Pour répondre aux propos que son ex-compagne lui prête, François Hollande, interrogé par le Nouvel Obs, est revenu sur ces racines familiales. Réactions.

« Mon grand-père maternel, petit tailleur d’origine savoyarde, (…) mon grand-père paternel, instituteur, issu d’une famille de paysans pauvres du nord de la France (…). Et vous croyez que je pourrais mépriser le milieu d’où je tiens mes racines, ma raison de vivre ? ». C’est ainsi que le président François Hollande a balayé l’accusation orchestrée par son ex-compagne, Valérie Trierweiler. Une accusation selon laquelle il qualifierait les plus démunis de « sans-dents ». Nous sommes donc allés à la rencontre des « petites gens » du nord de la France, des instituteurs aux paysans et leur avons laissé la parole.

Pour Ghislaine*, ancienne institutrice et habitante de Valenciennes, « une famille d’enseignants n’est pas forcément pauvre. Nous avons toujours été soignés correctement et sommes allés chez le dentiste dès que nous avions trois ou quatre ans… Ma mère était institutrice, ma sœur aussi, nous sommes d’un niveau moyen mais nos parents ont toujours assuré nos soins de santé. D’ailleurs Mr Hollande, s’il est issu de ce milieu, semble avoir toutes ses dents…! ».

À l’ÉSPÉ (École Supérieure du Professorat et de l’Éducation) de Douai, un seul commentaire : « les instituteurs du nord ne sont pas moins payés qu’ailleurs, puisque c’est un barème national, mais les salaires sont effectivement bas, comparés à ceux des employés des autres ministères…». À titre d’information, ces salaires, en brut mensuel, vont de 1616€ à 3218€ après trente ans de carrière.

« Il n’y a pas que des gens riches et des gens pauvres dans l’agriculture… Cette vision est simpliste », commente Raymond*, propriétaire d’une ferme réputée dans la région. « Les ‘pauvres paysans’ ont été éliminés il y a bien longtemps. Ce cliché du paysan pauvre ce n’est pas une réalité, ce sont des difficultés passagères… Et puis il fait savoir réactualiser la profession, grâce à l’entreprenariat ». Raymond en est la preuve, avec son élevage bio il propose des produits de qualité, a trois salariés, fait vivre sa famille…

Henri, étudiant en lycée agricole, réagit différemment encore : « d’abord, il faut dire que si le grand-père de Hollande était paysan, à cette époque-là 80% des gens l’étaient donc ce n’est pas suffisant pour justifier ses racines populaires. En revanche, l’impact du mot paysan est différent d’une région à une autre, il est péjoratif dans le Nord (les régions céréalières), mais revendiqué dans les régions d’élevage… Je suis certain que François Hollande n’a rien voulu dire de mal en utilisant ce mot…».

Louis Malassis, lui, doit se retourner dans sa tombe. Fils de paysans bretons, économiste, ancien directeur général de l’enseignement et de la recherche au ministère de l’Agriculture, il dénonçait des « politiques nourricières » et défendait dans son livre Ils vous nourriront tous les paysans du monde, si… l’idée d’un « monde responsable, pluriel et solidaire »… Bien loin des appellations de « sans-dents » et de « paysans pauvres ».

Quoiqu’il en soit les nordistes ont de l’humour. Dans une maison de retraite perdue au milieu de la campagne, un pensionnaire s’en amuse et remet volontiers son dentier pour nous parler. « Il ne faut pas dramatiser… Cette info fait du bruit mais, enfin… Déjà, le Président l’a-t’il vraiment dit ? Et si oui, le pensait-il vraiment ? Cela peut être une boutade, sortie de son contexte ».

Enfin, vu le contexte, impossible de ne pas se rappeler la réplique d’Omar Sy à François Cluzet dans le film Intouchables : « vous avez de la chance, ça doit être la seule fille de Dunkerque qui a encore toute ses dents ». Un trait d’humour qui fait rire Michèle*, dentiste à Dunkerque, mais qui précise que les plus « édentés » ne sont pas des personnes bénéficiaires de la CMU : « tous les CMU sont pris en charge. La sécurité sociale rembourse bien les plus démunis, elle perçoit et redistribue énormément. Le problème touche plutôt les classes moyennes dont les mutuelles ne jouent pas le jeu. Deux personnes qui touchent le smic et qui ne peuvent pas payer leurs soins dentaires par exemple. Il y a aussi les personnes négligentes… Ou qui ont peur. Mais rassurez-vous, les dents des Dunkerquois se portent bien, il y a d’ailleurs ici une caisse d’avance dentaire, qui gère le tiers payant ! Les patients n’ont rien à avancer pour leurs soins (prothèses non comprises). Cela a un coût pour le chirurgien dentiste, ne se répercute pas sur le montant de ses honoraires et c’est un service que nous rendons aux personnes ».

Finalement, les pauvres sans-dents du Nord s’en sortent plutôt pas mal…

Pegah Hosseini

*Les prénoms ont été modifiés

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