Léo Lagrange, quartier de Montreuil. Les pannes d’ascenseur sont récurrentes. Les solutions laissent à désirer… Linda est allée à la rencontre des habitants. Récit des embarras occasionnés.

Montreuil, ville périphérique de Paris, compte parmi ses nombreux quartiers, celui de Léo Lagrange. Deux tours de 7 étages, logeant environ 400 habitants, qui sont pour la plupart des personnes malades et/ou âgées. Il y a quelques jours de cela, les ascenseurs de deux de ses quatre immeubles étaient hors d’usage, depuis plus de deux semaines pour l’un, et presque deux mois pour l’autre. Cette panne, comme me le confirme une habitante, « se renouvelle environ une dizaine de fois chaque année. » 

La mairie, contactée à plusieurs reprises, donnait pour réponse : l’envoi « prochain d’un réparateur… » Cependant, dans l’immédiat, pour recourir à  cette panne, la mairie a offert les services d’un de ses agents : un porteur, qui ne fut que très rarement aperçu. Il devait être présent pour aider à monter les paquets et courses, du lundi au vendredi de 17h à 19h et le week-end de 10h à 12h. Ce qui restreint et définit à la fois le temps de courses pour les habitants de ces immeubles.

Une habitante me confie la gêne que ce dysfonctionnement engendre pour l’ensemble des habitants, tout en commentant la décision de la mairie : « Maintenant je dois aller faire mes courses le soir ? Ah non, ça ne m’arrange pas ! Je suis habituée à les faire le matin. Je ne vais pas attendre le porteur et rester chez moi avec mes enfants, sans nourriture. »

Une autre habitante affirme que la présence du porteur à ces horaires « arrange les gens qui travaillent, alors qu’ils (la mairie) ont oublié les personnes âgées, ou tout simplement tous ceux qui ne peuvent pas faire autrement que faire leurs courses le matin ». Elle ajoute : « de toute manière, vous pensez vraiment que ce monsieur pourra aider tout le monde, en 2 heures par jour ?»

Et j’ajoute pour ma part, présence du valeureux porteur ou non, le problème persiste car il s’agit d’un service qui n’en demeure pas moins assuré. La mairie n’a pas trouvé de solution au véritable problème posé : faciliter la montée régulière et épuisante des étages.

C’est la première fois que la mairie envoie un de ses agents, en qualité de porteur. Est-ce par un élan de générosité après avoir entendu les locataires appeler à l’aide ? Ou est-ce que cela cache une panne de plus longue durée ? Quoi que l’on puisse dire, l’annonce de la mairie ne présage rien de bon pour les habitants, surtout pour ceux qui dépendent de ce service.

« Il est de plus en plus difficile de monter six étages  à mon âge», affirme un locataire âgé de 69 ans. Depuis la panne, il ne sort que très rarement en cas de nécessité. L’âge n’est pas le seul facteur contraignant. Une jeune fille, âgée d’une vingtaine d’années seulement, limite aussi ses sorties, car ça lui ferait 7 étages à monter, ce qui est pour elle « très fatigant. »

ascenseurLes services proposés par le bailleur, tels que l’ascenseur, le parking, l’aire de jeu sont avant tout des droits aux locataires. Cependant, ces droits inclus dans les charges mensuellement acquittées – et majorées chaque année- ne sont pas scrupuleusement assurés. Indépendamment ou non de la volonté du bailleur, les solutions tardent souvent à apparaître. Fort heureusement, dans l’attente d’une intervention plus efficace, une forme de solidarité s’est développée entre les habitants et plus particulièrement avec certains jeunes, souvent présents devant les halls d’immeuble, qui n’hésitent pas à aider leurs voisins à monter leurs paquets.

Construit peu après la seconde guerre mondiale pour répondre à l’urgence des besoins de logements des Trente glorieuses, ce complexe locatif montreuillois est loin de constituer une exception de quartiers subissant les conséquences de l’ancienneté de l’habitat. Pour répondre à cette dégénérescence, la solution de l’État, dans le cadre de sa politique de la Ville (mise en place à la fin des années 1970), initialement dans le but de refonder le lien social dans les quartiers, agit, notamment depuis l’arrivée de la droite au pouvoir en 2007 par la démolition des grands ensembles vétustes et l’expulsion des populations qui « dérangent ».

Lundi 18 février, en déplacement à Clichy-Sous-Bois, le premier ministre, face à de nouveaux ensembles flambants neufs, construits après la démolition des anciens, a affirmé que la « politique de la Ville est une des priorités du gouvernement. » Il propose une solution surprenante : mettre fin au saupoudrage du budget chiffré à 500 millions d’euros, en le concentrant sur un nombre de quartiers limités afin de pouvoir offrir des mesures plus efficaces aux plus défavorisés soit, 500 à 1000 quartiers au lieu de 2500 actuellement. Cette annonce survient une semaine après la déclaration de Jean-Marc Ayrault, qui reconnaissait qu’il était impossible pour la France d’atteindre, comme il avait été promis, une réduction du déficit public à 3,0% du PIB en 2013. Plan de rigueur pas totalement avoué, le chef du gouvernement est obligé de demander à ses ministres des économies supplémentaires pour 2014. Sans grand étonnement, ce sont les quartiers qui vont trinquer. Les quartiers n’entrant pas dans le plan du gouvernement, ne bénéficieront plus de porteurs …

 

Linda Rahab

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