A 42 ans, Jean-Marc Mormeck a décidé de raccrocher les gants. Vendredi soir, son combat contre le Polonais Mateusz Masternak, de 15 ans son cadet, s’est soldé par une défaite aux points. Mais J2M n’a pas dit son dernier mot et entend maintenant rajeunir la fédération française de boxe.

« Entre deux rounds pour une fois j’ai envie de vous dire merci. Baisser la garde une seconde avant de poursuivre mon récit. Prendre du recul un instant pour tout ce qui s’est passé hier. Je me bats seul sur le ring, mais on est toute une équipe dans le vestiaire ».

Tels étaient les mots de Jean Marc Mormeck, par l’intermédiaire de Grand Corps Malade, quelques instants avant le début de son ultime défi, vendredi soir, à Issy-les-Moulineaux (92), contre Mateusz Masternak. Des remerciements qui ont eu valeur de révérence. L’ex-champion du monde, battu aux points, a dispensé plusieurs leçons.

De boxe tout d’abord, dans un combat Herculéen. Le boxeur Polonais, ex-champion d’Europe des lourds légers, 15 ans de moins et 6 centimètres de plus qu’un Jean Marc Mormeck affûté, remporte les deux premiers rounds, touchant régulièrement avec son arme principale, un bras arrière dangereux tant en direct qu’en uppercut. Mais le Marksman résiste, garde bien haute comme à son habitude, les mains collées au visage, mobile du buste, et laisse passer l’orage. On le connait, Jean Marc, il ne démarre jamais tout de suite. La réplique ne se fait pas attendre, dès la troisième reprise, il parvient à rentrer à l’intérieur, et toucher régulièrement son cadet. Celui-ci déchante, et encaisse plusieurs crochets puissants.

Trois rounds durant, l’affrontement est d’une rare violence et les deux pugilistes touchent. Le rêve d’enfant de J2M, c’était d’être Marvin Hagler. Pas devenir boxeur, être Marvin Hagler. Le nombre et l’intensité ne peuvent que rappeler les trois rounds considérés comme les plus violents de l’histoire, entre ce dernier et Thomas Hearns en 1985. Parce que ce soir, c’est bien à cela qu’on a assisté, un moment de historique, pour la boxe Anglaise en France. La fin du combat fut tout aussi passionnante.

Les rounds 5 à 8, disputés, laissent un gout amer, quant le Polonais, sonné sur un violent crochet droit de Mormeck, semblait laisser entrevoir une ouverture. Cependant, en fin de combat la jeunesse d’un champion en devenir fit la différence devant un public tout à fait acquis à la cause du Guadeloupéen. Les deux derniers rounds sont à sens unique, et mettent à l’épreuve le courage sans faille d’un immense guerrier du ring, qui refuse catégoriquement de mettre un genou à terre. Ni la droite dévastatrice de l’excellent combattant Polonais, ni sa volonté de terminer avant la limite n’auront raison de la fierté de Bobigny. Le gong retentit 6 secondes précisément avant la fin du combat, pour mettre fin au dernier round éprouvant de l’exceptionnelle carrière de Jean Marc Mormeck. Décision est rendue, Masternak l’emporte.

De sport, ensuite, quand le public siffle le très bon boxeur Polonais célébrant sa victoire. Le champion du monde incontesté des lourds légers de 2002 à 2006 n’hésite pas à prendre le micro et sermonner ses supporters, leur demandant un hommage à « un champion en devenir », qui « l’a battu honnêtement ». Si l’on a peut être assisté ce soir à l’envol d’un champion, il fut d’autant plus sublime que corrélatif au crépuscule d’un autre. Chapeau bas, nobles artistes.

« La boxe est une histoire de respect. Se faire respecter, au dépends de l’autre » déclare Morgan Freeman dans l’excellent film de Clint Eastwood, Million dollar Baby. Force est de constater qu’ici, le respect a été acquis malgré la consécration de Masternak, en témoigne la sincère accolade d’après match.

De politique, enfin, quand J2M trouve encore la force, après cette guerre entre « quatre boules de cuir » pour citer Claude Nougaro, de prendre position contre une fédération vieillissante et postuler officiellement à la direction de celle-ci. « C’est une maison de retraite et il faut changer tout ça. Il y a des jeunes, il faut qu’on les booste. Il y a un vrai travail à faire. Pourquoi ne pas postuler à la présidence ? On ne va pas me choisir, mais je vais me battre, comme je l’ai toujours fait ». On sait depuis son combat de rentrée et sa victoire par arrêt de l’arbitre au quatrième round contre Tamas Lodi qu’il veut médiatiser et relancer la boxe en France. Il n’aura pas attendu longtemps pour sa reconversion, Jean Marc, ses intentions sont affichées. Son style, comme toujours est franc et direct, peu évasif, on sait ou il va. Gare aux crochets, c’est un destructeur…

A l’heure de conclure, Mormeck n’aura rien laissé au hasard, avec ce bel hommage à la banlieue, à travers la voix de Grand corps Malade.

« Je sais que le plus souvent c’est à moi d’être fort. Je l’ai compris très tôt dans un coin d’la banlieue nord. Sur ce terrain plein de caractère qui accueille toute les couleurs. J’ai traversé les saisons, les sourires et les douleurs. Il a fallu serrer les poings, viser très haut et même au delà, C’que je suis aujourd’hui, c’est aussi parce que je viens de là ».

Mathieu Blard

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