Le Palais de justice de Pontoise renvoie une photographie  d’une certaine réalité  française : la séparation des « races ». Selon les us et coutumes d’une audience judiciaire, les victimes ne se mélangent pas avec les proches des accusés. Une règle appliquée strictement dans ce procès de peur d’un embrasement général : « En raison du contexte houleux de ce dossier, nous avons séparé les parties civiles et le public », explique l’huissier de la Cour d’assises.  Résultat : la salle est séparée en deux parties. A gauche  les victimes et à droite les proches, les amis, le tout contrôlé par un important service d’ordre. Un spectacle en noir et blanc.

Les parties civiles ne représentent que des policiers et les proches des accusés sont d’origines africaines. Un choc des cultures qui frappe même des journalistes étrangers : « Vous  critiquez notre système communautariste et vous criez haut et fort que le système intégrationniste est le modèle à suivre. Or quand je rentre dans la salle, c’est l’apartheid que je vois », ironise John Stewart, journaliste indépendant pour plusieurs radios anglaises. Une situation qui ne choque pas les acteurs concernés : « Franchement, je ne pourrais pas m’asseoir avec les proches des accusés. De crainte de recevoir une machette », craint un policier victime lors des émeutes de Villiers-le-bel.

Un discours similaire dans l’autre camp : « Depuis la mort de Larhamy et Moushin (les deux adolescents morts dans la collision de leur mini-moto avec une voiture de police en 2007, drame déclencheur d’émeutes à Villiers-le-bel, ndlr), la police ne nous protège pas. Elle nous fait du mal », accuse un jeune venu assister au procès. Une méfiance qui se lit dans les regards pendant les audiences : « La salle est respectueuse. Mais on sent la tension des deux côtés. Il y a de temps en temps des regards menaçant qui se croisent. Il suffit d’une étincelle pour que cela explose entre Blancs et Noirs », constate Juliette Bruneau, journaliste pour la presse locale. Un « spectacle » en noir et blanc qui se poursuit à l’extérieur.

« Lors d’une interruption d’audience, chacun se regroupe selon sa couleur de peau. C’est vraiment flagrant. D’un côté les Blancs en costume cravate ou en sportswear, et de l’autre, des jeunes Noirs en mode banlieue et des personnes âgées en boubou », remarque une avocate qui plaide dans une autre affaire. Une réalité de la société française qui rejaillit aussi dans le prétoire : les avocats (défense et partie civile), les magistrats, le jury populaire sont en grande partie de couleur blanche et les accusés sont d’origines africaines.

Chaker Nouri

Chaker Nouri

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