Elle donne ses rendez-vous dans un café lumineux baigné de soleil, comme sa Martinique natale qu’elle a quitté à l’âge de 21 ans, il y a déjà de longues années. Les couleurs vives de ses vêtements et son écharpe parent son grand corps d’ancien mannequin et de grosses bagues, tout aussi colorées, révèlent sa fantaisie. Mais avant de se raconter, Marie-Lucienne parle immédiatement de ses enfants. Son aîné, Yannick, qui s’investit à fond dans l’humanitaire en assurant des événements et la communication du Secours populaire à Valence, son cadet, Anthony, qui développe sa fibre artistique et sa fille unique, jeune danseuse classique et contemporaine.

On sent la mère louve qui les couve. Pour que sa petite dernière puisse assouvir sa vocation, Marie-Lucienne a décidé de plaquer sa vie d’avant, dans une petite ville de la Drôme, pour s’installer à Valence afin que sa fille ait toutes les chances de réaliser son rêve de danseuse au Conservatoire. « Les personnes qui l’on vues danser disent qu’elle a le feu sacré… Mais elle travaille énormément aussi. La danse, c’est sa passion ! » explique-t-elle fière, presque émue…

Puis très vite, Marie-Lucienne aborde un point qui la taraude : Sa benjamine est grande et surtout métisse. Or dans les corps de ballet classique, peu de filles issues de la diversité sont proposées pour les rôles principaux. Et elle redoute la discrimination. Elle s’interroge : La France est-t-elle prête à faire sa place à des danseurs noirs dans les ballets classiques ? Devront-elles s’exiler à New-York, où vit la cousine de Marie-Lucienne depuis plus de 25 ans pour que sa fille fasse carrière dans la danse classique ? Marie-Lucienne ne s’y résout pas : Sa vie est en métropole depuis trop longtemps et pour elle, aucune couleur de peau ne devrait être un obstacle à une quelconque réussite.

Maman divorcée et célibataire, avec 3 enfants, elle a posé ses valises et celles de ses enfants voilà 5 ans dans l’un des quartiers populaires de Valence, le Polygone. Précaire, elle enchaîne les petits boulots, petits par le salaire mais grands par l’énergie déployée, comme agent recenseur, pour subvenir aux besoins de la famille.

Mais son dynamisme, sa curiosité et son ouverture d’esprit la font très vite repérer et devenir correspondante locale de presse pour l’organe le plus célèbre de Valence, le Dauphiné Libéré. Avec son appareil photo, et sa plume alerte, elle se fait l’écho de toutes les initiatives et la vie du Polygone. Et elle qui se passionne pour la poésie et qui noircit des pages de poème sur ses proches ou ses centre d’intérêts, elle ne manque jamais un reportage sur les causes qui lui tiennent à cœur comme celle du droit des femmes.

Le jour où nous sommes rencontrées à Valence, la coordination de la Marche mondiale des femmes (www.mmf-france.fr) de Drôme-Ardèche organisait un défilé-happening du Polygone jusqu’au centre-ville de Valence pour renommer les rues avec des noms de femmes. Une marche symbolique qui avait surtout pour objectif d’attirer l’attention contre la pauvreté et les violences faites aux femmes. Quand Marie-Lucienne était arrivée au point de rendez-vous, ils étaient nombreux à lui claquer la bise ou la saluer pour apparaître clairement comme une personnalité locale coiffée de sa casquette de correspondante du Dauphiné Libéré.

Après ce défilé en hommage à toutes les femmes qui luttent pour leurs droits et leur liberté, Marie-Lucienne reprenait le temps de parler d’elle. De ses deux divorces, ces épreuves difficiles mais qui appartiennent au passé et de son avenir qu’elle nourrit de projets, comme Golding.com, l’agence de communication qu’elle essaye de créer, elle qui se passionne pour la communication visuelle, et d’évoquer son implication dans des projets associatifs comme le journal du quartier, Regards du Polygone dont le 3ème numéro sortira début 2013. Marie-Lucienne semble avoir dix vies tellement son investissement citoyen est massif. Mais dans cet emploi du temps de ministre du cœur, elle ménage toujours un espace pour sa foi et le temple protestant qu’elle fréquente tous les dimanches, en tant que « danseuse de louange et d’adoration ». Puis elle ouvre son cahier à poèmes et donne à lire les trois qu’elle a écrit pour chacun de ses enfants.

Journaliste, poétesse, femme active, militante associative, Marie-Lucienne est avant-tout la mère dévouée de ses mômes devenus trop vite de jeunes adultes et ado. Marie-Lucienne ou le symbole de ces familles mono parentales, si caractéristiques des quartiers comme celui du Polygone, et qui malgré des conditions de vie précaires et difficiles sont prêtes à tous les sacrifices pour leurs enfants.

Sandrine Dionys

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