Au détour d’une conversation fort banale, la simple évocation de la ligne B du RER, contribue souvent à animer en chacun des sentiments bien différents. Les usagers quotidiens de cette ligne verront là alors l’occasion de cracher toute leur haine, pour soulager leur frustration longtemps enfouie. Et pendant ce temps-là, le Parisien, habitué au métro vide et ponctuel manifestera sans doute une incompréhension totale face à ce pétage de plomb soudain.

Mais le RER B est ce qu’il est. Et exprimer une énième fois son mécontentement contre cette ligne, reviendrait à tirer sur une ambulance. Je préfère donc lui rendre hommage, car pour un maigre abonnement annuel de plusieurs centaines d’euros, elle fait de nous, ses voyageurs les plus fidèles, des êtres à part entière.
Ô toi cher (e) inconnu (e) que j’ai bousculé afin de m’infiltrer dans les rames bondées du RER B, ô toi jeune femme ou vieille dame qui m’a lancé un regard noir, car tu n’as pas compris que c’est malgré moi que je me frottais contre ton postérieur, ô — toi personne âgée ou handicapée qui a compris que je faisais semblant de ne pas te voir pour garder ma place assise dans cette rame remplie de monde, et vous autres voyageurs, oublions toutes nos vieilles rengaines et soyons reconnaissant.

La ligne B nous permet d’avoir chaque jour de la chaleur humaine. Qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige, été comme hiver, matin comme soir, le voyageur de la ligne B du RER est sûr d’avoir sa dose quotidienne de bain de foule et de collé-serré. Eh oui prendre tous les jours le RER B, c’est ne plus souffrir de la solitude. Parfois il y a même de super bonus, car en plus des câlins gratuits et forcés avec des inconnues ou des portes, certains voyageurs nous font profiter allègrement de l’odeur de leur flatulence. Voyez-vous mesdames et messieurs le sens du partage est omniprésent dans le RER B. Se battre littéralement contre vents et marées pour aller au boulot ou rentrer le soir à la maison. N’est-ce pas génial ?

L’autre avantage de la ligne B du RER aussi, c’est qu’elle nous a permis d’aimer notre prochain. Non je n’emploie pas de grands mots puisque s’il y a bien un endroit où l’on peut tester chaque jour son amour pour l’espèce humaine, c’est bien dans le RER B. D’ailleurs à chaque voyage sur cette ligne, nous devenons de plus en plus de fervents croyants. L’autre jour j’ai entendu une vieille dame dire « Seigneur j’espère qu’il n’y aura pas de problème cette fois ci sur la ligne B. Faites que tous les voyageurs arrivent bien à temps. »

Toutefois le RER B est espiègle et joueur. Son fonctionnement dépasse toute logique divine. Souvent on sait quand on part au travail mais jamais on ne sait quand on arrive. Dix minutes après cette prière, nous nous retrouvions bloqués en gare de Denfert-Rochereau « suite à une panne de signalisation » crachait une dame dans les haut-parleurs. Le suspens est garanti avec cette ligne. Et ça, nous les voyageurs adorons.

Si je devais louer les mérites du RER B et ses bienfaits sur mon quotidien, j’en aurais sans doute pour des heures. Toutefois ce que vous devez savoir c’est que dorénavant la ligne B du RER est devenue une drogue pour moi. Lorsque je rentre dans une rame vide,  je vais me serrer contre d’autres passagers qui me remercient de leur offrir leur dose quotidienne de bousculade et de collé-serré. Et si personne ne veut de moi?  Je me plaque contre la porte durant tout le voyage. La ligne B, c’est Disneyland. Et chaque matin plus on est de voyageurs fous à l’emprunter et plus on rigole.

Mohamed K.

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