A 67 ans, Michel prend littéralement ses délires pour des réalités ! « J’ai commencé à faire l’andouille après mon certificat d’études en apprenant la charcuterie à la Châtre (Indre). Après l’armée, avec mes gros sabots, je suis monté à Paris et j’ai monté ma charcuterie en 1967, au 20 rue Lepic. En 1975, je trouvais malheureux que les commerçants ne se connaissent pas entre eux, alors avec deux autres fous on a crée l’association Lepic-Abbesse commerçants. J’allais chercher Maryse d’Europe 1, aujourd’hui Mme Gildas, je posais les sonos sur ma R16 TX et on faisait des animations. »

« A cette époque, elle faisait une émission avec Coluche qui avait sorti sur les ondes, quelque chose comme « bande de cons au lieu d’être sur le périph dans les bouchons allez voir ma copine Maryse aux Abbesses », et ça a commencé comme ça… En 2002 j’ai quitté l’association parce qu’après 27 ans élu président à l’unanimité je me suis dit : il faut que je me barre avant que ça me pète à la gueule cette histoire ! Tous mes amis m’ont dit : « Jean-Michel tu ne peux pas t’arrêter comme ça, faut que t’organises un petit coup de fourchette entre nous, tous les deux trois mois ! » On pensait se retrouver à une cinquantaine et en fait c’est parti en fusée et on a décollé ! On a sorti un petit journal : Montmartre à la Une et aujourd’hui on fait plein de choses ! »

Une bande de joyeux lurons, indépendants et libres, qui se tapent des trips tout dans l’esprit montmartrois ! « Le plus gros délire c’était le jumelage du bas Montmartre avec Groland. L’année de la canicule, Christophe Salengro [le président de Groland] et moi remontions la rue Lepic en se disant « c’est vrai que c’est dur  » et j’ai dit « il faudrait qu’on fasse des tire-fesses » ! Si vous aviez vue Moustic, un an après, sur le faux tire-fesse avec un casque d’aviateur des années 1920 et des hommes majorettes avec leurs guibolles pleines de poils ! On a fait monter le président de Groland sur un chameau, à cru – il m’a remercié les quinze jours qui ont suivi tellement il avait mal au cul – jusqu’aux Deux Moulins où Gustave Kervern, déguisé en Améliche Pouline, l’attendait pour aller jusqu’à la rue des Abbesses. Mickael Kael était là-haut avec Mazarine qui criait « papa tu vas pas épouser cette salope ! » Tout le monde lui disait « taisez-vous mademoiselle ! », personne n’y comprenait rien, c’était un vrai foutoir : du tonnerre ! On a tous fini au bar la Pomponnette et je ne me souviens même plus comment ça c’est terminé. »

« Depuis, on a relancé la Vacharcade : un contre-défilé de mardi gras qui date des années 1890. On fait le nouvel an belge, pas toujours à la même date puisqu’il est belge ! On a fêté les cent ans de la monté de la rue Lepic par Louis Renault et on a un projet de course de côte au ralenti : celui qui met le plus longtemps pour arriver à la place du Tertre sans caler. On n’a rien inventé. Nos aïeux le faisaient ils avaient beaucoup plus d’humour que nous ! On pense aussi faire la traversée de Montmartre à la nage : des filles très dénudée dans des baignoires avec 10 cm d’eau porté par des hommes ! On est un peu barjots et Dieu merci on ne se prend pas au sérieux dans ce monde très triste. »

« Je me suis attaché à ce quartier parce que ces gens là ont su m’accueillir quand je suis arrivé ici ! Mais depuis 10 ans, le quartier a changé. Les bobos tuent le bas Montmartre ! Ils puent le fric et se croient tout permis. Ils ne veulent plus des commerces alimentaires en bas de chez eux parce que ça fait du bruit et qu’il y a des odeurs ! Ils veulent que les terrasses ferment à 22H ! Montmartre a toujours été un lieu de vie et de fête, de jour comme de nuit ! S’ils ne sont pas contents qu’ils se barrent ailleurs ! Aujourd’hui on vient ici pour avoir le prestige d’habiter Montmartre et le reste on s’en fou. Je suis berrichon d’origine et fière de l’être, mais montmartrois d’adoption et je défends l’esprit du quartier ! » Un village d’irréductibles zinzins au nord de Paris, gardé par ces résistants de l’humour dont les délires n’ont pas de limites !

Nadia Sweeny

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