Datajournalisme, décryptage des éléments de langage : l’action publique et son expression dans le champ politique sont passés au peigne fin. Le site internet Owni s’en est fait une spécialité. Les assises du journalisme ont dédié aujourd’hui un atelier, animé par Christophe Deloire, directeur du Centre de Formation de Journalisme, à ce champ du journalisme.

Nouveau le fact-checking? Pas vraiment, selon Jean-François Julliard, journaliste au Canard Enchaîné. « Tout ce que l’on fait dans notre métier c’est de la vérification d’information ». Pour Bernard Pellegrin, directeur adjoint de l’information à l’AFP, « la vérification est consubstantielle au métier d’agencer ». Mais pour Cédric Mathiot, journaliste à la rubrique Désintox de Libération, certes la vérification des données est la base même du journalisme mais ce qui est nouveau, c’est le discours politique comme objet de décryptage unique, citant l’exemple du travail des Décodeurs du Monde.fr.

Bill Adair, l’un des fondateurs du fact-checking aux Etats-Unis, a présenté l’expérience de Politifact.com le site internet qu’il a fondé. Au menu : un « véritomètre » avec la photo de l’homme politique, sa déclaration et l’évaluation de ses propos par les journalistes du site. Mais pour Bill Adair comme pour beaucoup d’autres, les politiques ne devraient pas être les seuls à être l’objet d’un décryptage. Les faiseurs d’opinion et autres acteurs de la vie publique, devraient également être soumis au même travail de vérification.

A quand alors un décryptage des propos des journalistes?, s’interroge Jean-François Julliard, qui appelle également à une « correction fraternelle » pour « redresser les affirmations de certains groupes de presse ». Une démarche difficile en France sans être taxé d’attitude anti-corporatiste. « Etre anti-corporatiste c’est aussi une qualité. Le métier, ce n’est pas d’être solidaire. L’esprit critique doit se faire contre le pouvoir mais aussi envers le métier. On s’érige en pouvoir supérieur, on est à la place du prêtre de jadis. Si on doit se fâcher contre les confrères, et bien tant pis », a répondu Jean-François Julliard.

Quant au monde économique, il est un de ceux qui sera à l’avenir, un des champs les plus investis par le fact-checking selon Bernard Pellegrin.  « Les résultats des grands entreprises que nous recevons régulièrement doivent être décryptés car  ils sont souvent donnés à l’avantage des groupes ». Les résultats des entreprises mais pas seulement. «J’ai souvent voulu vérifier des déclarations qu’avait faites quelqu’un comme Steve Jobs, patron d’Apple», a confié Bill Adair.

Mais qui doit s’en occuper? Les journalistes eux-mêmes seulement comme le conçoit Bill Adair ou les journalistes aidés par la communauté du web ? Car les journalistes alloués à ce travail sont très peu nombreux. Deux seulement à Libération, alors que le travail de veille à effectuer est immense, souligne Cédric Mathiot. Jean-François Julliard appelle à recourir à un panel le plus large possible d’experts. Mais qui vérifiera la véracité de ce que racontent les sources ? s’interroge le journaliste du Canard. Le concept de vérification sans fin.

Nassira El Moaddem

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