Dans le même quartier, deux jeudis de suite, les noces ont fait grimper les décibels. C’est la saison. En cette journée ensoleillé, pas l’ombre de l’habituelle affiche dans le hall, disant : « En raison d’un mariage au 6e étage, veuillez nous excuser pour la gêne occasionnée. » C’est aux alentours de 23h30 que j’entends du bruit. De la foule, on dirait. Tout droit sortie de mon immeuble. Ça rigole, ça crie, ça chante. La curiosité m’envahit. Je me lève et que vois-je ?

La silhouette d’une femme plutôt mince, entièrement recouverte d’un tissu blanc, telle une momie, dans les bras d’un homme. Costume noir, cravate, chemise blanche. Un mariage africain. La tradition, c’est que la femme, ainsi vêtue, sans un cheveu qui dépasse, soit emmenée jusqu’à la chambre de son appartement dans les bras de son époux.

Une fois conduite dans la chambre nuptiale, elle pourra profiter de son époux. Et alors, durant près une semaine, elle n’en bougera pas. Pas question, pour elle, de faire le moindre effort. La nourriture lui est apportée chaque jour, le futur mari s’occupe d’elle avec soin. Elle est coiffée, maquillée, ne met le bout de son nez dehors, ne se fatigue surtout pas.

Le but, c’est que le jeudi suivant la noce, elle ressorte en beauté de cette chambre. Tout à son avantage. Elle fête l’union avec ses amies, sœurs, tantes, etc. De fait, ce jeudi-là, dans le hall en fête, la jeune mariée, Aminata, toute belle, souriante, est en compagnie de ses sœurs et amies. L’ambiance est joyeuse. Je rentre chez moi, raconte ce que je viens de voir à une amie. Elle me m’informe qu’une autre jeune femme du même âge qu’Aminata, 21 ans, s’est aussi mariée la semaine précédente. Cette fois, c’était un mariage marocain. Les nouvelles technologies aidant, je suis tombé sur les photos de ce mariage-là en surfant sur Facebook.

On y voyait la mariée, Sonia, toute sourire, visiblement heureuse, henné dessiné sue la main, vêtue de la tenue traditionnelle marocaine. Toutefois, sur une photo où elle apparaît au côté de son époux, une chose me saute aux yeux. J’ai l’impression que l’homme a dix ans de plus qu’elle. Le lendemain, j’aperçois Aminata et son mari, lui aussi parait dix ans de plus. Je suis intriguée et décide de mener mon enquête.

Le verdict tombe : pour les deux jeunes femmes, le mariage était arrangé par les familles. Elles n’ont pas voulu s’opposer au choix de leurs parents, de crainte de les décevoir. Majeures, donc, mais soumises au choix des parents. On ne peut certes pas parler de mariage forcé, car à 21 ans, la demoiselle de nationalité française peut, en principe, contester un projet d’épousailles. On parlera donc de mariage arrangé.

Les frères d’Aminata et de la jeune femme d’origine marocaine, eux, n’ont pas dû se marier avec la cousine machin truc du bled. Mais ils ont néanmoins subi la pression de l’entourage : ils ont épouse une femme de leur communauté respective.

Je demande à un jeune homme de mon immeuble ce qu’il pense de ces unions : « Pour moi, c’est une forme de torture, dit-il. En 2009, il existe encore ce genre d’arrangement. C’est moche. Mais nous, nous sommes là pour changer tout cela ! La confrontation avec la famille, on y passera pour la plupart. Je déteste le communautarisme, on doit pouvoir épouser la personne qu’on aime. Point barre ! Ces parents ont peut-être vécu les mêmes choses, mais c’était il y a 30 ans ! Jamais je n’aurais accepté qu’une de mes sœurs épouse un homme qu’elle n’aime pas ! C’est bien beau de rendre les parents heureux, mais le plus important, c’est le bonheur de leurs enfants. Le pire, c’est que la petite sœur d’Aminata, celle de 16 ans, est déjà fiancée à un homme… »

Mamadou, Malien, rentre chez lui, bien décidé à épouser une belle demoiselle que sa famille acceptera coûte que coûte !

Inès El laboudy

Inès El laboudy

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