Au village sans prétention, j’ai mauvaise réputation

Les Français et le foot, c’est une grande histoire d’amour. Enfin, ça l’était… Depuis 2010, l’impopularité des Bleus s’accroît inexorablement. L’élément déclencheur ? Le refus des joueurs de descendre d’un bus en pleine Coupe du monde. En gros, des enfants pourris gâtés qui tapent du pied lorsqu’ils n’ont pas ce qu’ils veulent… Du jamais vu jusque-là, d’où l’indignation nationale qui s’en est suivi. Les Français n’avaient plus confiance en leur équipe, et n’ont toujours pas redonné leur confiance. Un peu plus tard, les Français ont d’ailleurs remarqué que le fier et vaillant coq de l’équipe de 1998 n’était plus le même.

A la place, nous avions un coq à la recherche de sa poule : c’est le début de l’affaire Zahia. Des joueurs de foot avec une prostituée mineure ? La blague ! Alors certes, certains diront que ces joueurs ne sont que des hommes, et qu’ils ont le droit de faire ce qu’ils veulent en dehors du terrain. Mais l’image renvoyée après cette affaire par ces joueurs, censés être irréprochables afin d’être érigés en tant que modèles pour les jeunes, n’a fait qu’ajouter encore plus d’huile sur un feu déjà bien trop nourri. Plus personne n’avait foi en ces pseudo « joueurs », avec leur si grande « maîtrise » de la langue française, leurs grosses voitures et leurs manières si « distinguées ».

L’époque de 1998 était bel et bien révolue. Histoire d’en rajouter une couche (ou plusieurs même…), nous avons aussi eu droit aux frasques de Nasri avec les journalistes, aux fautes de language répétées de Ribéry, et aux matchs sans but pour Benzema. Mais tout cela commençait peu à peu à se faire oublier. Deux victoires d’affilée pour l’équipe de France et Benzema qui retrouve le chemin des filets : cela faisait un certain temps que les supporters n’avaient pas été aussi heureux !

Et puis, sans grande surprise, nouveau coup de théâtre : Evra se décide à donner une interview aux journalistes. Fidèle à lui-même, il s’en prend directement aux personnes qu’il méprise, mais avec tellement de maladresse et de méchanceté, qu’il réussit à indigner une fois de plus les Français, qui pensaient être arrivées au bout du tunnel. Les supporters ne veulent qu’une chose : voir du beau football,et des joueurs qui les représentent comme il le faudrait à l’international. Malheureusement, ils savent pertinemment que ce n’est pas pour tout de suite… Qui sait ? L’année 2014 pourrait nous faire changer d’avis. Affaire à suivre !

Dalal Jaidi

 

« Je t’aime, moi non plus »

C’est la fameuse grève de Knysa en pleine Coupe du monde 2010 qui a finalement montré aux yeux de tous les Français, la face cachée d’un groupe de footballeurs révoltés, gagnant des millions et refusant de s’entrainer pour protester contre le renvoi d’Anelka qui avait insulté son sélectionneur Raymond Domenech. Une vraie mutinerie jusqu’alors jamais vue dans le football professionnel. Les supporters sont dépités, surtout pour ceux qui les ont accompagné jusqu’en Afrique du Sud. A leur retour, même la classe politique s’est exprimée. Tout le monde en a parlé que l’on soit intéressé ou non par le ballon rond. Thierry Henry qui avait fait le buzz avant la compétition en aidant à la France à se qualifier avec une main à la Maradona, a été contraint de présenter ses excuses au président de la République. À partir de ce moment-là, les journalistes ne se sont plus arrêtés aux mauvaises prestations techniques, mais ils ont aussi décrypté les comportements de ces « Bad boys » qui refusaient de chanter la Marseillaise.

Et puis voilà qu’un beau jour en allumant la télé, on tombe sur l’affaire Zahia. Le désamour des supporters commence à être sérieux. Surtout quand les organisateurs sont dans l’obligation de casser les prix des billets au stade de France de peur que l’on remarque la baisse du nombre de spectateurs. Dorénavant certains vont au stade dans l’unique but de conspuer l’équipe. 1998 est un lointain souvenir. Ce n’est plus du foot que les gens regardent ou écoutent quand on parle des Bleus, mais plutôt les nouveaux rebondissements d’une télé-réalité plus vraie que nature.

Les choses commencent tout juste à s’apaiser et voilà que ce week-end, Patrice Evra, un des plus anciens de l’équipe décide de régler ces comptes sur Téléfoot en accusant les journalistes d’y être pour beaucoup sur le mal-être existant. Petite erreur de timing, au moment où l’on s’approche des deux matchs de barrage destinés à qualifier l’équipe pour la coupe du monde au Brésil et où les Bleus seraient sensés rassembler les supporters autour d’eux. Supporters qui vibrent de moins en moins pour eux.

