On les avaient croisés à Libération le jour où le Bondy blog avait passé « Libe au Kärcher » (le 26 octobre 2015). Discrets ces jeunes phocéens dans la « salle du hublot », mais toujours un œil derrière leur appareil photo : Amiel, Alfa, Fayad, Nani, Oussam, Rayan, Ryad et Slam montaient, en ce week-end d’automne, à la capitale faire découvrir aux Parisiens Les 4 saisons de La Castellane. A l’origine, au centre social du quartier, quelques mois auparavant, ils avaient rencontré Teddy Seguin, un jeune photographe qui travaille sur une œuvre artistique autour de l’insularité. « La Castellane, vue d’avion, ressemble à une petite forteresse. Elle n’est pas entourée d’eau mais le quartier est séparé géographiquement du reste de la ville. J’y vois une vraie insularité. La Castellane n’est pas un territoire facile, elle est sous tension permanente mais c’est aussi un lieu de vie beaucoup plus riche et divers qu’on pourrait entendre avec ses commerces, sa place de village…».
D’un côté un photographe indépendant en quête de rencontres dans un monde, La Castellane, qu’il ne connait pas, et de l’autre des ados en quête de reconnaissance et d’une aventure stimulante. Bénéficiaire d’une rénovation ANRU, leur cité est vouée à changer de visage. Le projet Les 4 saisons de La Castellane permet alors à ces collégiens et lycéens de la photographier avant le chantier qui va la transformer à tout jamais et de poser un regard sur le «village » de leur enfance comme ils ne l’avaient jamais fait.
Le projet qui s’est déroulé sur un an a aussi donné aux jeunes garçons l’opportunité de s’approprier le médium photo grâce au prêt de matériel, et du suivi de Teddy. Tous les mercredis et pendants les vacances scolaires, les garçons ont reçu une formation technique (cadrage, lumière, couleur). Très à l’aise avec l’outil informatique, ils assimilent vite le logiciel de retouche et font toutes les retouches photos eux-mêmes. Nassim Khelladi, le directeur du centre social est enthousiasmé par l’alchimie artistique et sociale produite par Teddy Seguin et ces 8 jeunes photographes. « La Castellane est une cité toujours en mouvement et il y a beaucoup de potentialité. Or le travail de Teddy et du groupe valorise cet aspect du quartier. Il permet aussi de mettre en lumière notre centre social. Car hormis l’atelier photo avec les plus jeunes, d’autres projets impliquant les habitant-e-s foisonnent comme celui avec les artistes plasticiennes Lydie et Wendy ou le journal La baguette magique entièrement rédigé par des femmes de La Castellane. Tous ces actes citoyens favorisent le lien social et le vivre ensemble car tout est lié ».
Ryad, collégien de 12 ans avec ses mots ne dit pas autre chose : « j’ai pu apprendre beaucoup de choses et voir le vrai côté de mon quartier, comment il était vraiment. Et puis grâce au voyage à Paris, j’ai fait la découverte de la Tour Eiffel. Ce qui m’a impressionné aussi, c’est le pont avec tous les cadenas accrochés ! ». En résumé, apprendre, se socialiser et voir du pays !
Sa photo préférée est celle d’un couché de soleil irisant La Castellane. A découvrir comme les autres travaux d’Amiel, Alfa, Fayad, Nani, Oussam, Rayan, et Slam dans un livre qui devrait sortir fin 2016. Les clichés des jeunes se montreront aussi en juin prochain au complexe sportif de La Castellane mais ne demandent qu’à s’exposer hors du quartier, au MUCEM pourquoi pas, au centre ville de Marseille et partout en France.
[tribulant_slideshow gallery_id= »9″ showinfo= »false »]
Sandrine Dionys

Les 4 saisons de La Castellane
Articles liés
-
Jeux Olympiques, Grand Paris : sur les chantiers, « les profits avant les vies »
Précarité du travail, négligence de la formation, recours massif à une main d’œuvre sous-traitante ou intérimaire… Sur les chantiers du Grand Paris et des Jeux Olympiques, l’organisation du travail met en danger les ouvriers. À l’approche des JO, les cadences s’accélèrent et avec elles les risques encourus par les travailleurs. Matthieu Lépine, auteur de L’hécatombe invisible, revient pour le Bondy Blog sur les conditions de travail sur ces chantiers.
-
Langue(s) et origine(s) : « Le Lingala et moi »
Pourquoi en France un certain nombre de parents n'ont pas ou peu transmis leur langue maternelle à leurs enfants ? Pour tenter de répondre à cette question, nos blogueuses et nos blogueurs explorent leur histoire familiale. Hadrien nous parle, ici, de son rapport au Lingala.
-
À Saint-Denis, le lycée Paul Éluard prend l’eau
Fuites d’eau, plafond qui s’écroule… Au lycée Paul Éluard à Saint-Denis, les enseignants se mobilisent pour alerter sur le délabrement de leur établissement. Lundi 22 mai, une réunion s’est tenue entre la direction de l’établissement et des membres du conseil régional. Reportage.