Il est 18 heures. La sonnerie du vendredi sonne enfin, cette journée aura été interminable. Je n’ai qu’une hâte : être chez moi au chaud et je rêve de mon pyjama. Après l’avoir attendu dix minutes, mon super héros de la journée arrive. Ce n’est pas Aladin qui me propose son tapis magique pour me déposer à la maison. Non c’est juste le 143, mon bus.

Je monte dedans, il est blindé. Je valide mon titre de transport et telle une petite souris, je me trouve une petite place compressée entre une poussette et l’aisselle d’un monsieur. Comme quoi ça peut être pratique d’avoir le nez bouché dans certaines situations !

Le bus démarre. Les arrêts ont beau se succéder, le 143 ne désemplit pas. C’est même de pire en pire. Je suis à cinq minutes de chez moi, de mon lit. On arrive au niveau de la cité de L’Abrevoir, à Bobigny. Le bus commence à ralentir. De ma place j’aperçois une voiture de police, puis deux, puis trois, une voiture banalisée avec un gyrophare. Il y a au total une dizaine de véhicules garés en double file. C’est alors que le bus s’arrête subitement, il ne peut plus avancer. Il frôle un camion de CRS. Dehors le spectacle fait peur, les policiers sont partout. Mon bus restera une dizaine de minutes sur place.

Au bout de quelques minutes, je décolle ma tête de la fenêtre pour me tourner vers les autres passagers. J’enlève alors mon casque de mes oreilles pour mieux comprendre la situation. Tout le monde s’agite. C’est là que je me rends compte de la puissance de ce parfait bijoux technologique. Jusqu’ici je n’avais que la version imagée de ce qui se passait. Une fois mon casque retiré, j’ai droit à la version sonore. Et en effet, les gens commencent à vraiment paniquer.

La maman de la petite fille qui s’amuse avec un bout de mon manteau depuis le début du trajet, demande à son autre fille qui doit avoir 5 ans de ne pas regarder par la fenêtre parce qu‘ « elle est trop petite pour voir des trucs pareils

J’entends le conducteur parler de sa cabine à un policier. Il lui dit qu’il faudrait que les camions avancent pour qu’il puisse passer, je n’entends pas la réponse de l’interlocuteur qui est dehors mais ça à l’air d’être compliqué. Au fond du bus, une collégienne est au téléphone : « Maman je vais avoir un peu de retard, il y a un ralentissement, je t’expliquerai mais t’inquiète pas. »

Nous sommes en plein milieu de l’arrestation mais on ne sait pas exactement pourquoi les policiers sont là, même si chacun à sa petite idée. Un cinquantenaire dit tout haut ce que tout le monde suppose tout bas, « c’est leur connerie de drogue ça ! » Les autres approuvent par un mouvement de tête mais tout le monde est trop scotché par le spectacle pour parler.

Dehors les policiers sont armés. On voit alors quatre jeunes sortir d’un bâtiment, escortés par un régiment de policiers. Une vieille dame lance alors, « ah, qu’ils nous débarrassent de cette racaille, ils ont bien raison va ! Mais ils sont tellement nombreux que des interventions comme ça il en faudrait tous les jours ! ». Un jeune homme face à elle lui répond très calmement,  « vous savez moi aussi j’habite dans cette cité mais il n’y a pas que des racailles comme vous dites. »

J’entends alors une voix lointaine dire « imaginez un peu que ça tourne mal, qu’ils tirent ou je ne sais pas quoi, on est quand même au milieu de tout ça… » Le bus redémarre enfin. Comme par hasard, à l’arrêt Chemin du tonneau, situé au cœur de la cité en question, pratiquement personne ne descend. Pour ma part, j’ai quitté ce foutus bus un arrêt plus loin. Pour ceux qui se plaignent de la formule  Métro-Boulot-Dodo, venez faire de temps en temps le trajet avec moi. Vous verrez, il y a toujours de l’animation.

Sarah Ichou

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