors de l’entraînement des adultes du vendredi soir. Des jeunes Bondynois étaient encore présents aux alentours de 21h, alors que les adultes avaient déjà commencé leur échauffement depuis près d’une demi-heure. Mélanie Verrier, coéquipière de Lauren et Joséphine, présidente de la section escrime de l’AS Bondy, se dit fière de « l’excellent parcours » de Lauren. « C’est une joie et une déception », tempère Pascal Ignace, son maître d’arme. « Elle a un potentiel énorme », rajoute-t-il plein de fierté pour celle qu’il forme depuis l’âge de six ans. Les exploits et le parcours de Lauren et d’autres escrimeurs, médaillés olympiques ou non, ont donné envie à des enfants et des adolescents à pousser les portes des salles d’armes. À Bondy, « l’effet JO » est palpable. « La salle est plus remplie que d’habitude », jugent Mélanie Verrier et Pascal Ignace. Une plus grande affluence qui se remarque jusqu’au niveau national. Rudy Naejus, entraîneur de l’équipe de France féminine d’épée, pense que le parcours des médaillés olympiques peut créer des vocations chez ces jeunes. « Surtout dans un contexte de violences, de conditions de vie dures, où le besoin de repères se fait sentir », estime-t-il.

Lauren Rembi, à 50% de ses capacités ?

Paris, France. 19 septembre 2016. Portrait de Lauren Rembi pour le Bondy Blog

Paris, France. 19 septembre 2016. Portrait de Lauren Rembi pour le Bondy Blog

La performance de Lauren Rembi au Jeux a d’autant plus fait plaisir, pour ceux qui la connaissent, que l’épéiste a connu une série de blessures ces deux dernières années. Rudy Naejus compte perfectionner l’entraînement de sa protégée, l’individualiser par rapport à ses coéquipières de l’équipe de France d’épée en raison d’une « fragilité physique » admise par tous. L’escrimeuse estime avoir progressé, malgré ses soucis de santé, en ayant « moins de déchets » dans son jeu. Comprenez : elle touche davantage ses adversaires sans se faire toucher. L’entraîneur national de l’équipe féminine ne tarit pas d’éloges sur Lauren Rembi. Il souligne son profil longiligne, lui permettant d’être « explosive, féline, imprévisible » face à ses adversaires. Selon lui, Lauren Rembi dispose d’une « marge de progression presque infinie ». « Son style est parfaitement fait pour l’épée », en raison d’une « coordination exceptionnelle » sur la rapidité de mouvement de son bras droit et des jambes, explique Pascal Ignace, son maître d’armes. Le maître d’armes de Bondy estime, par ailleurs, que l’athlète n’est « qu’à 50% » de ses capacités ». « Ce n’est pas très gentil pour les autres », s’agace Lauren Rembi rappelant qu’elle a pu terminer quatrième à l’épreuve olympique.

« L’avenir de l’escrime est menacé »

Une ombre se dresse toutefois au tableau : l’organisation des épreuves d’escrime au Jeux olympiques. Le Comité international olympique (CIO) organise une rotation des épreuves par équipe pour les Jeux. L’athlète Astrid Guyart en a fait l’amère expérience à Rio. Le fleuret, son arme, n’était pas à l’affiche des concours par équipes au niveau féminin lors de cette olympiade. Même chose pour le sabre masculin. Une situation que connaîtra Lauren Rembi aux prochains Jeux Olympiques d’été à Tokyo en 2020 où l’épée par équipe dames à Tokyo sera absente du programme.« Je ne trouve pas normal qu’on ait des épreuves qui soient retirées. Je pense que tous les escrimeurs et même tous les sportifs, en-dehors des escrimeurs, sont d’accord avec nous sur ça », peste la sportive. « Une rotation absurde » renchérit l’entraîneur national qui estime toutefois qu’il faut s’en accommoder, « au nom de la survie de l’escrime en tant que sport olympique »., peste la sportive. « Une rotation absurde » renchérit l’entraîneur national qui estime toutefois qu’il faut s’en accommoder, « au nom de la survie de l’escrime en tant que sport olympique ».

Pour Pascal Ignace, le constat est encore plus pessimiste. « L’avenir de l’escrime est menacé », affirme-t-il. Deux raisons principales selon lui : une sous-médiatisation flagrante et une étendue internationale encore trop timide. Ce qui peut sauver l’escrime ? Son essor aux États-Unis ou en Chine, estime-t-il. « Ces deux nations commencent à glaner des breloques y compris aux Jeux ». Des « breloques », Lauren Rembi espère bien en décrocher aux prochains Jeux Olympiques, et pourquoi pas une en or. C’est tout ce qu’on lui souhaite.

Jonathan BAUDOIN

Crédits photo : Julien AUTIER

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