Le rallye Dakar, c’est 15 jours de course effrénée, avec des concurrents surmotivés et leurs engins vrombissants, dans un décor de carte postale. Mais le « Dakar » c’est aussi 52 morts, dont 9 enfants, depuis sa création en 1979 et 1 500 000 litres de carburant brûlés chaque année. Il faut bien ça pour assouvir la soif d’aventure d’une poignée d’Occidentaux. Trente ans que le rallye existe, trente ans qu’il apporte chaque année son lot de ravages. 

En 1982, un enfant Malien est fauché par un concurrent. En 1985 un autre est tué au Nigéria. En 1988 deux enfants et une femme perdent la vie. En 1994, un gamin est fauché par un motard. Idem en 1996. La liste est longue. Ne la cherchez pas sur le site du Dakar, il ne donne que les noms des participants décédés, pas ceux des victimes parmi les populations locales. Aux dégâts humains s’ajoutent les ravages écologiques. Animaux percutés, nappes phréatiques polluées, écosystème perturbé et dégradation de lits d’oued. Un lourd tribut que paie l’Afrique pour quelques jours de divertissement aux relents néocoloniaux.

Bertrand Dubanchet, ancien team manager du rallye, raconte son expérience dans une lettre ouverte parue en 2006. « En 1985, alors que j’étais jeune et con, j’ai moi-même participé au Paris-Dakar. Lorsque j’ai pris part à cette épreuve, toute la nourriture, toute la boisson et une partie des carburants étaient importés de France. Le bivouac était organisé de manière à ce que les populations locales n’en tirent aucun profit, si ce n’est celui de ramasser les barquettes alu vides et les canettes abandonnées. L’organisation n’a jamais accepté de ramasser les épaves de voitures et motos accidentées, arguant même que cela pouvait servir aux populations autochtones, spécialistes de la récupération… L’Afrique doit être une poubelle ! »

C’est pour lutter contre cette humiliation faite au continent africain que le CAVAD (Collectif actions pour les victimes anonymes du Dakar) a été créé. Ce collectif réclame la cessation du rallye Dakar et l’indemnisation des préjudices causés aux victimes. Claire Aymes, porte-parole du CAVAD, lève le voile sur l’hypocrisie qui règne autour de la course: « Amaury Sport Organisation (ASO) et son rallye Dakar ont perverti le projet de Balavoine pour en faire une pompe non pas à eau mais à fric, dit-elle. Au nom de l’argent, tout est permis, surtout le pire. ASO et le rallye possèdent toutes sortes de médias. Ils ont à leur service 500 journalistes, représentant 300 médias. » Le groupe Amaury est en effet détenteur, entre autres, de L’Equipe et du Parisien. Peu de chance qu’une victime du rallye fasse la une d’un de ces grands quotidiens.

France télévisions et Radio France bénéficient quant à eux des droits de diffusion. Claire Aymes précise qu’avec « la redevance audiovisuelle, le contribuable français est obligé de financer une partie de ce safari humain par le biais des droits de retransmissions rétribués par France Télévisions et Radio France ». Et qui est partenaire officiel ? Total, bien sûr. Facile pour le groupe pétrolier de prêter son terrain de jeu pour quelques jours. Il affiche pourtant des ambitions plus nobles. « Bien au-delà du ravitaillement en carburants, TOTAL apporte son soutien à une aventure humaine et sportive faite de découvertes, de rencontres et de situations  inoubliables », peut-on lire sur son site Internet. La mort en 2006 de Boubacar Diallo, 10 ans, tué par un concurrent qui participe de nouveau à l’édition de 2008, et celle de Mohamed Ndaw, 12 ans, tué par un camion d’assistance au rallye, sont en effet inoubliables.

Les voix qui s’élèvent pour dénoncer le rallye Dakar trouvent bien peu d’écho. Le député UMP du Gard Jean-Marc Roubaud demande depuis plus d’un an l’ouverture d’une enquête parlementaire afin de déterminer les causes des accidents en série survenus au cours de l’épreuve. Sans suite. Et Sylvie Andrieux, député PS des Bouches-du-Rhône, n’a toujours pas reçu de réponse à sa question écrite au gouvernement sur le maintien et la pertinence de la course. En 1991, Renaud chantait déjà « 500 connards sur la ligne de départ ». En 2008, ils sont 570 à prendre part à la course.

Hélène Decommer (BondyMarseille)

Hélène Decommer

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