Maintenant qu’ils sont près du but, les supporters devraient-ils tout oublier et repartir de zéro alors que la confiance semble être revenue sur le terrain ? Ou au contraire, espérer que l’équipe ne se qualifie pas afin que les joueurs prennent conscience de leur attitude et que le mois de juin soit un mois comme les autres ?

Kévin Vaz

 

Une fabrique à souvenirs

Nous aimons l’équipe de France de football, nous nous rassemblons autour d’elle, quand elle marque les esprits de ses exploits. Les souvenirs qu’elle nous fabrique sont les raisons de notre bienveillance originelle envers elle. Nous détestons cette équipe de ‘racaille’. Oui, des ‘racailles’. L’expression a été déposée à Argenteuil quelques années avant d’être exportée dans notre sport fétiche un dimanche matin de 2010 par voie de bus. Roselyne Bachelot presque en larme citoyenne, les avait qualifiés de « caïds immatures ». Ces incultes qui trainent le survêtement relevé aux genoux, qui voyagent en bagageries de luxe comme pour combler un bagage linguistique. Nous détestons les voir ces cheveux peroxydés, en crête, avec leurs gros casques Mp3 qui les empêchent de saluer le gentil supporter et donc de voir ce brin de réalité, cette masse populaire qui consomme du foot et se déplace encore aux entrainements pour les soutenir.

Nous aimons les voir perdre, nous nous moquons d’eux sur les réseaux sociaux (#SiBenzemaMarque, #RiberyFact). Cette génération nous émet des signes qui sont à des années-lumière de celle de Zidane, Thuram et Blanc. Tant au niveau de l’engagement que dans l’attitude en dehors du foot. Nous les avons vus se ridiculiser en 2010, s’enfoncer en 2012 certains d’entre nous souhaitent qu’ils ne se qualifient pas pour le prochain Mondial. Les médias spécialisés ou pas ont revu à la hausse le niveau d’exigence, il faut qu’ils chantent la Marseillaise ! Pourquoi ne la chantent-ils pas ?

Nous les fustigeons en oubliant que Platini ne la chantait pas non plus… Nous les méprisons parfois lorsque devant notre écran nous attendons des signes, des émotions, des éclairs de génie… Nous sommes outrés des excès de ce sport collectif tellement individualiste. L’Équipe de France de Football est devenue un sujet de société depuis les grandes épopées des années Zidane. Objet de récupération politique qui cristallise les maux de la société française, cette équipe possède une forte valeur symbolique : il n’y a aucune discrimination à l’entrée, la performance est le seul billet. Bien entendu, il y a l’attitude sur et en dehors du terrain qui compte aussi, Eric Cantona et David Ginola n’ont pas pris le wagon Jacquet pour des raisons autres que sportives.

Au bûcher alors non ? Il faut les sanctionner, sifflons-les ces jeunes chèvres millionnaires ! Expions nos frustrations du quotidien sur ces panneaux publicitaires ambulants. Puis, en cas de nouvelle grande équipe, revenons à nos premiers amours comme si rien de grave ne s’était passé. La formation à la française est critiquable et il suffit de comparer notre palmarès avec celui de nos voisins européens pour relativiser sur la grandeur de notre culture foot.

Nous en demandons beaucoup aux footballeurs : bien parler, bien se tenir, ne pas trop afficher leur réussite financière, être sportivement à la hauteur. Des exigences moindres pour des dirigeants du football français qui pour certains étaient déjà aux commandes sous Mitterrand. L’équipe de France subit aussi, depuis l’après Zidane, un renouvellement de génération. Il faut maintenant se farcir les prophéties excessives de certains médias qui voient un nouveau Zizou tous les solstices d’été, à chaque bonne performance d’un Gourcuff, Martin ou autre.

Le football est indéniablement le sport le plus pratiqué en France par nos petits, donc le sport populaire par excellence, l’amour est là, en bas de chez nous. L’amour est dans le gazon en fait. Sont-ils les seuls responsables de ce 82% de désamours, en fait 82 % c’est le même score de désamours que nous avons offert à Jean Marie Le Pen en 2002. L’amour, arrive péniblement parce que la haine rode toujours, pas loin derrière.

L’amour du public s’obtient donc par la surprise, dans la douleur. L’amour, passe par la souffrance, le rejet s’explique par la suffisance de l’esprit. L’équipe de France se cherche une génération et nous connaissons tous les raisons de notre désamour. Disons que nous avons fait un petit break.

Saïd Harbaoui

 

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