C’est rien, un pain au chocolat. On en voit chaque jour, planqués derrières les vitrines, doux à croquer dans les boulangeries. Chauds ou tièdes, juste le temps de les avaler. Un pain au chocolat, ça ne voulait rien dire, juste un peu de gourmandise, jusqu’à ce que Jean François Copé embrase les fourneaux.

Se dorer la déclaration, encore une fois, juste pour le plaisir : «Il est des quartiers où je peux comprendre l’exaspération de certains de nos compatriotes, pères ou mères de famille rentrant du travail le soir et apprenant que.. ». Vous connaissez la suite. La suite, c’est le départage qui s’est étalé partout. La suite, c’est les mots de trop qui ont heurté la communauté musulmane, et pas que. « Le collectif contre l’islamophobie » a voulu répondre « avec humour » à cette « provocation », ce matin.

Les passants courent. Ils sont pressés d’aller travailler. Ou peut être sont-ils pressés de déjà terminer leurs journées. Peut être pressés de recommencer demain, la même chose, même trajectoire, même heure. Ils sortent de la gare et s’enfoncent dans le métro, tels des zombies. Quelques dames, « avec un voile, on peut dire qu’on est des musulmanes d’apparence » rient-elles, distribuent des « pains au chocolat tout chaud, madame, monsieur ».

Les passants filent, ne prennent pas vraiment le temps. « C’est difficile, ils nous esquivent, ils sont pressés et ils n’ont pas l’habitude qu’on leur offre un pain au chocolat » témoigne une bénévole. Un homme reprend : « Ils pensent peut être qu’il a un piège, qu’on va leur demander une pièce ». Et pourtant, les pains au chocolat sont offerts. Le chocolat, dans la pâte feuilletée, est craquant. « On est au régime », tente de se justifier deux jeunes filles. Avant de filer, elles diront : « Merci pour votre action ».

Certains prennent le temps. Ils s’arrêtent. Le temps de parler un peu. Le temps de manger un pain au chocolat, comme fumer une cigarette. « Tout à l’heure, un homme s’est plaint qu’on offrait pas du champagne » raconte une autre bénévole. Et une passante, intriguée, s’immobilise : « J’allais au travail, et j’ai vu ça ». Ça, c’est « cette action sincère et solidaire ». Elle estime que « les médias sont un peu la cause de tous les problèmes ». Marwan, porte parole du CCIF, tempère : « On remarque que certaines grandes rédactions changent et se demandent si l’islamophobie ne serait pas un poids électoral ».

Le même Marwan, tout près de la bouche du métro, sourit : « On a distribué plus de 400 pains au chocolat, on a discuté, sensibilisé ». Avant d’annoncer : « On lutte contre les actes islamophobes, on a déjà gagné plusieurs procès et, dès novembre, on lance une campagne de pub nationale« . Les pains au chocolat s’envolent vers d’autres cieux, croqués par des estomacs affamés. Peu importe le message, un homme stagne : « J’ai vu qu’il donnait des trucs à manger, alors je suis là ».

Il est bientôt 10h, il n’y a bientôt plus rien dans les cartons. Tout est parti. Un homme aux allures de Père Noel s’avance : « Vous savez, maintenant, en France, on essaye de parcelliser un maximum, de mettre chacun dans des cases ». C’est donc le souci. « Quand je vois la télé, je me reconnais pas en tant que musulmane. Ils font peur aux gens » témoigne une dame. Avant qu’une autre enchaine : « On ne montre qu’une minorité de la communauté, on montre jamais la majorité des musulmans. Celle qui travaille, étudie… ». A un moment, un homme s’est avancé et a crié « Halte à l’islamisation, vive le front national ». Mais c’est tellement rien par rapport au reste.

Mehdi Meklat et Badroudine Said Abdallah.

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