Ces « mamans » des quartiers populaires de Valence ont participé à un marathon de Paris. Pas la course de 42,195 kilomètres aux côtés d’athlètes kenyans mais une escapade touristique de trois jours et deux nuits dans la capitale organisée par la Maison pour tous de leur quartier. Première fois à Paris mais aussi loin de la famille et du quotidien pour prendre un grand bol d’air au pas de course contre la montre pour ne rien rater.

Avec une participation de 82 à 117 euros selon le quotient familial, ce week-end à Paris comprenait l’aller-retour en car, les deux nuits en auberge de jeunesse, la demie-pension et… les attractions ! Le Louvre, une croisière en bateau-mouche, une visite guidée en bus, la Tour Eiffel et des quartiers libres. Et si les Champs-Elysées by night ont marqué esprits et cartes mémoire des appareils photos numériques par ses illuminations féériques dès le vendredi soir, le quartier libre du samedi après-midi conduisit les mamans à Barbès, coin de Paname bien moins chic que « Les Champs » mais tout aussi mythique. La réputation des bonnes affaires de ses boutiques a irrigué jusqu’à Valence, et pas question de rentrer à la maison les bras vides de souvenirs pour les enfants et la famille !

Plongée à Barbès donc. En ce midi ensoleillé, les « daronnes » se séparent pour manger et reprendre des forces après le long trajet de la veille, la visite commentée du matin et la nuit qui fut quasi blanche. Dans les dortoirs du BVJ de la rue Jean-Jacques Rousseau dans le 1er arrondissement, l’excitation des vacances fut à son comble, et peu réussirent à fermer l’œil. Dans une des chambres, ce fut même blagues coquines et fous rires jusqu’au petit matin… Un vrai sas de décompression. Le groupe de Sabrina, une des animatrices encadrantes, choisit de s’arrêter dans un fast-food spécialisé dans le poulet pour varier du kebab valentinois : Paris a beau être magique, le budget reste serré et le menu à 6 euros fait l’unanimité.

Autour de leur encas, Dalila, Choucha, Graziella, Fa, Zina et les autres décortiquent leur début de séjour. « Magnifique ! » Elles n’ont que ce mot à la bouche. Choucha et Dalila sont sœurs. Coquettes, elles ne révèlent pas leur âge mais leur enthousiasme est juvénile. « Ça fait 50 ans que je vis à Valence et je n’avais jamais vu ça ! Y’a pas de mots pour décrire ce que j’ai ressenti hier au Louvre et ce que ressens en voyant tous ces monuments, cette architecture… Mais ce qui m’angoisse, c’est de ne pas pouvoir tout voir… » commente Choucha, l’aînée. Dalila, aussi vive que les étincelles dans son regard renchérit : « On est des vraies toupies tellement on est excitées ! On ne veut pas faire les fayottes mais on veut remercier les animatrices pour leur patience avec nous et la Maison pour tous pour ce beau voyage. Paris, c’est le cœur de la France et tout ça restera gravé dans nos têtes… »

Dalila, à la recherche d’un emploi dans la restauration scolaire, insiste aussi sur les bienfaits de ce break : « D’ordinaire, ces mamans ne prennent jamais de temps pour elles. Là, pendant ces trois jours, nous ne pensons qu’à nous, à rire, nous amuser, même si on stresse de ne pas pouvoir tout voir, c’est vrai… » Car pour certaines qui goûtent avec plaisir toute cette culture, ces trois jours ne suffiront pas à calmer leur appétit de connaissance. Et Graziella de faire rêver la tablée. « Il faudrait refaire un voyage comme celui-là avec celles comme nous intéressées par la culture pour découvrir… Versailles ! » Acquiescement général. Pour Choucha, Dalila, Zina et les autres, plus que le shopping, c’est la découverte du patrimoine qui les motive. Le Sacré Cœur, la Mosquée de Paris, il leur reste tellement à faire : pas une minute de leur quartier libre ne doit être gâchée.

Avant de reprendre leur excursion dans le tumulte parisien, Dalila prend la pose et s’exclame dans une cascade de rire : « Dites bien dans votre article que je recherche du travail ! ». Car elle le sait bien, dimanche, il faudra rentrer et retrouver les tracas du quotidien bien loin des scintillements de la ville lumière.

Sandrine Dionys

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