« Le ciel bleu me donne un peu d’espoir », assure Luisa* dans la cour ensoleillée du Tribunal administratif de Paris, lundi 13 février. Cette mère de quatre enfants espère une issue positive à sa situation administrative. Arrivée en France du Brésil en février 2022, elle vit depuis près de deux mois sous le joug d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

En décembre, le personnel éducatif de l’école élémentaire de l’Ourcq B (Paris 19e) s’était mobilisé afin de mettre Luisa et ses enfants à l’abri. Suite à l’occupation de l’établissement scolaire, ils avaient reçu le soutien de la mairie de l’arrondissement qui avait débloqué un fond d’urgence pour les loger.

Une mobilisation payante, à bien des égards. « Ce soutien illustre devant le Tribunal que Luisa et ses enfants sont dans une situation stable qu’ils n’avaient d’ailleurs jamais connue avant », détaille son avocate, Maître Aurélia Pierre. « Malheureusement, pour les institutions, un an passé en France n’est pas un ancrage suffisant », poursuit-elle.

Des violences conjugales attestées par la Cour Nationale du Droit d’Asile

Si Luisa peut faire appel de la décision du Tribunal administratif, ses ressources s’épuisent. En effet, sa demande d’asile ainsi que son recours devant la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA) ont déjà été rejetés. Pour son avocate, il est pourtant clair que « ses craintes au sujet d’un retour au Brésil ont été mal examinées ».

Dans une salle froide du Tribunal, sa collaboratrice, Maître Grolleau, n’a que quelques dizaines de minutes pour convaincre le magistrat de revenir sur la décision de la préfecture de Paris qui délivre les OQTF.

Juchée sur une petite table, l’avocate déroule factuellement les années de violences, les cicatrices documentées par le corps médical en France, l’hospitalisation quelques mois plus tôt d’un des enfants de Luisa certifiée par un établissement brésilien. « Rien ne permet d’écarter que Luisa, si elle retourne au Brésil, soit de nouveau aux prises de son agresseur », fait valoir Maître Grolleau.

On a reproché à ma cliente de ne pas avoir su expliquer en quoi elle était en danger au Brésil

L’avocate plaide pour l’annulation de la procédure d’éloignement en vertu du respect de l’article 3 de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) sur les traitements dégradants que pourraient subir Luisa et ses enfants. « Même témoin, exposer un enfant à des violences conjugales, c’est créer des retentissements qui le poursuivront pendant tout son développement », rappelle l’avocate.

À l’OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides), puis devant la CNDA, Luisa a témoigné de ces violences intra-familiales. « La réalité de celles-ci n’ont jamais été remises en doute », pointe Maître Pierre. « On a reproché à ma cliente de ne pas avoir su expliquer en quoi elle était en danger au Brésil. Mais, en réalité, la question ne lui a pas été posée », soutient son avocate qui a eu accès au compte rendu de l’audience devant la CNDA.

Une politique féministe qui fait défaut

« Il est très courant que l’on se rende compte, dans les dossiers avec des victimes de violences intra-familiales, que la question n’a pas été posée, ou qu’elle a été abordée de manière très rapide », poursuit-elle.

« En privé, elle a été capable de m’expliquer très clairement pourquoi elle était en danger au Brésil », assure l’avocate de Luisa. « Nous avons fait énormément de recherches sur la prise en charge des violences conjugales au Brésil. Le pays a fait beaucoup d’efforts ces dernières années », indiquent les avocates. « Mais sans lien avec le contexte particulier de Luisa », d’après elles. « Luisa vivait dans une favela de São Paulo et c’est une femme noire et immigrée », précisent-elles.

« Au Brésil, Luisa doit faire face aux obstacles sociaux, aux clichés sexistes, et aux préjugés raciaux », argue Maître Grolleau dans la salle d’audience. « C’est pourquoi je vous demanderai d’annuler la procédure à son encontre et d’enjoindre la préfecture de réexaminer sa situation et celle de ses enfants », conclut l’avocate devant la cour. La décision du tribunal sera connue la semaine prochaine.

Méline Escrihuela

*Nom d’emprunt

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