Une marche blanche a été organisée à la mémoire de Melisa, 8 ans, morte dans un incendie le mercredi 12 février 2014 dans un camp Rom de la rue des Coquetiers, à Bobigny. Près de 500 personnes étaient présentes pour rendre un dernier hommage à cette jeune fille scolarisée à l’école Marie Curie de Bobigny depuis mai 2013.

De nombreuses familles Roms ont fait le déplacement ce dimanche matin pour honorer la mémoire de Melisa. Catherine Peige, maire de Bobigny faisait aussi partie de la marche. Le départ de ce rassemblement a eu lieu devant le bâtiment des archives départementales de la Seine-Saint-Denis. La marche a débuté vers 11h30. Pour le début du cortège, une banderole a été confectionnée sur un tissu blanc, on pouvait y lire : « Nous nous souvenons de toi Melisa ». Mme Decker directrice de l’école Marie Curie depuis 14 ans est bouleversée par cette tragédie. Quinze enfants du camp sont scolarisés à l’école Marie Curie.

IMG_20140216_122645Elle tient la banderole avec d’autres enfants qui connaissaient bien Melisa. Beaucoup de personnes portaient en signe de deuil, un bout de tissu sur le bras. D’autres avaient dans leurs mains une fleur blanche. Melisa était originaire de Bulgarie. Elle avait un frère de 9 ans et une petite sœur de 2 ans. La mère de Melisa dévastée, avait le visage pâle qui donnait l’impression de ne pas savoir où elle se trouvait aujourd’hui. Elle était accompagnée par deux femmes qui lui tenaient les bras afin de la soutenir dans la marche.

Mme Decker directrice de l’école Marie Curie : « Melisa était en classe de CP-CE1 étant donné que c’était sa première année d’école et bien qu’elle avait huit ans. Elle était la moitié du temps dans une classe pour apprendre à parler en français et pour l’autre moitié, elle faisait un travail de CP dans une classe de CP-CE1 ». 

Mercredi matin, Mme Deker a attendu que le conseil des maîtres démarre pour annoncer le décès de la fillette à l’ensemble des maîtres d’écoles. Tout le monde a pleuré à cette annonce. Une cellule psychologique a été mise en place pour que les enfants puissent parler de cet incendie et de la mort de Melisa. « Pour les enfants qui vivaient sur le terrain avec Melisa, ça a été très difficile car ils l’a connaissaient et jouaient avec ensemble » ajoute-t-elle.

Autre témoignage, celui de Nana animatrice depuis 3 ans à l’école Marie Curie. Elle se souvient de Melisa comme d’une petite fille joyeuse qui aimait beaucoup dessiner. Très émue, Nana s’essuie le visage avec un mouchoir avant de s’exprimer. « Nous faisons de notre mieux pour donner à ces enfants Roms tout ce dont ils ont besoin, des vêtements, de l’amour mais nous ne pouvons pas, hélas leur donner un toit. C’était une jeune fille adorable qui faisait de jolis dessins tous les jours. J’ai gardé tous ces dessins chez moi. J’aimais Melisa comme l’ensemble des enfants Roms scolarisés dans notre école. Nous aidons ces enfants à trouver leur place auprès des autres enfants ».

Durant la marche, un homme explique : « qu’il y a 57 ooo demandes de logements priorités uniquement pour le département de la Seine-Saint-Denis ». La directrice s’insurge sur le fait du manque de logement en disant : «  Devant mon école, quatre tours (de la cité de Karl-Marx à Bobigny) sont en cours de destruction. Je reconnais qu’elles n’étaient pas très jolies mais il y a un moment où il faut que l’on s’interroge. On marche sur la tête ! On ne peut pas continuer à faire des rénovations urbaines sans s’interroger sur cette problématique : ne faudrait-il pas construire les logements sociaux qui manquent, avant de s’intéresser à l’esthétique ».

« Le seule moyen d’évacuer les bidonvilles est de reloger les gens, ajoute elle. Si vous expulsez des gens sans relogement et bien les personnes dorment dehors. Après plusieurs jours passés dans le froid, ils récupèrent des clous, des palettes … pour reconstruire des bidonvilles. Il n’y a pas d’évacuations des bidonvilles, il n’y a que des déplacements de bidonvilles. Ceux qui ont été expulsés à Aubervilliers sont en cours de reconstructions à Aulnay-sous-Bois. Tout cet argent a été dépensé en vain. C’est l’argent du contribuable. Pendant ce temps-là, les enfants ne sont plus scolarisés. A cause de cela, nous avons créé une nouvelle génération d’analphabètes. Nous avons mis un siècle pour se débarrasser de l’analphabétisme en France et bien nous sommes en train d’en refaire».

Sur le terrain des Coquetiers, il n’y a ni d’eau ni d’électricité. Le collectif de soutien aux familles roumaines et bulgares demandait depuis des années de l’eau sur ce camp. Mme Decker explique que « Le feu a été causé par une bougie qui est tombée ».

Daniel habitant de Neuilly-sur-Marne (93) donne son sentiment : « J’apporte ma solidarité envers cette famille et les Roms qui sont frappés par ce drame monstrueux. J’ai honte car on dit que la France est un pays des droits de l’Homme alors qu’aujourd’hui on exclut de plus en plus des populations et en même temps, on installe une Europe forteresse et c’est pour lutter contre ce phénomène que je suis venu. Ce drame est insupportable ».

Les marcheurs ont pris le chemin en passant vers la route de l’Hôtel de ville puis, ils entrent dans la cité de Karl Marx pour arriver devant l’école de Marie Curie. La mère de Melisa fait un nouveau malaise en arrivant devant l’école de sa fille.

IMG_20140216_123049Tout le monde rentre dans l’école, la directrice prend la parole. Très vite submergée par l’émotion et n’arrivant presque plus à s’exprimer, Mme Decker lit un poème écrit par un maître d’école. A côté d’elle se trouve le cousin de Melisa. Puis, Mme Decker laisse la parole à Catherine Peige maire de Bobigny qui a annoncé avoir obtenu un rendez-vous ce mardi avec Cécile Duflot, ministre de logement. Dans les prochains jours, Catherine Peige proposera au conseil municipal qu’un espace public porte le nom de Melisa et de Diego (mort en 2009 dans l’incendie d’un hangar alors qu’il avait 7 ans).

Dans la salle, des visages tristes, des hommes et des femmes en larmes ne pouvant pas cacher leurs émotions. Surtout au moment où Mme Decker montre un album contenant des photos et des dessins de Melisa qui ont été répertoriés afin d’être remis à la famille. A la suite de l’incendie, 20 baraquements ont été brûlés. Ces familles dont celle de Melisa ont été relogées dans un hôtel provisoirement.

Aujourd’hui, les parents ne savaient toujours pas si leur fille pourra être enterrée en Bulgarie car ils sont bloqués en raison de problèmes administratifs. Durant la marche, une collecte d’argent a été mise en place pour les personnes qui souhaitent aider la famille de Melisa pour l’enterrement. La mort de Melisa nous rappelle celle de Diego, 7 ans, décédé lui aussi dans incendie en mai 2009.

Hana Ferroudj

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